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Burkina Faso : Les causes du sous-développement

Publié le lundi 30 octobre 2006 à 07h19min

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"Le chômage et sa solution : esquisse d’un plan pour sortir le Burkina Faso du sous-développement". C’est le titre d’un livre en préparation qui a pour auteur Siaka S. Sanou, qui est, par ailleurs, président de la Fondation emploi pour tous. Avant la parution du livre, l’auteur a mis à la disposition du journal des extraits dont il a aimablement autorisé la publication. Dans ce premier jet, les causes du sous-développement du Burkina.

Le Burkina Faso n’a pas suffisamment, ou sinon pas du tout, une politique de développement structurelle : c’est un pays qui est constamment à la recherche de l’aide étrangère au développement. Il perd tout son temps à attendre celle-ci au lieu de rendre plus compétitive son économie afin de pouvoir profiter pleinement de la conjoncture.

Autrement, nous sommes, sans l’avoir choisi, les citoyens d’un pays éternellement assisté, classé depuis lors parmi ceux qui sont les moins avancés de notre planète. La direction générale de l’économie et du plan vient elle-même de reconnaître le tâtonnement qui a empêché l’économie burkinabè d’être placée dans l’axe de la performance.

Un ministère de l’Economie et du Développement existe, pour la création duquel il faut saluer le gouvernement. Et, même est mis en place un Conseil national de la prospective et de la planification, qui doit s’impliquer dans le traitement des données capables d’orienter à terme, l’économie de notre pays vers une croissance exponentielle, voire inhabituelle.

Manque d’ambitions

Mais les plans de développement sont toujours élaborés au Burkina Faso, et ne permettent jamais de mettre à la disposition de chaque Burkinabè un revenu minimum qui correspond à ses besoins fondamentaux. Ici le plan est limité à une simple méthode de présentation de chiffres, victime d’un effet de mode. Tout laisse croire que nous n’avons pas d’ambitions pour ce pays et ces populations. Nos dirigeants sont affolés lorsqu’ils ont en face d’eux, un interlocuteur qui leur parle de chiffres, de millions et surtout de milliards. Ils ont un comportement qui donne l’impression à tout interlocuteur étranger que nous sommes un peuple qui n’a pas encore les yeux ouverts ; des citoyens d’une république bananière où tout le monde voit sous les traits d’un mégalomane et rêveur, de quelqu’un qui a perdu la raison, celui qui ose sortir des sentiers battus pour dire à nos décideurs et à nos partenaires qu’ils doivent avoir plus de bon sens et faire preuve de réalisme.

Au Burkina Faso, s’il n’y a que cinq morceaux de pain et deux poissons pour cinq mille personnes, nos économistes ne posent pas la question : « Que faut-il faire pour que ce repas suffise à tous ? » Le calcul à leur niveau est simple. Ils ne prennent pas certes, mais aident à prendre des décisions, dans lesquelles peu de familles ici dans ce pays se reconnaîtront. Les tribunaux populaires de la révolution n’ont-ils pas reproché à un ancien Premier ministre de ce pays de n’avoir eu qu’une seule idée ? Chaque fois que le problème se pose, nos économistes conseillent de limiter ce partage à deux Burkinabè qui le méritent, et de faire comprendre aux 4998 autres qu’ils doivent attendre et prendre leur mal en patience.

Pédagogie de la pauvreté

Il y a ici une pédagogie de la pauvreté, et nous assumons beaucoup trop allègrement cette pauvreté. Sinon, le Burkina Faso n’est pas un pays pauvre ni maudit.

Rien que la culture des plantes et la production d’huile qui doit entrer dans la composition des parfums, rien que la fabrication des différents produits cosmétiques que nos industriels doivent aussi bien destiner aux femmes qu’aux hommes peuvent ici encourager à la consommation et à l’investissement.

Supposons que le système national de planification de notre pays permette à chaque Burkinabè d’avoir un pouvoir d’achat de 12 000 F CFA par mois, pour ses achats en produits cosmétiques : c’est un marché de 1 728 milliards de F CFA que nous réussirons ainsi à réaliser, puis à structurer et qui équivaut à notre PIB actuel. En identifiant de nombreux secteurs d’activités sur lesquels le pays peut mieux orienter ses investissements, nous pouvons faire de l’ensemble du territoire burkinabè un vaste marché, où toutes les transactions seront possibles.

Car le Burkina, c’est déjà plus de 13 millions de consommateurs. Nous devons nous étonner, 45 années après notre déclaration d’indépendance, que le PIB de ce pays n’ait pas encore atteint 45 000 milliards de F CFA. Quand un député qui ne veut plus voir s’éterniser cette situation la reproche à nos

autorités, elles répondent que c’est parce qu’il n’y a pas de pétrole à Koupéla. Le pétrole pouvait ne pas exister dans le monde, cela n’empêcherait pas l’humanité d’exister et nos nations d’être prospères. Ce sont plutôt les idées que nous n’avons pas et non le pétrole.

Pour ne plus persister dans nos erreurs passées, nous devons plus que jamais entreprendre une opération de charme en direction de nos populations pour donner à l’ensemble des acteurs de notre économie, le pouvoir de produire, de transformer, de vendre et d’acheter. Nous sommes portés à avoir un marché où nous devrons facilement écouler le pétrole que nous-mêmes nous raffinerons ; le cacao, le coton, les fruits, les légumes et les métaux qu’ici au Burkina Faso nous-mêmes nous transformerons.

Multiplication de discours sans effet

En créant une association, nous avons toujours une arrière-pensée que des Blancs viendront nous aider à financer ses activités. En élaborant un plan national de développement, c’est sur nos partenaires au développement que nous comptons pour pouvoir le réaliser. Nous avons pris l’habitude de n’exploiter que moins de 2% de nos capacités économiques, de suivre aveuglément la mode et de ne jamais oser que nous sommes arrivés au point aujourd’hui où les chômeurs ne croient plus aux conclusions intellectuelles et scientifiques qui leur affirment que le chômage peut être totalement enrayé, même dans un pays comme le Burkina Faso, réputé pauvre, alors qu’il regorge d’énormes potentialités. Et quand on énumère tant et tant de réalisations que l’on peut envisager dans ce pays, certains économistes vous posent la question : où allez¬-vous pour cela trouver les financements nécessaires ?

L’économie politique n’est-elle pas une science qui s’occupe de l’étude des mécanismes qui règlent la production, la transformation et la distribution des richesses dans un pays ? Si un économiste ignore la porte à laquelle il doit frapper pour trouver les capitaux qui peuvent transformer un pays, c’est un aveu qu’il n’est pas l’expert qu’il prétend être. Il n’est pas le savant, le spécialiste qui sait manier habilement les chiffres et agir sur eux pour que dans un contexte d’aggravation de la misère des travailleurs et du peuple, l’adoption d’un Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP) ou de lutte pour la réduction de la pauvreté ne se limite pas à une multiplication de discours sans effet.

Si des artistes pensent que les hommes politiques sont des marchands d’illusions qui mènent tous les peuples vers une destination inconnue, c’est de la démission, de la négligence et du comportement de ces économistes qu’ils doivent surtout se plaindre. Sinon que chaque problème et sa solution au Burkina forment un couple. Tout problème qui existe a sa solution. Un problème reste un problème si et seulement si sa solution est ignorée.

Il y a celui qui tourne autour de soi et celui qui met ses bras autour du monde, a dit le poète. Le Burkina ne doit pas tourner autour de lui-même : il doit mettre ses bras autour du monde. C’est pour mettre ses bras autour du monde que le Burkina Faso a certainement décidé de réaliser l’étude prospective « Burkina 2025 », qui a comme rôle dévolu, de dégager la vision du développement souhaitée par les Burkinabè à l’horizon d’une génération. Sa mission est de faire ressortir les aspirations du peuple burkinabè en matière de développement économique, politique, social et cultuel. La construction d’une telle vision commune de société nécessite une démarche consensuelle et participative.

Le sous-développement n’est pas une fatalité

Dans l’optique de la mise en œuvre d’une telle vision, nous devrions tous admettre que le sous-développement n’est pas une fatalité, que l’avenir du Burkina Faso se construira dans une démarche participative et qu’il est opportun d’échapper à la dictature du quotidien et de construire l’avenir du pays de façon volontariste.

Quel avenir et quelles perspectives y a-t-il donc au Burkina pour les générations futures ? Il y a lieu de se poser la question au regard du tableau que nous présente actuellement notre pays en matière de développement, de niveau et de conditions de vie de nos populations qui sont parmi les plus à plaindre.

Certes que pour des raisons manifestes de difficultés financières, beaucoup de projets dans ce pays n’ont pas encore connu un début de réalisation. Mais comment noter avec satisfaction la réalisation de multiples activités de développement ? Comment féliciter pour le dynamisme qu’ils manifestent, ceux qui brillamment, dans ce contexte difficile, en leur nom ou au nom de l’Etat entreprennent des réalisations positives ? Si le système national de planification existant au Burkina Faso brille par son inefficacité et continue de montrer au grand jour, son incohérence interne et externe, la non articulation entre ses objectifs et les besoins d’épanouissement de la population d’une part, et d’autre part entre ses objectifs et les stratégies à mettre en œuvre : « A qui la faute ? » Comme le dit ce groupe de jeunes rappeurs burkinabè ?

Siaka S. Sanou

NDLR : le titre et les intertitres sont du journal

Le Pays

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