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Journée nationale de la presse : Pour un journalisme plus responsable

Publié le mardi 24 octobre 2006 à 07h31min

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On pourrait s’étonner qu’un 20 octobre, l’on parle de journée de la liberté de presse comme ce fut le cas vendredi dernier, à Ouagadougou, la célébration internationalement reconnue étant le 3 mai.

En fait, le Centre national de presse Norbert Zongo a choisi cette date pour une commémoration nationale en souvenir de la date à laquelle le MBDHP (Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples) a déposé sa pétition pour une relecture du Code de l’information en 1993.

Le point d’orgue des manifestations fut bien entendu le panel sur le non-lieu dans l’affaire Norbert Zongo. Mais le secrétaire général de Reporters sans frontières était aussi de la partie avec des documents complémentaires sur le rapport de la Commission d’enquête indépendante instituée après l’assassinat de notre confrère. Autant d’initiatives qui, comme on le voit, tendent à perpétuer la mémoire de Norbert Zongo et, surtout, à permettre que justice lui soit rendue.

A la faveur de cette Journée, il apparaît aussi utile pour le monde de la presse burkinabè de faire sa propre introspection et son autocritique. Tous les professionnels le savent, la critique interne est l’exercice quotidien auquel s’adonnent les organes de presse sérieux. La fameuse conférence de rédaction est un véritable gril où les erreurs, les imperfections et les insuffisances sont passées au crible. C’est une remise en cause permanente, un questionnement quotidien sur nos faits et gestes.

Pour dire vrai, très peu de corporations sont aussi sévères envers elles-mêmes, ce qui frise parfois l’auto-flagellation. Mais il ne s’agit rien d’autre que l’obsession de bien faire, c’est-à-dire de mériter le nom de journaliste. Nous ne ferons donc, dans ces lignes, que dire tout haut les réflexions sans concession qui se mènent pour mieux servir le public et, nous l’espérons, faire reculer les frontières de l’ignorance.

Le débat récurrent dans nos jeunes démocraties est incontestablement la responsabilité sociale du journaliste. Doit-on tout écrire au nom de la liberté de la presse ? Il y a certainement des limites à ne pas dépasser car comme toute profession, le journalisme a ses règles dont les plus essentielles portent sur l’éthique et la déontologie.

En dehors de cette voix intérieure qui rappelle en permanence à l’ordre et à la vigilance, il y a des réalités plus abruptes comme les procès, les amendes, voire la prison, pour les pays où le délit de presse n’est pas dépénalisé. Mais rien n’est de trop, dans une profession aussi soumise à toutes formes de tentations que le journalisme, pour rappeler et insister sur le b.a-ba du métier. Sans demander aux hommes de presse burkinabè de pouvoir incarner les vertus du journalisme originel qui font d’eux des personnages qui ont une vision humaniste, il y a lieu de rappeler certains principes rattachés à ce noble métier.

D’abord, il n’est pas utile de chercher coûte que coûte à fouiller dans les poubelles, à percer la vie privée ou à régler des comptes. Informer, c’est d’abord respecter le droit des autres et surtout, les lois de la république. S’attaquer à des personnes désarmées, par son organe de presse interposé, comme certains le font parfois, c’est combattre à armes inégales. Dans tous les cas, une telle pratique ne fait qu’avilir le métier. La plume est aussi précise que le bistouri du chirurgien ; celui qui manipule ces deux objets n’a pas droit à l’erreur.

L’Afrique, malheureusement, donne l’image d’un journalisme précambrien où tous les coups sont permis, où les sujets sont abordés avec légèreté. Ce n’est pas toujours la formation qui fait défaut. Qu’ils soient issus d’écoles professionnelles ou formés sur le tas, les journalistes ont les moyens aujourd’hui d’éviter certaines dérives, pour peu qu’ils en aient la volonté. Dans une rédaction, quelques journalistes aguerris et consciencieux peuvent imprimer une dynamique positive aux canards boiteux qui veulent progresser. Cela n’exonère pas évidemment les patrons de presse, les associations professionnelles et les journalistes eux-mêmes de toujours tendre vers la perfection par une formation solide.

Cependant, beaucoup tombent très facilement dans le vedettariat, entretenant l’illusion d’être de super journalistes parce qu’un homme politique ou un opérateur économique, pour des raisons inavouées, a flatté leur ego. Or le plus grand danger qui guette le journaliste, c’est le jour où il n’aura plus les pieds sur terre. Quand on perd sa lucidité et son sens de l’humilité dans ce métier, la seule chose qui vous reste, c’est de ranger votre calepin et votre stylo. Parce qu’alors, vous ferez du tort à vous-même, à votre profession et au pays tout entier.

Dans un environnement presque hostile (les répressives, rétention de l’information, cherté des intrants, fiscalité non favorable...), la presse est donc obligée de se frayer sa voie de la façon la plus honorable, puisque la société des consommateurs et la profession l’exigent. Mais elle se sent parfois isolée face aux coups qu’elle reçoit de toutes parts : l’opposition qui l’accuse de pactiser avec le pouvoir et vice-versa, la société civile qui ne l’accompagne pas suffisamment, les citoyens qui aiment bien se servir d’elle mais qui ne sont pas prêts à assumer leurs responsabilités en cas de procès notamment.

Pour le cas du Burkina, la léthargie provoquée de l’ONAP (Observatoire national de la presse) a enlevé aux médias une structure de veille, un organe d’autorégulation qui aurait pu éviter certaines situations que le CSC (Conseil supérieur de la communication) est obligé d’arbitrer. Désormais, ce palier intermédiaire n’existe pas au Pays des hommes intègres. D’où l’importance du travail bien fait en amont, c’est-à-dire dès la rédaction. C’est ce à quoi s’attellent les journalistes consciencieux de ce pays, malgré les nombreuses adversités.

Le Pays

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