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Affaire Norbert Zongo : Quand Robert Ménard discrédite la CEI et poignarde le Collectif

Publié le mardi 24 octobre 2006 à 07h54min

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Des leaders du Collectif lors d’une marche

L’heure du grand débalage a-t-elle sonné sur les conditions de travail de la Commission d’enquête indépendante (CEI) dans la recherche de la vérité sur le drame de Sapouy ? Il a suffi du “non-lieu” pour que le peuple burkinabè à qui les enquêteurs avaient caché des “secrets” commence à connaître la vraie nature de la CEI et la légèreté de son rapport.

S’il y a bien quelqu’un qui a craché dans la soupe, c’est Robert Ménard. Fini le droit de réserve. Fini aussi le pacte silencieux de complices qui croyaient naïvement piéger toute une nation avec un rapport qui n’était pas bon et c’est Robert Ménard qui le révèle : “Le rapport que vous avez eu entre les mains, ce rapport que vous connaissez qui a été remis au Premier ministre et que vous avez entre les mains que tout le monde a, n’est pas le bon rapport de la Commission”.

Il a fallu attendre sept ans pour que Robert Ménard avoue que le rapport rendu public et recommandé à la justice n’était pas le bon. Et pourtant, c’est sur la base de ce même rapport qu’il vociférait dans les médias. S’il y avait des âmes qui accordaient encore un crédit à Robert Menard, à présent elles sont situées. Non seulement le président de RSF s’est définitivement discrédité, mais il donne le coup de grâce à la CEI.

Ainsi, la CEI a scellé un “deal” en épurant le rapport pour avoir un consensus. Mais de quel consensus parle-t-il ? Ce compromis recherché ne s’est-il pas mué en compromission ? Où est passée la morale ? Comment peut-on édulcorer, vider un rapport de sa substance et vouloir le recommander comme base de travail à une justice dans la recherche de la vérité ? Le silence sur la piste de Kaya relève-t-il aussi de ces arrangements ? Est-ce toujours dans l’esprit du consensus qu’un “black out” est excercé sur les tortures de témoins, les aveux arrachés et autres manipulations de témoins ? Ce consensus recherché au détriment de la vérité est un scandale national.

Pourquoi malgré les arrangements, le capitaine Hermann Traoré et le juge Jean Emile Somda n’ont pas signé le rapport et le procès verbal d’adoption ? S’ils ont tenu à ne pas les signer, pourquoi alors Robert Ménard et ses “amis” de la CEI n’ont-ils pas présenté leur vrai rapport ? Aujourd’hui, les faits donnent raison à ceux qui n’ont pas signé. Le rapport était tout simplement mauvais parce que l’enquête bâclée, orientée et partisane. Ce “non-lieu” l’a prouvé.

Ni consensus ni unanimité

Difficile donc de débiter un mensonge pour répondre à un autre mensonge. C’est le jeu auquel a voulu se livrer Robert Ménard. Mais une fois encore, les faits parlent. Le rapport rendu public le 7 mai 1999, n’a jamais bénéficié d’un consensus.

Si tel était le cas pourquoi le capitaine de gendarmerie Hermann Traoré et le juge Jean Emile Somda (magistrat) et vice-président de la CEI n’ont ni signé le procès verbal pour le premier, ni le rapport et le procès-verbal pour le second (document 1, 2 et 3). Faut-il rafraîchir la mémoire de Robert Ménard avec ce fait historique pour qu’il se rende compte que son alibi pour défendre “ses charges nouvelles” est léger ? En plus, la mission confiée à la CEI n’était pas de rechercher un hypothétique consensus, en son sein, mais de faire la lumière sur l’assassinat de Norbert Zongo.

La composition de la CEI montre avec éloquence, que Robert Ménard n’avait pas besoin du consensus pour faire avaler au peuple burkinabè son faux rapport. En voulant contenter tout le monde, Robert Ménard confirme que la CEI a travaillé avec légèreté. Une fois encore, il ne s’agissait pas de faire des compromis, mais de rechercher la vérité. Avec ce “non-lieu” prononcé par la justice burkinabè, le rapport de la CEI qui était très critiqué, est définitivement enterré par Robert Ménard.

“Ses charges nouvelles”

En vérité, Robert Ménard n’apporte rien de nouveau. Ses charges nouvelles sont aussi “vieillots” que le rapport de la CEI. C’est plutôt à un revirement pour le moment inexplicable de Robert Ménard auquel l’on assiste. Tout en donnant le coup de grâce à la CEI et à son rapport, il poignarde le Collectif. Il vient de réussir un infanticide doublé d’un fratricide. En enterrant le rapport, dont il a signé le procès verbal d’adoption tout en sachant qu’il ‘n’était pas bon et en s’attaquant explicitement au Collectif, le président de RSF à tout “gnagamé”.

Faire croire que ses charges nouvelles se fondent sur les propos de El Hadj Oumarou Kanazoé et François Compaoré est une attaque dirigée contre le président du Collectif. Que dit François Compaoré qui ne se retrouve pas dans les rapports d’audition ? Tout a été révélé.

Le MBDHP n’a-t-il pas produit son propre rapport ? Que peut savoir Robert Ménard sur la CEI que Halidou Ouédraogo ne sait pas ? Peut-on un seul instant croire que les auditions de Oumarou Kanazoé faisaient de lui un commanditaire de l’assassinat de Norbert Zongo et voir Halidou Ouédraogo se constituer conseil de l’intéressé dans l’affaire des 50 millions ? Ainsi donc, le “prési” aurait-il trahi la cause du Collectif ? Si l’on doit considérer comme commanditaire tous ceux qui ont tenté d’approcher Norbert Zongo dans le dossier David Ouédraogo, alors là, il faut aussi accuser même les amis du fondateur de “l’Indépendant”. Marcel Zoungrana, un ami de Norbert Zongo, ne confirme-t-il pas son initiative personnelle ? : “Moi-même j’ai entrepris des démarches pour essayer de trouver un terrain d’entente entre François Compaoré et Norbert Zongo. Dans la mesure où Oumarou était déjà intervenu, je suis donc allé le voir. Il a trouvé la démarche bonne(...) et m’a offert 50 000 francs CFA et a promis de contacter le chef de l’Etat pour cela “ (in rapport de RSF, p2).

Et si l’on suit la chronologie, François Compaoré n’a jamais sollicité El Hadj Oumarou Kanazoé. Ce sont bien d’autres personnes parmi lesquelles, des amis à Norbert Zongo qui sont venus requérir sa médiation.

L’intéressé confirme : “En effet, un jour, les trois personnes dont on vient de citer les noms (Marcel Zoungrana, Jean-Pierre Simporé et Cyril Goungounga) sont venues me voir et m’ont présenté Marcel Zoungrana comme étant un ami de Norbert Zongo. Elles m’ont demandé d’intervenir pour régler un problème”. (in Rapport de RSF, p2).

Doit-on interpréter ces diverses tentatives comme des formes de pression ? Avec Robert Ménard, voilà comment de médiateur on devient commanditaire. Le président de RSF embarrasse plus d’un militant du mouvement “Trop, c’est trop”.

Avec une pierre, il a porté deux coups, deux coups terribles qui discréditent la CEI et son rapport, assomme le Collectif et risque de faire couler l’affaire Norbert Zongo.

Par Michel OUEDRAOGO
Sidwaya

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