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Affaire Thomas Sankara : quand la famille reprend l’avantage !

Publié le lundi 23 octobre 2006 à 07h42min

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Thomas Sankara

On se rappelle que la famille de Thomas Sankara, devant le blocage du dossier au Burkina Faso, avait saisi le Comité des droits de l’homme des Nations Unies. Cela a fait grand bruit à l’époque, beaucoup espérant que l’affaire pourrait être après constat de la persistance du déni de justice, évoqué dans d’autres instances internationales.

Et puis, le Gouvernement burkinabé a battu froid aux recommandations du Comité des droits de l’homme, laissant désappointée l’opinion qui craignait qu’ainsi, le dossier ne soit définitivement enterré comme du reste une certaine presse l’avait fait entendre. Mais voilà que par une réponse aussi vigoureuse que pertinente, la famille de Thomas Sankara et ses avocats relancent de belle manière le dossier. Mais avant d’y revenir, refaisons le point des prétentions des uns et des autres.

LES RECOMMANDATIONS DU COMITE DES DROITS DE L’HOMME

Voici ce que le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a demandé au gouvernement burkinabé le 5 avril dernier :

« - la famille de Thomas Sankara a le droit de connaître les circonstances de sa mort

- le comité rappelle que toute plainte contre les actes prohibés à l’article 7 dudit Pacte (qui dit que « nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants... ), que le Burkina a d’ailleurs ratifié, doit faire l’objet d’enquêtes rapides et impartiales des autorités compétentes

- le comité estime également que le Burkina Faso a violé l’article 9 du Pacte. Pour leur sécurité, Madame Sankara et ses enfants ont eu raison d’avoir quitté le Burkina Faso

- le comité considère que le refus de mener une enquête sur la mort de Thomas Sankara, la non-reconnaissance officielle du lieu de sa dépouille et la non ratification de l’acte de décès, constituent un traitement inhumain et contraire à l’article 7 du Pacte

- le comité estime aussi que le Burkina Faso n’a pas respecté les principes sacrés et fondamentaux qui garantissent l’égalité, l’impartialité, l’équité devant les tribunaux

- le comité condamne les violations faites en raison de l’opinion politique

- le comité considère que, contrairement aux arguments du Burkina Faso, aucune prescription ne saurait rendre caduque l’action devant le juge militaire ».

Le constat est clair : le Comité a fait droit à l’essentiel des demandes de la famille Thomas Sankara.

LA REPONSE DU GOUVERNEMENT

Premièrement, sur la reconnaissance officielle du lieu de sépulture de Thomas Sankara, le gouvernement a dit que bien que celui-ci soit connu de notoriété publique et qu’il ait déjà élevé Thomas Sankara au rang de héros national, il est prêt à « indiquer officiellement à Madame Mariam SANKARA et à ses enfants la tombe de Thomas SANKARA qui se trouve au sein du cimetière de Dagnoin, au secteur 29 de Ouagadougou ». Il va même au-delà en annonçant la construction d’un Mausolée sur sa tombe.

Deuxièmement, sur le certificat de décès, un jugement supplétif d’acte de décès a été établi et joint en annexe à sa réponse.

Troisièmement, il affirme qu’il engagera la procédure de liquidation de la pension militaire de Thomas Sankara, après quoi le produit sera mis « à la disposition de la famille SANKARA auprès de la Caisse autonome de retraite des fonctionnaires (CARFO) ».

Quatrièmement, sur les mesures d’indemnisation, il annonce que dans le cadre du Fonds mis en place suite à la Journée nationale de pardon le 30 mars 2001, 43.445.000 fcfa ont été prévus pour Mariam Sankara et ses deux enfants.

Cinquièmement, sur les mesures de publication des constatations, il révèle les dispositions prises à cet effet et renvoie pour vérification notamment aux sites Internet des Ministères.

Le constat est ici également limpide : le Gouvernement rejette l’essentiel des demandes de la famille comme les recommandations du comité.

LA REACTION DE LA FAMILLE ET DE SES AVOCATS

- La famille met d’abord directement en cause les magistrats M.A. Traoré et Adama Sagnon qui ont refusé de saisir le tribunal militaire contrairement aux déclarations du Comité : « ... aucune prescription ne saurait rendre caduque l’action devant le juge militaire, et dès lors la non-dénonciation de l’affaire auprès du Ministre de la défense revient au Procureur, seul habilité à le faire ».

Les avocats mettent ici en cause personnellement les magistrats suscités, estimant qu’ils poursuivent dans le délit qu’il est leur reproché en refusant d’ouvrir l’enquête.

Au passage, les ayant droits démontent la prescription que la partie gouvernementale invoque pour éteindre le dossier : « en droit international aucun État partie ne peut invoquer ses lois internes pour justifier de faillir à ses obligations au Pacte. L’article 27 de la Convention de Vienne sur la Loi des Traités est clair sur ce point ».

- Les ayant droits et leurs conseils relèvent ensuite à travers les commentaires du gouvernement une propension à se complaire dans le faux. La critique ici concerne en premier le faux certificat de décès, rectifié à la sauvette en dehors de toute procédure judiciaire : « À l’insu de Mariam Sankara et de ses fils - et des membres du Comité des droits de l’homme - le Burkina Faso a entrepris des procédures clandestines ex parte au Burkina Faso pour modifier unilatéralement le certificat de décès falsifié de Thomas Sankara en date du 17 janvier 1988. Ces procédures ex parte ont résulté en une “décision” secrète confectionnée le 7 mars 2006, avant que le Comité pour les droits de l’homme ne siège à sa quatre-vingt-sixième session (des 13 au 31 mars 2006) pour délibérer et émettre ses Constatations sur le fond dans la communication n° 1159/2003.

Les victimes et leurs procureurs n’ont appris l’existence de ces procédures clandestines que lorsque les commentaires du Burkina Faso, en date du 30 juin 2006, ont été produits comme l’atteste l’Annexe 1 en la présente. Les faits sur lesquels se fondent les autorités du Burkina Faso et sur lesquels ils basent leur “décision” du 7 mars 2006 sont inconnus. Le Burkina Faso n’a divulgué aucune information, preuve directe ou expertise scientifique se rapportant à la “décision” du 7 mars 2006 ».

La famille et les avocats concluent en disant que « Le défaut d’établir par enquête judiciaire les circonstances de la mort de Thomas Sankara avant la modification clandestine du certificat de décès falsifié ne constitue pas un recours adéquat et effectif pour les violations continues de l’article 7.

La matière de la “décision” du 7 mars 2006 au Burkina Faso n’établit pas judiciairement les circonstances de l’assassinat de Thomas Sankara en 1987- même si elle tente de modifier prima facie le certificat de décès de ce dernier.

Comme telle, la “décision” du 7 mars 2006 ne peut caractériser un recours adéquat et effectif pour Mariam Sankara et ses fils sous le Pacte pour ce qui est de l’établissement des circonstances de la mort illégale de Thomas Sankara à laquelle ils ont droit selon l’article 7 ».

- Lieu de sépulture

Dans sa recommandation, le gouvernement burkinabé disait que, de notoriété publique, on sait que les victimes du 15 octobre 1987 sont au cimetière de Dagnoen. Les ayant droits montrent que cela n’a aucun sens juridique : « Pour les membres de la famille Sankara, la “reconnaissance officielle” réelle de l’emplacement sépulcral de la dépouille de Thomas Sankara ne peut venir qu’après une enquête judiciaire établissant par témoignage direct, certificat d’inhumation, analyse d’ADN, autopsie ou rapport médico-légal des circonstances de la mort et de l’inhumation illégale de Thomas Sankara, ce qui est leur droit selon l’article 7 de la Pacte ».

- Insuffisance des mesures compensatoires décrites par le gouvernement burkinabé

La famille dit d’abord que le gouvernement a statué, comme on dit, « ultra petita » en parlant de pension militaire. Elle n’a jamais fait de demande par rapport à la pension militaire. Venant à la compensation proprement dite, elle dit que non seulement elle ne l’a jamais demandée mais qu’elle l’a déjà écartée d’avance. Et c’est vrai qu’on ne fait de transaction que lorsque les parties sont d’accord !

Autrement dit, les demandes de la famille Sankara, qui ont été traitées par-dessus la jambe, subsistent et engagent toujours le Comité des droits de l’homme. La famille n’a pas été édifiée par les circonstances de la mort de Thomas Sankara ; elle ne sait toujours pas si c’est bien lui qui est enterré à Dagnoen ; elle n’est pas d’accord pour un règlement à l’amiable ; elle n’a toujours pas eu sa procédure en justice, et elle ne peut toujours pas, par conséquent, faire son deuil.

Mais que propose-t-elle par conséquent pour battre en brèche l’idée qui veut que le Comité des droits de l’homme des Nations Unies soit sans force exécutoire ?

Elle demande, et c’est là l’originalité, que le Rapporteur spécial sur le suivi entendent les autorités burkinabé sur leur obstination à verrouiller le dossier et qu’ensuite, il diligente un rapport au cas où l’Etat burkinabé persisterait dans son déni de justice. La famille demande surtout que le rapport soit « présenté devant l’assemblée générale de l’O.N.U. par le Secrétaire Général de l’O.N.U. afin d’assurer que le Burkina Faso s’y conforme ».

C’est là qu’on voit la piste nouvelle qui peut contrecarrer la volonté d’enterrement du dossier par la partie gouvernementale car, en saisissant l’Assemblée générale des Nations Unies, on se retrouve dans le contexte du dossier Rafic Hariri voire demain du dossier de la journaliste Anna Politkovskaïa et pourquoi pas, de celui de Norbert Zongo ?

Une jurisprudence existe déjà qui peut permettre au Conseil de Sécurité de se saisir du dossier et de prendre des résolutions comme cela a été fait dans le cas de l’ancien premier Ministre libanais.

Affaire à suivre.......

VT

San Finna

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Vos commentaires

  • Le 23 octobre 2006 à 21:41 En réponse à : > Affaire Thomas Sankara : quand la famille reprend l’avantage !

    Eh San Finna !!!, il y’ a, aujourd’hui, beaucoup d’autres priorités au burkina que le lieu de sépulture de Thomas SANKARA. D’ailleurs, les sankaristes sont tellement convaincus qu’ils vont se recueillir sur le dit-lieu. Le reste de vos délayages et verbiages journalistique n’est que provocation politique inutile alors que les chantiers au burkina sont énormes. Ange TAMBSOBA, France.

    • Le 24 octobre 2006 à 02:05 En réponse à : > Affaire Thomas Sankara : quand la famille reprend l’avantage !

      Ma chere Ange,
      Je ne suis pas politicien. Je ne suis pas Sankariste. Mais je t’assure que mes larmes ont coulees quand j’ai lu tes propos. Je ne sais pas is tu peux te mettre un instant a la place de la veuve. Je ne sais pas si tu es mariee ou as des enfants. Si oui, mets leur pere a la place de Sankara et tu comprendras. Mettons ceux qui utilise cette affaire pour des fins politiques de cote. Sankara a beaucoup fait pour ce beau pays en quatre ans qu’il ne merite pas d’etre abattu, enterre clandestinement un soir, et oublie pour toujours. Maintenant on essaie de masquer toute date qui peut faire penser a lui par quelque chose d’autre.
      Excluons le politique et donnons a l’Homme l’honneur qu’il merite.

      • Le 25 octobre 2006 à 18:30 En réponse à : > Affaire Thomas Sankara : quand la famille reprend l’avantage !

        Je suis "peiné" par vos larmes. Moi aussi, j’ai milité dans les C.D.R et j’ai apprécié positivement SANKARA et sa politique. J’ai failli me faire tuer à la porte de la Gendarmerie Nationale après les manifestations qui ont suivi la mort de Sankara. Je n’ai dû mon salut que lorsque l’un des gendarmes m’avait identifié comme le frère de son compagnon d’arme.
        Ce sont des choses qui sont arrivées, c’est triste, mais cela fait partie de notre histoire passée, présente et à venir. Je souhaite que désormais, on aille de l’avant et je parierai que si Sankara vivait aujourd’hui, il partagerait mon analyse. Je n’ai pas besoin de vous crier que, personnellement, je me recueille souvent sur ce lieu de sépulture et je souhaite que les politiciens et les pseudo sankaristes ne monopolisent ce lieu à des fins politiques. Avec mes regrets et un internaute a précisé que Dieu nous voyait tous. Ange, France

    • Le 24 octobre 2006 à 03:12 En réponse à : > Affaire Thomas Sankara : quand la famille reprend l’avantage !

      Bravo Ange,

      Vous croyez noyer l’histoire par votre présent.
      Allez souvent à l’arche du triomphe à Paris pour avoir plus de consideration pour l’histoire.

      Dieu vous benisse !

    • Le 24 octobre 2006 à 14:56, par Wendbala En réponse à : > Affaire Thomas Sankara : quand la famille reprend l’avantage !

      Bravo Ange, ton tour arrivera. Il faut se battre pour la justice parce que nous sommes tous des justiciables, des victimes potentiels d’une justie qui viendrait à mal fonctionner. Certes, Sankara ayant été un homme politique, le débat sur sa mort et tout ce qui s’en suit ne peut manqué de coloration politique.
      Pour les reste, libre à chacun de voir midi à sa porte. Pour les priorités dont tu parles, je prie dieu pour que aide le pays à en avoir véritablement. Ici, le pus important, c’est de s’enrichir, c’est de rouler l’Etat à la moindre occasion dès qu’on est "en haut de en haut". Si tu me crois pas, prends attache avec l’Inspection générale d’Etat, la Commission nationale de lutte contre la fraude où l’on tue à peitit feu le pauvre Dieudonné Compaoré (Coordonnateur) par les multiples "interventions", à chaque fois qu’il met la main sur un violeur de lois.

      Dieu nous voit ; puisse-t-il trier ses Anges

      • Le 25 octobre 2006 à 18:34 En réponse à : > Affaire Thomas Sankara : quand la famille reprend l’avantage !

        Je ne doute pas que je suis immortel et je crois même, fermement à la vie éternelle. Je ne suis pas un politicien et je souhaite que l’on laisse de côté cette partie sombre de notre histoire pour se concentrer sur les chantiers. Vous avez répondu partiellement à mon message. enfin !! à ce qui vous interesse quoi !! Ne vous en déplaise ! Ange, France

  • Le 23 octobre 2006 à 23:30 En réponse à : > Affaire Thomas Sankara : quand la famille reprend l’avantage !

    Sankara et Blaise n’ont eu aucun egard pour les crimes qu’ils ont commis pendant l’ etat d’exception pudiquement appele revolution. Alors que la famille Sankara prie plutot pour le repos de son ame(Dieu sait qu’il en a besoin) et qu’on nous debarasse de Blaise. Le Burkina a besoin d’avancer.

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