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Urbanisme et politique du logement : Spéculer sur la spéculation

Publié le vendredi 20 octobre 2006 à 07h17min

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Situé autour de 4 %, le taux de croissance des centres urbains, en donnant des valeurs astronomiques au moindre mètre carré de terrain induit de nouvelles formes de spéculations qu’il faut contrer sans tarder.

Il suffit d’emprunter n’importe quel axe routier conduisant à Ouagadougou pour constater un phénomène qui ne peut passer inaperçu. Des deux côtés de la voie, on remarque d’immenses propriétés de plusieurs hectares faiblement mises en valeur pour la plupart mais parfaitement matérialisées par une clôture en matériaux définitifs d’une interminable longueur.

Loin d’être la propriété de quelque koulak local ayant fait fortune dans le coton, le sésame ou l’arachide, ces domaines, puisqu’il faut les appeler par leur nom, appartiennent à des entrepreneurs d’un genre spécial : les spéculateurs fonciers. Leur tactique est simple. Ils achètent, dans un rayon d’une dizaine ou une vingtaine de kilomètres autour des grandes agglomérations et le long des voies à grande circulation, de grandes superficies de terrain qu’ils font aussitôt borner.

Munis du titre foncier, ils délimitent soigneusement leur propriété en la matérialisant par un mur d’enceinte. Dans un angle de ce domaine, ils construisent une maisonnette et y installent un paysan qu’ils paient pour labourer une partie de la propriété. Ce système, tout en leur fournissant céréales et autres presque à l’œil, leur permet d’attendre dans la plus grande quiétude l’extension du centre urbain ou de la localité la plus proche car là sont leurs véritables visées.

Avec l’extension de ces agglomérations arrivent les inévitables lotissements qui les intègrent alors dans les plans d’urbanisation.

Les pressions sur les terres induisent des problèmes divers

Un de ces spéculateurs qui avait acquis un terrain de ce type sur un investissement de moins de 5 millions, a réalisé un bénéfice de plus de la centaine de millions en revendant sa propriété à un fondateur d’établissement d’enseignement. A côté des spéculateurs fonciers, il y a aussi les propriétaires terriens qui introduisent à leur façon des couacs dans les politiques de lotissement. En effet, dans les alentours immédiats des villes, ces propriétaires terriens vendent de petits lopins de leurs propriétés afin que des gens y construisent des habitations. Ces lopins qui vont de 25 à 100 m2 au plus deviennent ensuite ce qu’on appelle communément des non-lotis. Quand arrivent les lotissements, pour chaque 25 ou 100 m2 recensé, il faut attribuer entre 250 et 300 m2 au moins.

Comme la terre n’est pas extensible comme un caoutchouc, on imagine aisément les problèmes qui vont se poser.

Prendre de court spéculateurs fonciers et propriétaires terriens

L’extension des centres urbains est incoercible et ne peut être stoppée sans risque. Il faut de ce fait modeler une nouvelle politique de l’urbanisation qui prenne en compte les spéculations dont la terre est devenue l’objet. Chaque propriétaire terrien par exemple sera invité à faire parceller sa propriété avant d’en donner l’usufruit à qui que ce soit. Cette parcellisation qui sera faite par des bureaux agréés à cet effet permettra aux autorités de connaître à l’avance le nombre de parcelles disponibles par zone d’extension possible. Les propriétaires terriens eux aussi sauront combien de personnes installées sur leurs terres seront réellement attributaires en cas de lotissement, qu’elles soient résidentes ou non.

Le reste des habitants dûment avertis lors de leur installation ne pourra recourir à la palabre ou à de véhémentes protestations comme on en voit actuellement. Avec ce système, les spéculations resteront strictement entre les propriétaires terriens, les résidents " éligibles " en cas de lotissement et les tard-venus qui auront contribué à surcharger la zone. En ce qui concerne les spéculateurs fonciers, une comparaison sera faite entre leurs déclarations de départ, le temps écoulé et les réalisations annoncées. Selon les cas, ils seront soit déchus de leur propriété soit invités à payer une somme correspondant à la valeur de la propriété calculée à partir d’éléments à déterminer.

Une politique de l’habitat social serait la bienvenue

Il faut réussir à rendre aléatoire les possibilités de gain pour les spéculateurs fonciers lorsqu’ils viennent à être concernés par des opérations de lotissement. De même, il faut réduire le flux migratoire de la compagne vers la ville en raidissant les conditions d’acquisition pour " fait de résidence " de parcelles à usage d’habitation.

La tactique est connue. La plupart de ces parcelles sont immédiatement revendues et les attributaires initiaux vont squatter d’autres non-lotis en attendant.

C’est le lieu de dire aussi, en passant que le logement social doit faire l’objet d’un examen spécial de la part des autorités communales. En effet, à côté des opérateurs privés qui interviennent dans l’habitat et qui, eux ne raisonnent pas en termes de "social", il faut une politique communale de l’habitat centrée sur les habitations à loyer modéré HLM. 

Ouagadougou est en train de devenir une véritable jungle où les propriétaires de maisons deviennent de plus en plus intraitables. Ce n’est pas pour rien que certains ce sont mis à spéculer avec les terres en misant tout simplement avec le temps.

Luc NANA

L’Hebdo

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