LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

M. Jérôme Bougouma : “Nous allons mieux codifier les conditions et les effets du dialogue social”

Publié le vendredi 20 octobre 2006 à 08h45min

PARTAGER :                          

Jérôme Bougouma

Après l’historique accord intervenu ce 29 septembre 2006 entre le gouvernement et les centrales syndicales, nous avons rencontré M. Jérôme Bougouma, ministre du Travail et de la Sécurité sociale.

Comme une fourmi bésogneuse et précautionneuse, il a conduit les négociations gouvernement-syndicats à bon port alors que certaines analyses alarmistes prédisaient une rentrée sociale agitée. Mais l’homme reste modeste et attribue le bon dénouement des négociations à l’ensemble du gouvernement et des partenaires sociaux. Entretien.

L’Hebdo : Si on demandait à M. Jérôme Bougouma de se présenter, que dirait-il ?

M. Jérôme Bougouma : J’ai 43 ans (depuis le 30 septembre), je suis juriste de formation (Docteur en Droit) et enseignant de profession (UFR/Sciences Juridique et Politique). Marié et père de trois filles.

Vous n’étiez pas bien connu sur la scène politique avant d’être appelé au gouvernement. Doit-on alors vous considérer plus comme un technocrate qu’un politique ?

Je suis un militant du CDP. J’ai été conseiller technique, secrétaire général de département ministériel, Conseiller juridique à la présidence du Faso avant d’être appelé au gouvernement. Je ne sépare donc pas le technocrate du politique !

Je considère simplement que je possède quelques compétences que je mets au service de mon pays au gré de la volonté des plus hautes autorités.

Vous avez été nommé ministre du Travail et de la Sécurité sociale en janvier 2006. Dix (10) mois après on peut dire que les dernières négociations entre les syndicats et le gouvernement ont été pour vous un baptême de feu. Comment avez-vous préparé et vécu cela ?

Il s’agit d’une œuvre collective dont la réussite incombe d’abord à Son Excellence Monsieur le Premier Ministre qui a coordonné toutes les actions et opéré les arbitrages nécessaires.

Cet accord entre le gouvernement et les syndicats peut être qualifié d’historique. On est allé très vite et chaque partie se dit satisfaite de l’accord. Dans un passé récent on a souvent assisté à un dialogue de sourd, à des invectives, des débrayages violents avec des actes de vandalisme. Véritablement on peut dire qu’il y a un changement d’attitude vis-à-vis du pouvoir chez les syndicalistes burkinabè. A votre avis qu’est-ce qui explique cela ?

Permettez-moi de rectifier. Il n’y a pas eu de dialogue de sourds mais des incompréhensions. Il ne m’a pas été signalé non plus de violences ni d’actes de vandalisme.

Sur le fond de la question, je pense que les premiers responsables des organisations syndicales ont pris acte de la disponibilité du gouvernement au dialogue et surtout de sa volonté d’apporter les meilleures réponses que permettaient les ressources limitées de notre beau pays. Il ne faut pas négliger non plus le rôle du CES qui est intervenu au bon moment et qui a joué sa partition avec succès.

Les syndicats avaient besoin de prouver que l’unité syndicale était efficace et que le syndicalisme pouvait toujours permettre d’arracher des acquis sociaux.

Le gouvernement devait prouver qu’il était à la hauteur des enjeux du programme quinquennal du chef de l’Etat. Les conditions étaient donc réunies pour de grandes avancées au profit des travailleurs et de notre peuple. Il faut se réjouir de cette évolution !

Dans la conduite des négociations, quelle a été la touche personnelle du ministre Bougouma pour dégoupiller les choses, car pour un coup d’essai on peut parler d’un coup de maître.

Il faut rester soi-même ! Faire preuve de bonne foi, d’écoute, de respect de l’autre, une fidélité et une conviction profonde aux capacités du chef de l’Etat à surmonter les difficultés que notre pays comme tous les autres pays du monde, ne manquera pas de rencontrer y compris les défis de la " vie chère " et de la paix sociale.

Le divorce actuel entre les syndicats et les partis politiques de l’opposition est perceptible. Mais ne faut-il pas craindre le retour des anciennes pratiques quand les syndicats étaient plus ou moins des caisses de résonance officielle de certains partis d’opposition clandestins ou non ?

Je ne vois pas les choses de cette façon ! Les organisations syndicales ont une longue expérience, elles ont traversé des épreuves difficiles et de la façon la plus honorable. Je crois qu’elles inscrivent dorénavant leurs actions dans le cadre républicain et il faut rendre un hommage mérité à leurs premiers responsables. J’ai personnellement beaucoup de respect pour eux !

Mais c’est dans l’ordre normal des choses que dans une démocratie, les forces politiques de toute origine tentent de tirer avantage des situations. C’est à nous de veiller à conserver la confiance du peuple qui en définitive sait très bien à qui confier son destin.

Quels sont les efforts financiers consentis par l’Etat pour satisfaire aux revendications des syndicats ? Peut-on avoir une sommation globale ? Où l’Etat ira chercher cet argent ?

C’est le ministre chargé des finances qui peut vous fournir des informations précises. Bien entendu, nous comptons sur nos ressources propres et la bienveillance habituelle de nos partenaires qui s’inscrivent parfaitement dans le cadre de notre politique de lutte contre la pauvreté et de consolidation de la paix sociale.

A quand les prochaines négociations ou devra-t-on attendre que les syndicats " bougent " pour parer au plus pressé. En d’autres termes n’est-il pas mieux de formaliser des rencontres de négociations périodiques entre les organisations syndicales et l’exécutif ?

Nous y travaillons. Nous allons mieux codifier les conditions et les effets du dialogue social et de la négociation collective. L’objectif est d’aboutir à un véritable " pacte social " qui fixe la périodicité et les points de négociation.

Il s’agit d’appliquer un certain nombre d’instruments de prévention des conflits sociaux qui contribueront à réunir les conditions de la paix sociale propice à l’application du programme présidentiel.

Je voudrais saluer également le rôle positif joué par le patronat burkinabé qui a contribué au relèvement des minima sociaux et qui a apporté ainsi un coup de pouce à la consolidation de la paix sociale.

Parlons d’un autre sujet qui a défrayé la chronique avant votre prise de service à la tête de ce département. La CNSS se porte-elle bien financièrement ?

Oui, je dirais même qu’elle se porte très bien financièrement. Elle dégage des excédents confortables dont le placement judicieux doit permettre de faire face aux charges futures qui connaîtront un accroissement notable avec le doublement des allocations familiales, le taux d’annuité qui passe de 1.33% à 2% ainsi que les autres mesures d’amélioration des prestations servies par l’Institution.

Quelles sont les mesures que vous envisagez pour éviter les erreurs de gestion du passé ?

Il s’agit tout simplement de clarifier et d’appliquer les textes et je pense que nous sommes dans la bonne direction.

La nouvelle équipe dirigeante qui a toute la confiance du gouvernement, met en œuvre un management participatif et moderne qui permettra à l’ensemble du personnel d’exprimer tout son potentiel, le Conseil d’administration et la tutelle jouent mieux leur rôle dans le cadre de la politique du gouvernement en matière de protection sociale et de placement des fonds de sécurité sociale.

De manière plus générale quelle sont les grands axes de votre programme d’action en matière de travail et de sécurité sociale au Burkina ?

J’ai reçu de Son Excellence Monsieur le Premier Ministre, une lettre de mission, qui situe l’action de mon département dans le cadre de l’application du programme présidentiel. Pour être succinct, Il s’agit de veiller à l’application du code du travail, qui, tout en assurant une protection utile des travailleurs, ne doit pas constituer une entrave à l’investissement et à la création d’emplois. Il s’agit également d’améliorer et d’élargir le champ de la sécurité sociale au secteur informel et aux travailleurs indépendants en général (professions libérales).

Ce département est réputé être l’un des plus difficiles à conduire. Vous y êtes depuis dix (10) mois, confirmez-vous ou infirmez-vous cette vision de l’homme de la rue ?

En politique il n’y a pas de mission facile et tout est important. Je dois continuer de mériter la confiance des hautes autorités qui m’ont fait l’honneur de me confier cette mission. Elles m’apportent tout le soutien nécessaire à son accomplissement. Je dois beaucoup aussi à mes collaborateurs qui sont compétents et enthousiastes et surtout, je crois en Dieu qui est l’alpha et l’oméga. Je pense que lorsqu’on invoque son Saint Nom on peut surmonter toutes les difficultés !

Un dernier mot pour conclure cet entretien ?

Oui, c’est dire sincèrement merci à l’ensemble de la presse qui a fait preuve à notre égard d’une bienveillance particulière. Malgré nos erreurs de jeunesse, la presse a su nous accompagner, ce qui nous a permis d’obtenir ces résultats jugés globalement satisfaisants. Merci encore !

Interview réalisé par Djibril TOURE

L’Hebdo

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 20 octobre 2006 à 22:44 En réponse à : > M. Jérôme Bougouma : “Nous allons mieux codifier les conditions et les effets du dialogue social”

    Bravo pour cette interview, empreinte à la fois d’intelligence, de tolérance, de croyance et d’amour de notre pays.
    Il ne pouvait en être autrement à la lecture de cet entretien car c’est à la face de la graine que l’on peut, utilement, présager de l’abondance de la récolte. Bon vent à toi. Paul Kéré, Nancy

  • Le 23 octobre 2006 à 17:18 En réponse à : > M. Jérôme Bougouma : “Nous allons mieux codifier les conditions et les effets du dialogue social”

    Bravo M. le ministre ! Pour ceux qui vous connaissent, ce que vous avez fait depuis dix mois n’est que confirmation de votre intelligence et de votre sens eleve de l’Etat ! C’est aussi un excellent clin d’oeil aux plus hautes autorites de ce pays, afin qu’elles pensent a identifier les talents-nombreux- pour renouveler la classe dirigeante !
    Le dialogue social est l’une des cles de voute du " Progres continu...", et je vous souhaite de tout coeur de reussir votre mission !!! Gardez surtout votre legendaire modestie !!! BON VENT !
    Paul

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique