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Production du coton OGM : "Ne jouons pas à la roulette russe avec notre agriculture"

Publié le vendredi 20 octobre 2006 à 07h18min

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Dans les lignes qui suivent, le Syndicat national des travailleurs de l’agropastoral s’insurge contre la décision du gouvernement d’imposer aux paysans la production du coton OGM. Une mesure qu’il condamne sans appel et met même en garde nos dirigeants à ne pas jouer à la roulette russe avec notre agriculture.

Le Syndicat national des travailleurs de l’agropastoral condamne la décision du gouvernement, en matière de politique agricole, qui, impose aux paysans une production au sujet de laquelle on sait qu’à court ou moyen terme, ils ne tiendront pas. Nous, avons toujours condamné l’option pour le génie génétique dans l’agriculture. Nous, paysans, savons que l’agropastoral constitue un domaine vital, et partant, très sensible pour le monde rural. En conséquence, il n’est pas juste de jouer notre agriculture et notre élevage à la roulette russe.

Notre inquiétude se situe à bien de niveaux :
a) Le caractère irréversible du système. Si un jour il est mis en évidence que notre empressement d’aller aux OGM relève de la bêtise, avons-nous une chance de revenir à l’état actuel ?
b) II avait été clamé haut et fort, par monsieur le directeur général de la SOFITEX, sur les antennes de Radio Burkina, que : « Le coton burkinabè se vend au-delà du cours mondial ». Cependant, il existait sur le même marché la gamme de coton transgénique (Bollgard, Bollgard 2 et Vip), ne sommes nous pas en train d’assister à une dévalorisation perverse de notre coton qui fait des jaloux ?
c) Si la qualité de notre coton nous vaut d’être perceptibles sur le marché, que deviendrions-nous, si nous perdions l’unique atout qui nous distingue ?
d) Malgré les débats que suscite la production des OGM, tous les protagonistes s’accordent sur un point : leur production n’est pas à la portée des petits producteurs. Combien y a-t-il de gros producteurs au Burkina ?

e) Dans les interventions du ministre d’Etat de tutelle, il ressort de façon récurrente que sur l’ensemble des terres arables disponibles, il n’y a seulement qu’un tiers, qui est exploité. Les deux tiers restants vont être cédés aux grands producteurs pour que les petits aient de l’emploi dans les grandes exploitations. Est-il envisageable, qu’en ce troisième millénaire où la machine a pratiquement remplacé l’homme, on songe à transformer ses paysans en ouvriers agricoles ?
f) Qu’a-t-on préparé en amont pour éviter que 80 à 90 % des cultivateurs actuels ne rejoignent la masse des chômeurs que le gouvernement gère difficilement ?
g) Nous avons vent d’une technologie qui crée des semences suicides. Elles ont fait l’objet de moratoire depuis 2000 et qui se prolonge jusqu’en 2008, avec le soutien de l’Union européenne. Qu’est-ce qui garantit que nous n’allons pas les recevoir chez nous ? De quels moyens disposons-nous pour détecter cette semence ? Sommes-nous en mesure de mettre des barrières, entre la biotechnologie fermière, la biotechnologie pharmacienne et celle militaire (les armes biologiques) ? Les deux dernières applications ne sont-elles pas dangereuses, si, comme dans le cas du coton, nos scientifiques ne jouaient qu’un rôle de second ordre ?

PARLONS DE GAIN Les spécialistes affirment que les producteurs auront trente-six mille francs (36 000) de plus par hectare. Ce qui est concret, les dépenses à l’hectare sont les suivantes :

COTON CONVENTIONNEL

INTRANTS (crédits consentis par la SOFITEX)
Engrais....... 12400 x 4....... 49600
Insecticide....... 4040 x 5....... 20200
Conquest....... 8080
Herbicide coton....... 5325 x 3....... 15975
Round up....... 5700 _Total : 99555

DEPENSES PERSONNELLES DU PRODUCTEUR

Nettoyage du champ....... 7000 f/ha
Labour....... 20000 f/ha
Semis....... 6000 f/ha
Démariage....... 3000 f/ha
Sarclage....... 6000 f/ha
Désherbage....... 9000 f/ha
Buttage....... 6000 f/ha
Piles et traitement insecticide....... 6300 f/ha
Piles et traitement herbicide....... 6000 f/ha
Récolte du coton....... 30000 f/ha
Evacuation sur le site du marché....... 9000 f/ha

Total : 108300 f/ha

SEMENCE CONVENTIONNELLE

Semence conventionnelle actuelle....... 885 x 2....... 1770 f/ha

DEPENSE TOTALE EN COTON CONVENTIONNEL A L’HECTARE 209625 f/ha COTON BT

INTRANTS_
Engrais.....12400 x 4....... 49600 f/ha
Conquest..... 8080 x 2....... 16160 f/ha
Herbicide coton....... 5325 x 3....... 15975 f/ha
Round up....... 5700 f/ha

Total : 95515 f/ha

Insecticides coton BT : (2 traitements conquest ou équivalents) soit 8080 x 2 = 16160 f
Intrants coton BT....... 182855 + 16160....... 199015 f/ha

DEPENSE PERSONNELLE COTON BT

Nettoyage du champ....... 7000 f/ha
Labour 20000....... f/ha
Semis 6000....... f/ha
Démariage....... 3000 f/ha
Sarclage....... 6000 f/ha
Désherbage....... 9000 f/ha
Buttage....... 7500 f/ha
Piles et traitement herbicide....... 6000 f/ha
Récolte du coton....... 30000 f/ha
Evacuation sur le site du marché....... 9000 f/ha

Total : 103500 f/ha

SEMENCE

Sans savoir combien elle s’élèvera, nous la prenons au prix bollgard (une toxine) pratiqué en Afrique du Sud. Soit 60 dollars/25kg = 60 x 540 = 1296 fcfa/kg 25

Prix à l’ha = 1296 x 36 46556 f/ha

LE DROIT DE PROPRIETE INTELLECTUELLE - DPI

Nous le prenons à la taxe du bollgard 2 pratiquée aux USA, soit 99 dollars/ha ou 540 x 99 = 53460 fcfa/ha Coût de la semence plus UPI

53460 + 46556 = 100016 fcfa/ha

A supposer que le semencier oublie que son bollgard 2 est doté d’une deuxième toxine, qu’il oublie les frais d’importation et qu’il consente à garder la taxe pratiquée aux USA

Les frais s’élèveront pour le coton BT à la somme de....... 199015 + 100016..... 299031 f/ha

Comme nous pouvons le constater la semence seule alourdit les frais de production de : 98246.

NB : Les renseignements sur le prix de la semence OGM en Afrique du Sud, et sur son DPI sont tirés du dossier Grain intitulé : Le coton BT à la porte de l’Afrique, paru en avril 2004. Quant au leurre d’un gain, nous n’y croyons pas du tout. D’ailleurs le chercheur dans son interview déclare : « II faut bien dire. C’est ce que nous disons toujours. Il s’agit d’une plante quand même, et il y a tout un itinéraire technique qui accompagne. Il ne s’agit pas de dire que c’est du coton OGM, on part jeter puis on revient s’asseoir. Ben, vous voyez, les travaux classiques se font dans la parcelle, mais vous voyez bien, vous avez une parcelle OGM. 

La même variété, qui ne contient pas le gène, mais vous ne savez même pas que c’est un coton OGM. Donc, il faut faire les travaux : les labours, les apports d’engrais ; c’est, vraiment... Il faut appliquer tout un itinéraire, pour atteindre le potentiel de production ».

Cette mise au point se ressent comme une brèche qu’on ouvre, pour qu’à l’heure des comptes, l’analphabétisme des paysans ne soit mis à contribution pour se disculper. La méthode de 98, utilisée pour réhabiliter le faux pesticide et décliner la responsabilité civile, est prête à être réutilisée. La lutte contre la pauvreté ne passe pas par les OGM. Surtout en ce qui concerne le coton.

Nous avons toujours dit que si une réelle volonté politique de lutter contre la pauvreté habitait les dirigeants, on ne mettrait pas de barrières entre eux et les paysans qui crient, mais en vain, les maux qui les minent. Jusque-là, il n’est organisé que des rencontres spectacles, qui ne peuvent donner lieu à des décisions citoyennes pour alléger la souffrance des paysans.

Il faut un dialogue franc avec les paysans, où les maux doivent être examinés dans leur laideur réelle.
Des mesures adéquates pour les soigner doivent être prises
Il faut garder à l’esprit qu’ils peuvent eux-aussi faire des suggestions porteusesSi les 30, 10, et 20% dans les sociétés cotonnières servaient à atténuer les frais de production, il y aurait peu de chômeurs dans les villes.

Les non-producteurs de coton s’adonnent à l’agriculture biologique. Nous savons que les règles pour la certification sont très sévères. Qu’adviendrait-il si le pays présentait une pollution généralisée ? Doit-on sacrifier tout le peuple aux intérêts des multinationales ? Nous persistons que l’acte est condamnable, il relève du terrorisme. Nous demandons au gouvernement de nous sortir, nous et les générations futures, de ce péril.

Houndé, le 12 octobre 2006

Le secrétaire général national

Ousmane Tiendrébéogo

Observateur Paalga

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