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Yacouba Traoré (TNB) : “Le mécénat d’OK et de TAN-Aliz ne va pas changer notre manière de voir les choses”

Publié le jeudi 12 octobre 2006 à 07h33min

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Yacouba Traoré

A peine quelques mois à la tête de la TNB, Yacouba TRAORE, a mis les petits plats dans les grands pour donner une autre vie à la télévision du Burkina, afin de faire taire les sobriquets moqueurs que des esprits malins lui collaient à savoir la « Ténébreuse » ou quelquefois « la télébidon ».

A l’occasion de la « Rentrée télé 2006 », première du genre, nous avons rencontré l’homme Yacouba TRAORE pour en savoir plus sur la vision nouvelle qu’il veut donner à son institution.

On connaissait la rentrée scolaire et judiciaire mais non la rentrée télévisuelle. Quel sens cela a pour vous ?

Yacouba TRAORE : Sur les grandes chaînes françaises, il y a toujours une Entrée télévisuelle sous le nom de « Cérémonie de présentation de la grille de la rentrée ».
Nous avons simplement changé la dénomination en « Rentrée télévisuelle ». C’est une première pour la télévision nationale du Burkina. L’essentiel est surtout la présentation de la nouvelle grille même si pour ce premier coup, nous l’avons placée sous le signe d’un double défi. Une nouvelle par courtoisie pour nos téléspectateurs et revoir l’aspect physique de notre cadre de travail.

Comment expliquez-vous le choix du parrain, ministre de la Grande muette. Ne craignez-vous pas que certains pensent que la TNB entend rester aussi muette sur les grands problèmes de l’heure ?

Y.T : Le choix de M. Yéro BOLY, ministre de la Défense, se justifie par les efforts qu’il fait au niveau de la communication dans l’Armée. Nous avons constaté que sous lui, l’Armée burkinabè communique énormément. Toutes les demandes d’entretien que la TNB a adressées au ministère de la Défense ont eu un écho favorable ; on ne nous a jamais dit que tel sujet est tabou.

Il y a aussi l’image de l’homme lui-même. Yéro BOLY est un homme de devoir, de mission et tout cela est couronné par son humilité. Nous avons retenu Yéro BOLY, personnalité publique, par rapport à l’image qu’il dégage. Des gens nous ont demandé pourquoi on a pris comme parrain un militaire. Yéro BOLY n’est pas un militaire, c’est un haut cadre de l’Administration. Il est ministre de la Défense mais un civil.

A propos du cadre physique de la TNB, il nous est revenu que vous avez « vendu » la télé à Alizèt Gando et O.K. Que répondez-vous ?

Y.T : Nous n’avons rien vendu du tout ; à personne. Pour moi, Mme Alizèta OUEDRAOGO et M. Oumarou KANAZOE sont des seigneurs et c’est du fond du cœur que je le dis. Je n’avais personnellement aucun contact direct avec eux. Oumarou KANAZOE est intervenu à plus de 70 millions de F CFA ; ce n’est pas cet investissement que je salue qui m’a émerveillé mais c’est le nombre de visites qu’il a effectuées sur le chantier. Il est venu plus de dix fois et sans prévenir pour voir si les travaux avancent bien.

TAN-Aliz est à près de 30 millions F CFA et cela sans contrepartie. Ces deux ne sont pas des sponsors mais des mécènes. On parle de O.K et de TAN-Aliz parce qu’on les connaît ; sinon Sol-confort et Décor a pris le volet peinture des studios à plus de 15 millions de F CFA, il nous a rien demandé en retour.

Sidi Moustapha, un jeune imprimeur a pris en main tout ce qui est cartes d’invitation, il n’a pris aucun franc. Si en contre-partie il y avait de la publicité à faire pour KANAZOE et pour TAN-Aliz on parlerait de sponsoring, alors qu’ils ne voulaient même pas qu’on parle d’eux. Franchement, je ne vois pas en quoi, on a vendu la TNB à KANAZOE ou à TAN-Aliz.

WATAM a demandé une contre-partie publicitaire contre les ordinateurs et la somme de 5 millions FCFA qu’il nous a donnés. L’ONEA et la SONABEL ont fait de même, ils sont les partenaires ; O.K et TAN-Aliz sont des mécènes.

Ce mécénat ne vous lie-t-il pas à O.K et TAN-Aliz qui sont des chefs d’entreprise ; autrement la TNB n’aura-t-elle pas quelques gênes à couvrir une grogne syndicale chez le premier ou bien la colère des habitants de la Cité AZIMMO de la seconde ?

Y.T : La TNB est liée à l’Etat qui paye les salaires des travailleurs ; est-ce pour autant que cela nous empêche de dire ce qu’on doit dire ? Je laisse l’appréciation au public. Le mécénat d’OK et de TAN-Aliz ne va pas changer notre manière de voir les choses. Ils sont des patriotes qui ont apporté leur aide à la TNB car l’Etat ne peut pas tout faire. La télévision de service public appartient à tout le pays. Quand des gens interviennent pour soigner l’image du pays, pour moi, ils sont des patriotes.

Vous avez assuré la façade mais le plus difficile reste le contenu qui n’est pas à la hauteur du contenant.

Y.T : (Rires) Je pense que c’est très important d’assurer la façade. Le cadre compte beaucoup dans le domaine de la télévision ou contrairement à l’adage, l’habit fait le moine. J’ai personnellement décommandé des rendez-vous pour cause de pluie car je ne voulais pas que mes invités qui étaient des étrangers viennent voir les mares dans lesquelles les journalistes et les responsables slaloment pour aller d’un bâtiment à l’autre.

Pour moi donc ce n’est pas la façade, c’est le fond. Après nous irons à la conquête du matériel car nos machines sont dans un état lamentable. Nous n’allons pas attendre les moyens, s’ils ne viennent pas nous irons vers eux.

Il y a aussi le facteur humain. Qu’entendez-vous faire pour que vos hommes soient à la hauteur et de la façade et des moyens matériels nouveaux ?

Y.T : Je pense qu’une cérémonie comme la rentrée télévisuelle aide à imprimer un nouvel esprit, un changement de mentalité. Certaines théories sociopolitiques disent que le journalisme n’est pas une profession ; l’approche fonctionnaliste estime que le journalisme n’est pas une fonction comme celle d’instituteur ; les interactionnistes disent que c’est une profession, parce que les journalistes ont des manifestations qui dénotent de leur volonté à exister en tant que profession.

A partir donc de cette rentrée, je pense que mes collaborateurs ont été marqués positivement ; il y a un sentiment d’appartenir à une famille, celle de la télévision nationale. Ce sentiment de fierté impulse une nouvelle dynamique.

« In concreto », la rentrée télévisuelle va-t-elle mettre fin à la recherche effrénée du gombo par vos hommes ?

Y.T : C’est quoi le gombo ?

C’est l’argent que l’on donne au journaliste pour être venu à une cérémonie tout simplement et, dans le cas télé, ça permet de se voir à l’écran en gros plan...

Y.T : Je ne pense pas que ce soit un mal télévisuel, c’est un mal africain pour ne pas dire mondial. Chaque pays a le type de journaliste qu’il mérite. Je ne vais jamais me mettre en rang pour prendre 5 mille FCFA après avoir couvert un séminaire. Mon éducation et ma dignité me l’interdisent. C’est aux journalistes de s’organiser pour avoir un salaire adéquat.

Il faut reconnaître que les travailleurs de la télé ont un statut que leurs moyens ne permettent pas de supporter. Que faire ? La TNB est un EPA (établissement public de l’Etat) avec obligation de résultat, ce qui fait que certains la considèrent comme une boutique. Il ne faut pas poser le problème du « gombo » seul ; il s’intègre dans un ensemble de problèmes liés au statut de nos médias.

Ne donnez-vous pas l’impression d’être trop en avance sur vos hommes ?

Y.T : Non et non, si j’étais décalé d’eux, on n’allait pas pouvoir travailler ensemble. Je ne peux pas faire un pas sans eux. Je ne fais que demander et ensemble on réalise. La télé c’est les idées du groupe pour le bonheur des téléspectateurs. Je propose, et l’on me propose des idées, voilà en fait la recette. Je pense que je suis venu à la tête d’une équipe de gagneurs. Il y a des talents qui étaient cachés ; ensemble on les as réveillés. Je profite de l’effort de mes agents pour triompher, et je leur dis bravo.

Pourquoi vous refusez de « partager le plaisir" ? ».

Y.T : « La TNB, le plaisir partagé » c’est le slogan d’un autre temps. Je comprends mes devanciers, mais la télévision n’est pas que plaisir. L’information n’est pas que de la joie ; il y a aussi des moments de tristesse, de malheur. Quand la mine de Poura s’effondre sur les travailleurs il n’y a aucun plaisir à partager dedans. Nous voulons plutôt une télévision qui essaie d’être au cœur des évènements, grands ou petits.

Le nouveau slogan, « la télévision au cœur des évènements » fait un peu « Pravda », bolchevik, car vous devenez des acteurs et non des témoins. Je ne pense pas que Alexis KONKOBO sera au rond-point central pour donner le coup d’envoi d’un match. Qu’en dites-vous ?

Y.T : (rires) Je n’ai jamais été bolchevik ou « bolcho » comme on disait à l’époque. Chacun a eu ses idées de gauche pour transformer le monde, je ne regrette pas ce temps de ma jeunesse. Etre au cœur de l’événement ne veut pas dire que nous faisons l’événement ; nous ne sommes pas des acteurs de l’événement, nous sommes chargés d’amener l’événement au niveau des téléspectateurs. Autrement, on serait dans la « télé réality », ce n’est pas notre objectif comme le font les émissions « ça va se savoir », « loftstory » « star Ac ». Là effectivement c’est concrètement être au cœur de l’événement.

La « rentrée télévisuelle » ne peut-elle pas être comprise comme une sorte de fléchette lancée aux devanciers qui auraient laissé la télé pendant tout le temps en vacance.

T.T : (Rires...) J’ai un profond respect et de l’admiration pour mes devanciers. C’est pourquoi nous avons aménagé un couloir où il y a le portrait photo des 19 directeurs qui m’ont précédé. Loin de moi, l’idée de leur faire un pied de nez ; je fais toujours mien l’adage qui dit qu’à chaque fois qu’on boit l’eau d’un puits il faut rendre hommage à celui qui l’a creusé.

Je n’ai donc aucune raison de croire un seul instant que mes braves devanciers étaient en vacances depuis si longtemps et la TNB avec. Tout ce que je fais est à leur honneur, car ils ont fait des choses qui nous permettent aujourd’hui d’aller de l’avant.

Interview réalisée par Issa SANOGO

L’Opinion

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