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Soungalo Ouattara : « Les actions de jumelage et de coopération doivent s’inscrire désormais dans des programmes de développement durable. »

Publié le mercredi 11 octobre 2006 à 08h23min

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Soungalo Ouattara, ministre délégué chargé des Collectivités locales

Le Burkina Faso a amorcé une phase décisive de son processus de décentralisation avec les élections municipales d’avril 2006 qui ont vu la mise en place de 302 communes rurales et le renouvellement des instances de 49 communes urbaines.

La volonté politique du gouvernement burkinabè de conduire à terme le processus de communalisation intégrale s’était manifestée trois mois plus tôt lors de la formation du nouveau gouvernement en janvier avec la création d’un ministère délégué chargé spécifiquement des collectivités locales. Titulaire du poste, M. Soungalo Ouattara était en visite de travail en France en septembre. Nous en avons profité pour faire le point avec lui sur les changements, notamment en matière de en matière de coopération décentralisée.

Quel bilan faites-vous des dernières élections municipales ?

Le processus de décentralisation est entré dans une phase décisive et historique le 23 avril dernier avec la tenue des élections locales qui avaient pour objet l’organisation d’un scrutin au niveau des 302 communes rurales, des 49 communes urbaines et, dans un second niveau, la mise en place des conseils régionaux pour lesquels chaque commune devait désigner deux représentants.
Cela souligne l’importance historique et spatiale de ces élections qui ont permis d’intégrer l’ensemble du territoire dans le processus de communalisation.

Quel est le point sur la mise en place des conseils municipaux et régionaux ?

Il faut souligner que ces élections se sont déroulées dans la cohésion et dans la concorde nationales et avec la plus grande transparence sur l’ensemble du territoire à part quelques cas d’irrégularités techniques relevés par le Conseil constitutionnel ; ce qui est aussi un signe clair de la vitalité de notre démocratie et de la réalité de la séparation des pouvoirs.

Ceci dit, il faut retenir que sur les 302 communes rurales, les conseils municipaux sont installés et la remontée régionale a eu lieu, permettant ainsi la mise en place des treize conseils régionaux. La décentralisation est donc en très bonne voie au Burkina.

On note qu’il y a eu déjà des difficultés au niveau de certains conseils municipaux comme celui de Pô qui a été dissout. Est-ce un phénomène marginal ou cela dénote-il de réelles difficultés dans la mise en place de ces structures décentralisées ?

Cela n’est pas un phénomène exceptionnel car une telle situation est prévue par la loi, notamment le Code général des collectivités qui dispose que si le fonctionnement d’un conseil municipal est bloqué, on procède à sa dissolution. Le conseil municipal de Pô a donc été dissout dans cette logique, puisque le maire n’arrivait pas à le convoquer. Conformément à la loi, de nouvelles élections seront organisées dans un délai de 60 jours.

Nous allons travailler à une stabilité des conseils à travers notamment une formation des conseillers et des maires pour qu’au-delà de certaines situations peut-être subjectives, l’action de l’ensemble de tous les conseillers s’inscrive dans un cadre légal et vise le développement de la commune.

Ces nouvelles instances auront certainement une part très active dans la gestion de la coopération à la base avec les partenaires traditionnels du Burkina. Quels sont les changements précis que ces nouvelles instances vont apporter au niveau de la coopération décentralisée par exemple ?

Ceci est une question essentielle pour nous car le succès de la décentralisation est largement tributaire du jeu des acteurs. L’avènement des conseils municipaux, surtout au niveau rural est très important car les maires doivent travailler dans la durée, avec une planification. Chaque commune va travailler avec un budget qui est la traduction de la politique du conseil municipal. L’administration centrale, les partenaires au développement vont œuvrer à ce que chaque commune puisse se doter d’un plan de développement local.

Les relations avec les partenaires, qu’ils soient locaux ou du Nord, seront beaucoup plus coordonnées et s’inscriront dans la durée et d’actions planifiées pour aller au-delà de certaines actions ponctuelles ou encore personnalisées. La mise en place des conseils municipaux nous conduit dans un cadre de travail plus engagé et planifié.

On peut donc s’attendre à ce qu’il y ait un besoin de plus de coordination dans les initiatives des partenaires au développement ?

Cela est effectivement souhaitable et nous attendons désormais que les actions de jumelages et de coopération s’inscrivent dans des programmes de développement durable, dans des investissements structurants pour les communes et les régions.

Le président du Faso a effectué en fin mai et début juin un voyage officiel en France pour justement rendre hommage aux acteurs de la coopération décentralisée ; quel bilan faites-vous de ce voyage dont vous étiez partie prenante ?

Le président du Faso a un engagement très ferme pour la coopération décentralisée et qui va dans le sens de sa politique générale de renforcement de la démocratie à la base. C’est pour cela qu’il mène des actions fortes pour supporter la mise en route des communes. Son dernier voyage à Belfort, Besançon, Paris et Millau s’inscrivait dans cette logique et il a donné un souffle nouveau à la coopération décentralisée que l’on a senti dans la volonté affichée des acteurs de mieux structurer cette coopération et d’inscrire les actions à mener dans la durée et qui supportent le développement durable.

Vous êtes vous-même actuellement en visite en France dans ce cadre ; peut-on connaître l’objet précis de votre visite ?

Ma visite a pour objet de renouer les contacts et les perspectives ouverts par la visite du président du Faso. Il s’agit de contacts très importants avec les acteurs de la coopération décentralisée qui interviennent au Burkina Faso. C’est aussi l’occasion pour moi de m’enrichir de l’expérience de la France en matière de décentralisation et d’aménagement du territoire.

En dehors de la France, y a-t-il d’autres pays aussi impliqués dans la coopération décentralisée avec le Burkina ?

De nombreux pays du Nord partagent leurs expériences de décentralisation avec le Burkina, soutiennent les efforts du Burkina, compte tenu du renforcement de cette décentralisation.
La décentralisation ne peut s’installer, évoluer et se développer que dans un pays où il y une stabilité politique, où il y a une croissance économique et où l’on sent une réelle volonté des populations à aller de l’avant dans le développement. En cela, le Burkina est en très bonne position et nous avons donc l’amitié et le soutien de nombreux pays du Nord.

Je voudrais, dans ce sens, souligner que la mise ne place des communes rurales est un élément très important pour nous. Nous avons des actions prioritaires à mener qui sont actuellement en exécution. Car le tout n’est pas d’organiser des élections ou de mettre en place des conseils municipaux et régionaux ; il faut un cadre organisé pour que ces structures soient des centres d’impulsion de la démocratie et du développement.

Une de nos priorités a donc été d’identifier des sièges provisoires pour ces conseils qui doivent partir du néanmoins. Mais nous avons un programme de réalisation d’infrastructures car la commune doit assurer un certain nombre d’actes au bénéfice des citoyens comme l’état civil. Un premier programme de 60 mairies pour 2006 a été lancé et cette action va se poursuivre jusqu’en 2008 pour doter de siège les 302 communes et ainsi que les 13 conseils régionaux. Ils serviront de centre de ralliement pour les conseillers et de repères pour les citoyens. Il faudra bien entendu les équiper mais aussi former les conseillers à leurs attributions et leurs missions ; un programme de formation des formateurs a donc été lancé le 11 septembre et par la suite, l’ensemble des élus seront formés.

Le budget est un autre élément important de la nouvelle politique. Depuis le mois de juillet, nous avons eu des rencontres avec les gouverneurs, les hauts-commissaires, les préfets et les maires nouvellement élus et les services financiers régionaux pour asseoir les budgets initiaux. Ainsi, dès le 1er janvier 2007, chaque commune devrait avoir son budget qui est un instrument d’apprentissage de la gestion des affaires locales. Il permet aux maires de mesurer leurs capacités et de lancer des projets en fonction de leurs ressources propres, avant d’attendre des contributions extérieures.

Toutes ces initiatives sont en bonne marche pour la mise en place sereine des communes. Mais il faut souligner qu’elles ne concernent qu’un volet du processus de décentralisation, l’aspect institutionnel, la mise en route des instruments. Le deuxième volet est celui du développement local, de la viabilisation des communes. Nous menons actuellement une réflexion sur les infrastructures de base, les équipements collectifs, les structures de développement en matière de micro-finance indispensables à une commune.

Les résultats de cette étude nous permettront d’élaborer un cadre stratégique de mise en œuvre du développement local pour viabiliser les collectivités car les citoyens ne vont pas efficacement investir l’espace communal s’ils ne perçoivent pas un mieux être ; au-delà des services administratifs, un changement qualitatif dans leur bassin de vie.

Interview réalisée par Cyriaque Paré

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