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Tao Wen Lung, ambassadeur de Taïwan au Burkina : « Mon pays est prêt à cohabiter avec la Chine populaire au Burkina »

Publié le mardi 10 octobre 2006 à 09h02min

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Taïwan célèbre sa fête nationale chaque 10 octobre. A cette occasion, l’ambassadeur dudit pays au Burkina Faso, Tao Wen Lung, en plus de rassurer que la fête se prépare bien, s’exprime sur la récente visite d’une délégation chinoise au Burkina, sur la crise ivoirienne, l’adhésion de son pays à l’ONU...

Sidwaya (S) : Comment se déroule la préparation de votre fête nationale ?

Tao Wen Lung (T.W.L). : La préparation de la fête nationale de Taïwan se déroule bien. Nous prévoyons d’organiser une réception dans la soirée du 10 octobre 2006. Les années antérieures, nous organisions de nombreuses activités, mais cette fois-ci, nous sommes débordés. Nous avons eu un programme très chargé, surtout avec la VIe session de la commission mixte au cours de

laquelle sont nées une quinzaine de nouveaux projets, dont deux d’une grande importance.

S. : Quelle analyse faites-vous de la crise ivoirienne qui ne cesse de rebondir ?

T.W.L : Taïwan a également été touchée par la crise ivoirienne. Il y avait une importante délégation taïwanaise en Côte d’Ivoire. Avec l’avènement de la crise, nos ressortissants étaient obligés de fuir la Côte d’Ivoire et nous avons accueilli une vingtaine d’entre eux au Burkina Faso pendant quelques semaines. Ce qui se passe en Côte d’Ivoire est triste. Je crois que les Ivoiriens doivent tourner la page et regarder de l’avant au lieu de s’accrocher à de l’artificiel et du superficiel.

Il s’agit d’un conflit entre frères et je trouve qu’il est utile que les frères ivoiriens fassent la paix entre eux. Je ne suis pas expert en la matière, mais je pense que l’obstacle se trouve dans la tête des différents protagonistes de la scène politique ivoirienne. A mon avis, la solution à la crise doit venir des Ivoiriens eux-mêmes.
Toutes ces réunions et mécanismes ne feront que faire rebondir la crise et n’apporteront pas de solution à la
situation.

S : Comment avez-vous accueilli la récente visite que vient d’effectuer des hommes d’affaires de la Chine populaire au Burkina Faso ?

T.W.L : Nous avons considéré cette visite comme un fait courant qui est à ses débuts. Nous voyons nos cousins faire des va-et-vient au Burkina avec leurs produits « Made in China » qu’on trouve d’ailleurs partout (rire). Ce qui attire notre attention, c’est la forte médiatisation qu’a connu le passage de cette délégation. Cela a donné l’illusion qu’il s’agit d’une situation compliquée. Mais nous avons remarqué que la confiance entre le Burkina Faso et Taïwan ne s’est pas ébranlée. Je tiens à souligner que Taïwan est un pays démocratique tout comme le Burkina Faso avec des libertés garanties par nos Constitutions. Ce qui indique que chaque Etat est libre d’avoir des échanges commerciales avec qui il entend ! C’est tout à fait normal.

S : Cette visite n’a-t-elle pas suscité quelques inquiétudes en vous ?

T.W.L : Non, je n’ai pas du tout été inquiété par cette visite ! Les échanges commerciales avec la Chine populaire sont une réalité. Je ne suis pas opposé à ces échanges ! Si vous décidez de faire du commerce avec nos cousins de la Chine populaire, faites-le, il n’y a pas de problème (rire).

S : Doit-on s’attendre à une cohabitation entre la Chine populaire et la République de Chine (Taïwan) au Burkina Faso ?

T.W.L : Nous sommes prêts à cohabiter. Je vous ait dit que nous sommes un pays démocratique et nous faisons tout ce que la loi, la Constitution permettent. Du fond du cœur, pour nous, les Chinois ne sont pas nos ennemis, ce sont nos cousins ! Je ne vois donc pas pourquoi nous allons nous mettre à nous entretuer. Les événements ne se déroulent pas à Taïwan comme c’est le cas en Afrique et/ou en Chine populaire. Ailleurs, vous entendez dire : « On n’est pas d’accord ». Mais qui n’est pas d’accord ? Chez nous, à Taïwan, il y a toujours des sondages qui donnent une idée de l’opinion publique sur
les sujets.

S : Où en êtes-vous avec le dossier d’adhésion de Taïwan à l’ONU ?

T.W.L : Nous sommes toujours dans une phase très difficile, car il y a un blocage. Mais avec le soutien de certains pays amis dont le Burkina Faso, nous sommes parvenus à faire entendre notre voie. Cela est déjà très important. Le blocus contre Taïwan est une honte pour la communauté internationale. C’est la preuve des contradictions de discours de ces superpuissances. En Afrique, chaque jour, ils passent le temps à réciter : « Il faut la bonne gouvernance, la démocratie... » Nous, nous ne comprenons plus rien à ces discours de donneurs de leçons.

Taïwan a tout fait, nous ne sommes pas un pays terroriste, nous n’avons jamais agressé un autre Etat et respectons tous les traités et conventions internationaux sans être admis à l’ONU. C’est très marrant qu’on continue de nous traiter comme des terroristes ! Cela est un signe des hypocrisies de la communauté internationale, chose qui est très mauvaise (rire).

S : Si demain la Chine populaire ouvrait une ambassade au Burkina Faso. A quoi devrait-on s’attendre avec Taïwan ?

T.W.L : Les choses ne vont pas se dérouler de cette façon. Je précise que de notre côté, nous avons renoncé depuis très longtemps aux hostilités avec nos cousins de la Chine populaire. Mais dans leur logique, ils vont poser comme condition préalable, la rupture des relations entre le Burkina Faso et Taïwan. Cela ne relève pas de notre initiative ! J’ai choisi de venir au Burkina et je vous assure que mon séjour y est agréable. Je n’ai pas rencontré de difficultés avec mes partenaires et interlocuteurs burkinabè.

Sur le terrain, j’ai travaillé avec des hommes et des femmes honnêtes et intègres. Ce qui est très important pour le Burkina, car ce n’est pas le cas partout ! Il y a des espoirs pour le développement du Burkina car les populations sont sérieuses et travaillent bien, ce qui est un atout pour le pays. Je suis très content d’être au Burkina et si vous êtes d’accord, je compte encore rester pour réaliser quelques grands chantiers.

S : Quels sont ces chantiers que vous souhaiteriez réaliser avant de partir ?

T.W.L : Dans l’avenir, il y a deux grands projets qui ont été retenus à l’issue de la VIe session de la Commission mixte Burkina Faso/Taïwan. Le premier est un projet dans le domaine de la formation professionnelle. Il s’agit de doter les 13 régions du Burkina Faso de centres de formation professionnelle. Chaque région, un centre.

Au-delà de l’aide financière qui s’étalera sur sept ans et demi, il y aura des experts pour la mise en place du chantier. Le deuxième grand projet est la construction d’un centre hospitalier universitaire à Ouagadougou. C’est un hôpital de 500 lits qui est en cours d’élaboration.

Interview réalisée par Ali TRAORE (traore_ali2005@yahoo.fr)

Sidwaya

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