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« Le Faso Dan Fani des années révolutionnaires n’a rien à voir avec celui d’aujourd’hui » Dieudonné Zoundi

Publié le samedi 7 octobre 2006 à 08h45min

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Dieudonné Zoundi

Dieudonné Zoundi est ingénieur textile de formation. Il a longtemps roulé sa bosse à la défunte Faso Fani avant de s’installer à son propre compte dans sa structure dénommée Gar-Boko du Faso (teinture sur coton, tissage pagnes Dan Fani, formation).

Dieudonné Zoundi est aussi président de l’Union des professionnels du textile et de l’habillement du Centre (UPROTEX-HAC). Avec lui, nous avons échangé sur son métier, les deux structures qu’il dirige et les voies et moyens de la valorisation de notre Faso Dan Fani.

Sidwaya (S). : M. Zoundi, vous êtes le président de UPROTEX-HAC. Est-ce qu’on peut vous connaître davantage ?

Dieudonné Zoundi (D.Z.) : Je m’appelle Dieudonné Zoundi. J’ai suivi une formation en textile et je continue d’exercer dans ce domaine.

C’est dans ce cadre qu’avec les différents artisans du textile, nous nous sommes retrouvés il y a un an pour former une grappe (couturiers, teinturiers, tisserands, appelée UPROTEX-HAC (Union des professionnels du textile et de l’habillement du Centre). J’en suis le président.

S. : Comment êtes-vous arrivé au métier que vous exercez aujourd’hui ?

D.Z. : J’ai fait un cursus scolaire dans le domaine du textile. Je suis un ingénieur du textile. Après ma formation, j’ai été un employé de la défunte Faso Fani que j’ai quittée en 1987. Je me suis ensuite retrouvé à Ségou (Mali) pour former des techniciens supérieurs en textile. A Ségou, l’école dans laquelle j’enseignais appartenait à la CEAO. Après la disparition de cette institution, je suis revenu au pays. J’ai monté un atelier à Ouagadougou dénommé Gar-Boko. J’y suis toujours.

S. : Styliste, modéliste, couturier, le commun des mortels ne sait pas toujours faire la différence entre ces termes. Différenciez-les pour nous ?

D.Z. : Moi je suis dans l’artisanat textile. Nous travaillons beaucoup à relancer le Dani Fani ici, nous nous penchons beaucoup vers la création de nouveaux motifs. C’est comme cela que je travaille particulièrement avec Pathé’O. J’essaie de créer tout le temps et de lui proposer. Nous sommes un peu dans la création, un peu dans l’innovation concernant tout ce qui est textile. Nous, nous avons eu l’avantage d’être formé. Il faut que nous puissions alors tirer les autres.

S. : Je reviens à ma question. Quelle est la différence entre un styliste, un modéliste, un couturier ?

Z.D. : Disons que je n’oserai pas m’y aventurer parce que moi je suis un ingénieur textile. Dans ce sens, je suis préparé à fabriquer du tissu, faire de la teinture, tisser. Mais je ne suis pas spécialisé dans la confection, la couture. Dans l’Union (UPROTEX-HAC), il y a cependant des couturiers comme Clara, Prince Dessuti, Sylvano. Alors, ceux-là sont peut-être mieux placés pour faire cette différence.

S. : Alors vous dirigez l’Union des professionnels du textile et de l’habillement du Centre. Qu’est-ce que c’est ?

D.Z. : L’Union des professionnels du textile et de l’habillement du Centre (UPROTEX-HAC) est un regroupement d’artisans et d’artistes du Centre. Nous ouvrons à mettre en valeur le coton et à accroître sa consommation. Le pays produit beaucoup de coton mais malheureusement, très peu exploité sur place. C’est dans ce sens que nous nous évertuons à élever le niveau d’ensemble de tous les membres (couturiers, teinturiers, etc.) par des formations. D’ailleurs dans un mois, nous aurons une formation de haut niveau pour recycler tout le monde pour produire des articles de qualité.

S. : Quelle est la contribution réelle de l’Union pour ses membres depuis sa mise en place ?

D.Z. : L’UPROTEX-HAC est une association qui ouvre à l’amélioration du niveau d’ensemble de ses membres. Alors, ceci ne peut que nous pousser à sortir des articles exportables et animer le marché national. Vous aurez remarqué par ces temps-ci que le Dan Fani a pris un nouvel élan. Il est devenu un produit de luxe. La contribution de l’Union à ses membres est de renforcer les compétences. Après la formation sus évoquée, une autre de six mois est également prévue. Nous allons débuter celle-là le 5 octobre 2006. La principale cible sera les couturiers. Ils recevront des notions sur l’organisation du travail, le marketing.

S. : Qui peut être membre de UPROTEX-HAC ?

D.Z. : Au départ, nous avons fait appel à tous ceux qui sont dans le secteur du textile et para-textile. Malheureusement, à l’assemblée générale, beaucoup se sont découragés et ont abandonné l’idée de l’union. Nous sommes actuellement au nombre de quatre vingt dont 17 couturiers, deux teinturiers, deux tisserands, le Centre de formation féminin de Gounghin, etc.

S. : Que comptez-vous entreprendre comme actions pour revaloriser la mode africaine ?

D.Z. : Nous avons en fin septembre-début octobre 2006, une manifestation pour revaloriser le Faso Dan Fani. Beaucoup de gens parlent du Faso Dan Fani, mais ne savent pas en réalité ce qu’on peut en faire, ainsi que ses différentes utilisations.

S. : Où aura lieu cette manifestation et quand exactement ?

D.Z. : Grâce à la Coopération suisse, nous allons tenir du 29 septembre au 1er octobre 2006, ce que nous avons appelé les Journées de valorisation du Faso Dan Fani au Ran Hôtel Somkéta de Ouagadougou. A l’occasion, il y aura une exposition-vente, deux défilés (un défilé de compétition et un défilé d’exhibition). Nous espérons avoir l’occasion d’accueillir un public nombreux.

S. : Beaucoup d’opportunités sont offertes à nos artistes et artisans : salons, foires, expositions. Malgré tout, il y a des difficultés à émerger. Qu’est-ce qui pose problème ?

D.Z. : Très souvent, le problème, c’est le nerf de la guerre (l’argent). Au SIAO par exemple, un stand au bâtiment climatisé coûte 700 000 F CFA. Ce n’est pas toujours évident pour nous autres ici. Il faut toujours pouvoir payer et espérer récupérer après. Il est vrai que c’est un cadre de promotion, et cela n’est même pas évident pour tout le monde. Beaucoup veulent participer à des salons, des foires mais les finances constituent un handicap assez souvent.

S. : L’invasion chinoise n’est-il pas aussi pour quelque chose dans la consommation de nos produits locaux ?

D.Z. : C’est certain. C’est dû au fait que le niveau d’ensemble est très faible, et nous comprenons que certains aiment bien changer leur habillement à moindre coût. Il faut arriver à avoir des coûts relativement bas de nos articles. Seulement, quand on observe la chaîne de production, ce n’est pas toujours évident. Il y a le coton qu’il faut travailler, la teinture, le tissage... La chaîne est tellement longue et le coût des accessoires n’est pas faible. Par exemple le colorant. Disons donc qu’il est difficile de lutter contre les articles venant d’Asie.

S. : Est-ce que la valorisation du Faso Dan Fani ne passe pas aussi par la baisse des prix des articles ?

D.Z. : Il y a que la qualité coûte chère. Les uns aiment la qualité, les autres, eux se contentent du moindre. Dans le Faso Dan Fani, tout le monde peut trouver son compte. Il y a des produits de 1500 F CFA, 2000 et plus encore. Il y a donc tout une gamme... Mais je dirai que le Faso Dan Fani d’aujourd’hui n’est pas celui des années révolutionnaires. Il a une nette amélioration dans sa qualité.

S. : On sait que le SIAO est une manifestation phare de visibilité pour nos artistes et artisans, quel profit avez-vous tiré des 10 éditions passées ?

D.Z. : Personnellement, j’en ai tiré beaucoup profit avec une participation à 3 éditions. Cela m’a permis également de nouer des relations. C’est la plus belle chose que j’en ai tirée. Pour tous les participants, c’est l’occasion de se faire connaître, de vendre... Il y en a qui tirent plus que d’autres leur épingle de jeu.

S. : La présente édition veut mettre l’accent sur le commerce équitable. Que vous inspire ce thème ?

D.Z. : Personnellement, je voudrais toujours y croire. Malheureusement ce n’est pas toujours évident...

S. : Qu’est ce qui vous fait dire cela ?

D.Z. : Vous savez, le rapport de force est tellement disproportionnel... Même si on trouve des bonnes volontés qui se battent pour ça, il faut admettre que l’OMC est une organisation qui ne favorise pas les faibles. Espérons tout de même que le commerce équitable dont on parle, ira loin.

S. : Gar-Boko du Faso, votre structure propose quoi au public burkinabè ?

D.Z. : Ah non, moi je suis dans le Faso Dan Fani, nous qui sommes formés dans le secteur. Très peu ont une structure, si bien que lorsque l’on se trouve avec une partie de la chaîne, il est difficile de progresser. Le problème de moyens constitue un blocage.

S. : Expliquez-nous un peu comment se passe une chaîne de production d’un Faso Dan Fani ?

D.Z. : Je vous explique un peu celle d’une chemise. On part d’un fil à l’état brut provenant de FILSAH à Bobo-Dioulasso. On nettoie le fil afin de pouvoir faire la teinture. Après c’est le tissage. A la phase du tissage et de la teinture, nous créons les motifs. Le passage chez le couturier s’en suit. Là-bas, il y a un travail de création à exécuter pour nous sortir des articles d’une certaine qualité. C’est en bref l’essentiel.

S. : A présent quelle précision aimeriez-vous apporter sur tout ce qui a été dit jusqu’ici ?

D.Z. : Pas de précision particulière, nous espérons qu’au cours de la manifestation prochaine (le SIAO) tout un chacun trouvera son compte. Que ce soient les professionnels du textile, les visiteurs ou les autres services, nous souhaitons à tous la réussite.

Propos recueillis par Ismaêl BICABA

Sidwaya

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