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Henri Koubizara, maire déchu de Pô : “On nous a fait un coup de force”

Publié le mercredi 4 octobre 2006 à 07h42min

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Henri Koubizara

Le Conseil des ministres en sa séance du jeudi 7 septembre 2006 a dissous le conseil municipal de la commune urbaine de Pô. Renvoyant ainsi les partis politiques devant les électeurs pour un nouveau scrutin.

Henri Koubizara, ingénieur hydraulicien à l’ONEA, le maire déchu, membre du Parti africain de l’indépendance (PAI) donne sa lecture de la décision gouvernementale et ses conséquences sur le développement socioéconomique du chef-lieu de la province du Nahouri.

Sidwaya (S.) : Bien que votre parti (le PAI) n’ait pas la majorité des conseillers municipaux, vous avez quand même été élu maire de Pô. Comment cela a été possible ?

Henri Koubizara (H.Z.) : Les élections municipales au niveau du Burkina se font en deux étapes. Il y a une élection directe où les électeurs votent les conseillers municipaux et une élection indirecte où les conseillers élisent le maire. Les conseillers municipaux peuvent être qualifiés de grands électeurs et ceux de Pô ont trouvé que j’étais capable de diriger la commune.Mon parti était le seul à présenter aux électeurs un programme de développement pendant la campagne électorale.

S. : Que s’est-il réellement passé pour que le Conseil des ministres du 7 septembre 2006 décide de dissoudre le conseil municipal de Pô ?

H.Z. : Personnellement, je ne comprends pas cette décision. Je n’ai toujours pas eu d’explications sur les raisons qui ont conduit le Conseil des ministres à dissoudre le conseil municipal de Pô. Après mon élection au poste de maire, les conseillers CDP ont opté de bloquer les activités du conseil municipal par la politique de la chaise vide, répondant à l’appel lancée par leur responsable provincial.

Les deux premières sessions du conseil ont toutes échoué, faute de quorum.

Conformément à la loi, j’ai adressé un rapport au ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation. A partir de cet instant, le ministre disposait de 30 jours pour dissoudre le conseil et convoquer de nouvelles élections. Dans la recherche de solutions avant ces 30 jours, beaucoup de tentatives ont eu lieu. On a convenu de trouver une solution négociée. Après ces 30 jours, le ministre n’a pas réagi.

Nous avons de nouveau convoqué la réunion du conseil municipal les 29 et 30 août. Une fois encore, le quorum n’a pas été atteint. Nous avons reporté la réunion pour les 6 et 7 septembre. Pour cette dernière tentative, nous avons dépassé la majorité absolue en réunissant 34 conseillers le 6 septembre et 35 conseillers le 7 septembre 2006 sur un total de 63 conseillers (CDP 35, PAI 13, ADF/RDA 9, UNDD 3, PDP/PS 3). Nous avons siégé le 6 septembre et adopté le budget communal en présence de tous les services techniques de la commune. A notre grande surprise, le Conseil des ministres décide le 7 septembre de dissoudre le conseil municipal de Pô. Nous avons senti les choses venir car dans la matinée du 7 septembre, le haut-commissaire m’a appelé pour demander la suspension des travaux.

S. : Avez-vous le sentiment qu’on vous a fait un coup de force ?

H.Z. : C’est un coup de force qu’on nous a fait. Ce n’est pas un sentiment, c’est une réalité. Nous reconnaissons que la session tenue est irrégulière. Mais dans ce pays, on a fermé plusieurs fois les yeux sur des situations irrégulières. Il aurait fallu corriger les choses au lieu de dissoudre le conseil municipal.

S. : Croyez-vous à une manipulation de certains conseillers CDP ?

H.Z. : Je ne dirai pas qu’il y a eu manipulation. Dans cette affaire, tous les conseillers sont conscients de ce qu’ils font. Ceux du CDP qui sont venus siéger savent pourquoi ils étaient présents le 6 septembre. C’est possible qu’il y ait eu manipulation car beaucoup de conseillers CDP regrettent aujourd’hui leur acte. On a fait comprendre à ces conseillers (analphabètes pour la plupart) que la dissolution du conseil municipal se résumait seulement à la destitution du maire.

Beaucoup ont signifié de vive voix qu’ils regrettent ce qui est arrivé. Car il va falloir tout recommencer. Et c’est le développement de la ville de Pô qui prend du retard.

S. : Que réclamaient les conseillers CDP qui boycottaient les sessions du conseil municipal ?

H.Z. : Quand on est en politique, on doit avoir le courage de ses opinions. Je ne sais pas ce que les responsables CDP du Centre-Sud réclamaient. Quand j’ai été installé, j’ai approché les responsables du CDP qui m’ont reçu à leur siège.

Ils m’ont confirmé que leur président du parti ne s’opposent pas à ce qu’ils siègent. Mais eux-mêmes refusent d’être du bureau du conseil municipal. Ils ont dit qu’ils étaient dans l’opposition et comptent y rester. Néanmoins ils ont affirmé vouloir travailler pour les populations. Je ne sais pas maintenant les raisons qui ont conduit les conseillers à opter la solution de la chaise vide. Je crois que la raison est politique. Il faut bloquer la tenue de sessions du conseil municipal pour obtenir sa dissolution et reconquérir la mairie.

S. : Certaines indiscrétions affirment que des responsables CDP vous auraient demandé d’abandonner votre parti le PAI pour rejoindre ses rangs. Que répondez-vous ?

H.K : En politique, il y a toujours des tractations. Toutefois, chacun est libre d’être dans son parti.

S. : Que vont devenir les projets d’adduction d’eau et de construction d’écoles que vous auriez entrepris ?

H.K : Deux jours après la décision du Conseil des ministres, le préfet est venu me voir pour la passation de service. Je lui ai remis les dossiers sur tous les projets que j’avais entrepris. Le président de la communauté musulmane Oumarou Kanazoé a accepté construire douze (12) classes pour douze (12) villages. J’ai signé un protocole avec une association de Ouagadougou pour entreprendre des projets d’adduction d’eau. Le montant de ce projet s’élève à 200 millions F CFA. Le projet va consister à la réalisation de forages et à des projets d’assainissement. J’ai aussi adressé une lettre à la SONABEL pour l’électrification des deux (2) artères principales de la ville. Ce dossier était en bonne voie selon certaines informations.

L’administration est une continuité. Le préfet-maire va certainement suivre les dossiers en attendant la mise en place d’un nouveau conseil municipal. On ne sait pas quand aurait lieu les prochaines élections.

Le président de la CENI a lui-même reconnu qu’il serait difficile de respecter le délai de deux (2) mois. Le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation avait déclaré sur une radio locale de Pô que les élections auront lieu dans trois (3 )mois. Dans tous les cas, nous attendons.

S. : M. Koubizara regrette-t-il aujourd’hui d’avoir perdu la mairie de Pô ?

H.K : Je ne dirai pas que je regrette d’avoir personnellement perdu la mairie de Pô. Ce que je regrette, c’est qu’on donne un coup d’arrêt au processus de développement que nous avions entamé pour la ville de Pô. La commune connaît déjà un retard et la décision de dissolution va davantage accentuer ce retard.

S. : Avez-vous l’ambition de reconquérir la mairie de Pô ?

H.K : Bien sûr. Je vais me positionner avec mes camarades. Nous allons nous présenter aux élections à venir.

S. : Allez-vous boycotter les sessions du conseil municipal si vous retournez dans l’opposition ?

H.K : Nous n’avons pas cette vision politique. Les treize (13) conseillers PAI étaient prêts à travailler dans le conseil municipal quels que soient l’identité et le bord politique du maire. Ce n’est pas un individu qui dirige la mairie. C’est un programme de développement que le maire met en œuvre de concert avec tous les autres conseillers.

S. : Quel jugement portez-vous sur le processus de décentralisation intégrale au Burkina Faso après ce qui est arrivé à Pô.

H.K : Il me serait difficile de porter un jugement de valeur sur le processus de décentralisation intégrale. Mais je crois que la décentralisation a pris un coup dur après ce qui est arrvié au conseil municipal de Pô. C’est une ancienne commune qui a beaucoup d’enjeux socioéconomiques. Je ne comprends pas que pour des raisons politiciennes et à la limite partisanes, on arrive à dissoudre notre conseil municipal. Il y a aussi des contradictions entre le code électoral et le code général des collectivités territoriales. Le président de la CENI l’a déjà relevé. Si nous voulons avancer, il va falloir procéder à des relectures des textes du code général des collectivités territoriales. Ce qui est arrivé à Pô peut se répéter partout au Burkina Faso.

Les conseillers CDP ont boycotté les sessions du conseil municipal sans raison valable. Ils ont reçu des lettres d’explication mais personne n’a répondu. Ces conseillers ont posé des actes d’indiscipline. Ces actes n’ont pas été sanctionnés. Mieux, ils obtiennent une dissolution.

C’est la preuve que des conseillers municipaux peuvent bloquer n’importe quel conseil municipal.

Un toilettage des textes s’impose si nous voulons réussir notre processus de décentralisation intégrale.

Interview réalisée par Jolivet Emmaüs (joliv_et@yahoo.fr)
Romaric DOULKOM (romarikom@yahoo.fr)

Sidwaya

P.-S.

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Municipales 2006

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Vos commentaires

  • Le 4 octobre 2006 à 16:42, par ben En réponse à : > Henri Koubizara, maire déchu de Pô : “On nous a fait un coup de force”

    salut
    En lisant juste le résumé de cet article avant de le parcourrir en intégralité, je me suis dit : il faut être CDP pour diriger dans ce pays. ok ! Peuple du burkina, cette destitution du maire de Pô doit interpeller plus d’un sur l’état des lieux de là où va le pays. Trève de commentaires. Ce que je vais dire, d’aucuns diront que c’est du barratin ou je ne sais quoi. bref ! d’une manière d’une autre, faites tout possible pour que le maire déchu puisse être réélu pour éviter le k.o du pays. c’est tout. ce message parraît banal n’est-ce pas ? or pourtant. merci

    • Le 8 octobre 2006 à 22:24 En réponse à : > Henri Koubizara, maire déchu de Pô : “On nous a fait un coup de force”

      Mon Cher Ben,
      Votre analyse défie toutes les lois (nombre, démocratie, majorité) et j’ai l’impression que vous faites un procès d’intention au C.D.P.. Mais je peux me tromper...
      Il me semble que le C.D.P. à Pô, disposait de 35 conseillers contre 13 au P.A.I. 9 à l’A.D.F./R.D.A. etc..
      Il me semble davantage logique que le C.D.P. dirige le conseil municipal de Pô. Cette ville où j’ai effectué mon service militaire commando... et, bien évidemment, ville certainement, symbole historique pour le Président du Faso, allié objectif du C.D.P.. On peut être contre le lièvre, mais il faut tout de même reconnaître qu’il court vite. En conclusion, le C.D.P. ou tout autre parti doit, objectivement, diriger cette commune si les élections prochaines le confortent dans cette majorité. Alors, à vos marques pour une nouvelle campagne !!! Ange TAMPSOBA, France.

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