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Côte d’Ivoire : La ligne rouge franchie

Publié le vendredi 26 mars 2004 à 07h17min

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Depuis l’échec du Forum de réconciliation nationale en décembre 2000 (convoqué pour vider "l’abcès" du charnier de Yopougon et les autres dossiers de crimes politiques) la Côte d’Ivoire a flirté avec la guerre civile avant d’y tomber en septembre 2002.

Avec le "remède" de Marcoussis que la classe politique avait accepté dans son ensemble, on pensait que le pays sortirait de l’ornière. Hélas les vicissitudes politiques ont vidé Marcoussis de sa substance. La manifestation de jeudi dernier qui voulait rétablir "l’ordre" marcoussiste ayant dégénéré, le pays est plus que jamais dans l’œil du cyclone.

Plusieurs personnes ont été tuées dans différents quartiers d’Abidjan et la ville était totalement bouclée en raison de la manifestation interdite de l’opposition. Le président Laurent Gbagbo a donc mis en œuvre sa menace de "riposter par tous les moyens" à cette manifestation de l’opposition qu’il avait fait interdire par décret.

Ce, malgré la "bonne volonté", de l’opposition, qui avait donné des gages de sa bonne foi, en demandant aux Forces nouvelles de manifester dans leur fief du Nord. En attendant un bilan plus exhaustif de cette manifestation, la prospective politique nous oblige à dire que la "ligne rouge" voire le point de non-retour a été franchi en Côte d’Ivoire.

De même, il va falloir désormais faire fi de toute courtoisie diplomatique hypocrite, pour toucher du doigt le véritable problème de la Côte d’Ivoire à l’heure actuelle.

Mettre fin à la dérive ivoiritaire

Ce serait un truisme de dire que le pays a "mal" à son président actuel et à l’état d’esprit que lui et ses séides entretiennent depuis leur accession au pouvoir.

Malgré une volonté manifeste de sortir de la crise par la voie de la négociation, Gbagbo ne s’est jamais départi de la conviction qu’il était l’objet d’une "agression" orchestrée par la France en association avec certains pays (suivez notre regard) de la sous-région. "Légitimement" élu quoique de façon "calamiteuse" selon ses propres termes, Gbagbo n’a aucunement l’intention de partager son pouvoir. Il "n’existe pas" de contentieux sociopolitique en Côte d’Ivoire aime-t-il à dire en privé. Et même si tel était le cas, l’actuel pouvoir ivoirien est persuadé d’en avoir déjà "assez fait" pour résorber la fracture politique. Et, il cite à profusion, son "acceptation" des Accords de Marcoussis, par le biais du gouvernement de réconciliation nationale mis en place, nonobstant sa "légitimité" qui ne l’y obligeait pas.

Pourquoi collaborer avec des "apatrides" jaloux de la réussite économique de la Côte d’Ivoire, s’interrogent du reste ses partisans. La France qui a voulu jouer au "pompier" dans la crise est conséquemment présentée comme le "troublion principal".

L’ambassade de France en Côte d’Ivoire, l’ambassadeur et ses collaborateurs ont payé un lourd tribut à cette conviction.

On est mémoratif qu’au plus fort des manifestations "anti-Marcoussis", les slogans anti-français fleurissaient sur les pancartes. Mieux, le général de la rue, Blé Goudé, l’âme damnée du régime avait clamé haut et fort que la France avait envoyé un "espion" (sic) à Abidjan au lieu d’un ambassadeur.

Les appels à la "retenue" de la France concernant cette manifestation ont été traitées par dessus la jambe par le camp présidentiel. Quant aux ressortissants des pays prétendument impliqués dans la crise, leur quotidien est fait depuis un lustre, d’exactions, de spoliation et de tueries sauvages. Cette chienlit a déséquilibré toute la sous-région, du fait du mouvement massif des populations. Aussi, le marasme économique dans lequel se trouve plongée la Côte d’Ivoire, a influé sur les agrégats économiques de l’Ouest africain. La Côte d’Ivoire pesant pour près de 40 % dans l’économie de la région, il apparaît impératif face à ce sombre tableau de mettre fin à la chienlit. C’est clair que la négociation est rompue entre les protagonistes.

La classe politique ivoirienne s’est disqualifiée par son intransigeance et sa boulimie du pouvoir. Tout le monde parle au "nom du peuple", pour après massacrer ce même peuple pour défendre des intérêts partisans. Seule la remise à plat des cartes politiques et leur redistribution peuvent remettre le pays dans la bonne direction.

Boubakar SY
Sidwaya

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