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Ismaël Zongo alias "Commandant Papus Zongo" : "Dieu seul sait ce qui me lie à Floby"

Publié le lundi 2 octobre 2006 à 07h55min

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Ismaël Zongo est né en Côte d’Ivoire, dans la ville de Gagnoa en 1972. Après les études secondaires, il rentre au pays et s’investi dans le domaine qui l’a toujours attiré, le show-biz. L’homme a été animateur radio-télé à Multimédia radio-télévision , puis chargé de communcication et directeur artistique dans des grosses boîtes de production discographique tels Seydoni production et les productions Tam Tam.

Aujourd’hui , on ne le connaît que sous ce nom : le commandant Papus Zongo. Il est classé dans le lot des requins de notre show-biz et est reconnu comme étant un faiseur de stars : il a fait découvrir de nombreuses vedettes locales. Pour certains, il est un ange, d’autres le considèrent comme un "exploitateur" d’artistes. Evasion a rencontré le commandant. Il parle du show-biz burkinabè, de son départ de Seydoni production et des productions Tam Tam, du contrat qui le lie à l’artiste- musicien burkinabè Floby, etc.

Comment Ismaël Zongo est-il devenu "Le commandant Papus Zongo" ?

Papus, c’est un nom d’emprunt. Chacun voulait avoir un sobriquet. Le mien, Papus, c’est en référence à quelqu’un qui a l’art de la rhétorique, de l’éloquence, quelqu’un qui s’exprimait très bien à l’époque. Pour juste avoir une référence, mes amis m’ont appelé Papus. Ils trouvaient que j’avais l’expression facile. Donc au lieu d’être senior, je suis junior. C’est tout. "Commandant", c’est à l’époque où nous étions encore animateurs radio-télé.

On avait estimé que notre métier était tellement difficile qu’on pouvait l’apparenter à celui des militaires. On a considéré qu’on était comme une armée et comme dans une armée, il faut une hiérarchie, de la discipline, Big Ben a été nommé "Capitaine" et on a trouvé que je méritais de diriger cette armée, donc on a dit que "notre commandant, c’est Papus". C’est ainsi que tout a commencé et cela a été bien relayé par certains artistes.

Qu’est-ce qui t’a attiré dans ce domaine ?

J’avoue qu’au commencement, cela n’avait rien à voir avec l’activité lucrative. J’étais un jeune fan de chroniqueurs sportifs. A l’époque, il y avait Jean Louis Farra Touré, Boubacar Kanté, des journalistes sportifs d’origine guinéenne qui étaient en Côte d’Ivoire. Ils me fascinaient par leur façon de retransmettre les matchs. Ils donnaient vie à chaque match qu’ils commentaient. Et je me suis dit que ce sera cela mon métier. Et un jour , je suis allé à la radio à Koudougou, j’y ai trouvé Malcom et Mascotte de la Télévision nationale du Burkina. Ils animaient tous les deux des émissions sur une radio nommée Multimédia radio.

Je les ai approchés et j’ai manifesté le désir d’appartenir au personnel de la radio. Progressivement, on m’a mis en observation, 1 mois, 2 mois, 8 mois et après, la radio s’est déportée àBobo Dioulasso. J’ai suivi l’équipe, et progressivement, la radio a fermé ses portes pour des problèmes techniques. Nous sommes revenus à Ouagadougou pour ceux qui voulaient continuer l’aventure. Nous étions à la Télévision Multimédia.

Après 6 mois d’essai, mon test a été validité. J’ai présenté une émission nommée "Ouagascop", une émission de jeunes et d’informations. J’y ai fait 4 ans. Je me suis retrouvé quelques années après dans une agence de publicité avec un ami. Et plus tard, j’ai rencontré Fousséni Traoré, ex-directeur de Seydoni production. A l’époque, il m’a dit : " Nous sommes en train de lancer une maison de disques. Est-ce que ça te dit de venir bosser avec nous ?" Je suis allé. Et c’était la première fois que j’embrassais le domaine de la musique.

Au commencement, j’étais chargé de communication. Mon rôle consistait à donner le maximum d’informations aux journalistes culturels sur les sorties discographiques de la maison Seydoni ou aller communiquer sur nos produits à la radio. C’est un exercice auquel j’étais habitué puisque j’avais déjà fait la radio et la télévision. J’ai donc pu remplir mon contrat avec beaucoup d’aisance.

Je n’ai fait aucune école dans ce domaine. Ce sont des choses qui sont venues progressivement à force d’écouter, de tendre l’oreille, de faire attention à ce qui s’écoute ou se vend. Cela m’a amené à scotcher les artistes, à prêter attention à ce qu’il font, à pouvoir les amener à sortir ce qu’ils ont de bien en eux.

Il y a beaucoup de talents qui dorment aujourd’hui, mais malheureusement ils n’ont pas encore rencontré l’homme qu’il faut pour les mettre en évidence. Ce boulot me passionne beaucoup. Aller chercher dans les endroits les plus reculés des artistes qui ont des talents naturels et qui ont besoin d’être tout simplement révélés.

Comment devient-on directeur artistique ?

Je n’ai pas fait une école pour cela, mais ce que je retiens, c’est qu’il faut aimer tout simplement la musique.

Comment sait-on qu’un son peut donner ?

Je crois qu’il faut avoir une bonne lecture du marché sur lequel on veut positionner le produit. Quand je donne mon avis sur un produit, c’est par rapport à un marché bien donné. Quand je dis que je ne sens pas un produit, je ne suis pas en train de dire qu’il est nul. Avec la petite expérience que j’ai, je me fais une idée du goût prononcé des mélomanes sur les genres et les voix. Ce sont ces éléments qui m’amènent à juger de l’effet du produit.

Cela se fait au regard de ce qui se danse en boîte, de ce qui s’écoute et de la thématique. Il y a bien entendu la sensibilité des mélomanes par rapport à une thématique donnée, leur sensibilité par rapport à une musique rythmique donnée, leur sensibilité par rapport à la langue utilisée. Ce sont les critères qui m’amènent très souvent sur la bonne piste.

Qu’est ce qui explique ton départ de Seydoni ?

Je l’ai toujours dit, je ne suis pas parti de moi-même. C’est une maison qui m’a permis d’entamer mes premiers pas dans le milieu du show-biz. J’étais un communicateur. J’ai fait mes premiers pas dans le show-biz au niveau de Seydoni. Cela a été très important pour moi. J’y ai appris beaucoup de choses et j’en ai également apportées beaucoup. Mais à un moment donné, la maison a trouvé que nos intérêts ne convergeaient plus, au point qu’elle a décidé de se séparer de moi.

A l’époque, le PDG avait dit que ce n’était pas une séparation en tant que tel et que c’était plutôt une forme de restructuration et que j’avais plus un statut de collaborateur que d’employé. J’ai bien compris le discours. Les gens se sont mis des choses dans la tête et au finish, il fallait vraiment restituer la vérité. Je ne suis pas parti de moi-même. Il allait être très difficile pour moi de prendre cette décision. Cette maison comptait beaucoup pour moi. C’était plus dans le coeur que dans les intérêts.

L’argent importait peu. Je suis parti sans rancoeur sur demande de la maison et jusqu’aujourd’hui, j’ai de bonnes relations avec la maison. Quand il y a quelque chose et quand ils ont besoin de moi je réponds présent sans problème. Et quand j’ai besoin de quelques services, je rencontre le Président- directeur général (PDG) et on discute sans problème.

Quelle en est donc la véritable cause ?

La maison m’avait laissé entendre que ce n’était pas dû à un manque de compétence. Et même aujourd’hui, le PDG reconnaît que j’avais des qualités et que j’étais l’homme qu’il fallait pour Seydoni. Selon lui, la maison était dans une dynamique de restructuration, ce qui faisait que nos rapports devaient changer. Je ne sais pas trop ce à quoi cela rime, mais c’est comme ça que cela m’a été expliqué. Et je l’ai compris. Aucune lettre de licenciement ne m’a d’ailleurs été adressée. Nous avons verbalement parlé et j’ai tout de suite compris que je devais essayer de voir ailleurs.

Aucun contrat ne vous liait donc.

Si, il y avait un contrat à durée indéterminée. C’était un licenciement verbal.

De Seydoni, tu es allé aux Productions Tam Tam.

A l’époque, quand je travaillais avec Seydoni, Achille était déjà un ami. C’est un jeune de ma génération. On se côtoyait et nous nous connaissions très bien. C’est un jeune qui a une structure et qui se débrouille même s’il n’a pas les moyens. Je me suis dit, "pourquoi ne pas tenter une expérience avec lui ?". Nous avons été de très bons collaborateurs pendant 2 ans. j’ai fait 4 ans à Seydoni et 2 aux productions Tam Tam.

Mais voyez-vous, à un moment donné, après tant d’années d’expérience, vous commencez à vouloir proposer des idées qui viennent directement de vous-même. Vous avez cette envie d’exécuter des idées qui viennent de vous-même. Et puis, je me suis dis que le temps est venu de proposer quelque chose venant de moi- même. Je l’ai tenté, mais je n’avais pas en tête cette idée d’avoir forcément des sous.

Il n’y a donc pas eu de crise entre vous ?

Non, avec Achille, je ne peux pas dire qu’il y a eu des problèmes. Je pense que quand il y a des problèmes, tout le monde le sent. Rien qu’avant-hier (Ndlr : le 13 septembre 2006), j’étais aux Productions Tam Tam pour faire une émission.) Nous gardons de bons rapports. Peut-être qu’il y a des choses qui ne sont pas dites ouvertement, mais à ce que je sache, Achille Dabiré et moi restons de très bons amis. Et je n’ai aucun regret de ce qu’on a fait ensemble. Nous avons fait du bon travail ensemble. Il y a par exemple Yoni.

On dit que c’est parce que Papus a vu en Floby une star qu’il a quitté les Productions Tam Tam.

Je trouve que ça, c’est un raccourci. Quand j’étais à Seydoni, il y avait des artistes qui brillaient également. Ils sont passés par l’entremise de Papus, donc je pouvais démissionner. Quand j’étais à Seydoni, Dondosi est passé par mon intermédiaire. Je l’avais senti et proposé à la maison. Il y a eu Alif Naaba que j’ai rencontré pour la première fois à Abidjan. Je l’avais senti. J’aurais pu le monopoliser. Je l’ai proposé à la maison par le biais d’un mail et le directeur qui me faisait entièrement confiance l’a produit. Il y a également Les As DJ.

Quand j’ai pensé au projet, je l’ai suggéré à la maison. C’est le dernier produit que j’ai fait à Seydoni avant mon départ. J’ai assuré la direction artistique et le management de la boîte. Nous sommes allés dans toutes les contrées : le Mali, le Niger, la Côte d’Ivoire, le Bénin, etc. Aux Productions Tam Tam, j’ai rencontré Yoni qui avait sa maquette en mains. J’ai suggéré qu’on aille en studio pour faire deux chansons. C’est à ce moment que nous avons fait "Nonglom" et "Songtaaba" qui sont les produits phares de l’album.

Parlant de ton dernier produit, Floby, nombreux sont les mélomanes qui disent que tu profites au maximum de lui.

Vous faites bien de me poser la question. Je n’aime pas étaler les problèmes des artistes, des promoteurs et managers sur la place publique. On croit que cela nous sert, mais c’est plutôt le contraire. Quand l’artiste, le producteur et le manager se rencontrent, ils se disent des choses. Il y a des choses qui restent secrètes, qu’on n’amène pas aux yeux de la société. Dès qu’il y a succès, tout laisse à interprétation. On est prêt à dire ce qu’on veut.

Mais je n’ai pas trop envie de me prêter à ce jeu-là. Dieu seul sait ce qui me lie à ce garçon. Le jour où l’artiste lui-même prendra la parole pour dire que j’ai fait ceci ou cela, je serai prêt à répondre. Mais quand il s’agit de gens qui parlent, je préfère ne pas me prononcer sur la question. J’ai tout simplement envie de rappeler qu’il y a 2 mois et quelques jours que l’album de Floby est sorti. Nous l’avons réalisé pendant 2 ans.

Le produit est sorti et deux mois seulement après cela, on trouve que l’artiste est toujours dans sa galère. On veut qu’il roule en Porche. Ils oublient que mon statut également n’a pas changé. Je roule dans ma même carcasse. Je porte les mêmes vêtements. Je suis dans la même bicoque. Parlons des artistes et aussi de nous. Je mets tout cela sur le compte de la rumeur. Et ce garçon, je le considère comme mon fils. Ma fille le considère comme son frère aîné. Pour elle, Floby est mon premier fils. Mais c’est vrai parce qu’au fond de moi-même, c’est ce que je ressens. Je pense que Floby est en train de comprendre que je suis en train de lui tracer un chemin.

Au-delà de la production, il y a autre chose qui me lie à ce garçon. J’ai envie de lui donner une partie de moi-même, de lui donner le maximum de conseils possibles pour sa réussite. Ensemble, nous essaierons d’émerger. Quelquefois, le mélomane est lui-même un danger pour l’artiste. C’est vrai qu’il compose son public, mais il peut aussi être un danger pour l’artiste. C’est eux qui font des artistes des dieux en deux jours.

L’artiste qui était dans son coin, qui ne pouvait même pas jouir du respect de son voisin, parce qu’il passe à la télévision devient un roi. on lui dit des mots doux, on lui donne tous les qualificatifs. Et tout de suite, il peut se rebiffer et dire : "attention, qu’est-ce que mon producteur fait avec moi ? Je mérite mieux que ça". Du coup, on oublie comment les choses ont commencé. Je crois que les mélomanes doivent aduler les artistes, mais ils doivent aussi donner des bons conseils aux artistes. Ils en ont besoin pour leur carrière.

Tu continues de rouler avec ta vieille carcasse, tu restes le même, mais ce que tu ne dis pas et que les gens remarquent, c’est que tu es toujours reluisant, bien sapé, jovial. On dirait que "ça sent les feuilles" !

A vrai dire, j’aime toujours briller, même quand je n’ai pas un rond en poche. Je n’aime pas afficher un visage de misérable. Je n’aime pas avoir une mine renfrognée, même si je n’ai pas mangé le matin. Je veux avoir la gaieté en moi et la transmettre aux autres. Ceux qui me connaissent depuis le temps diraient que je vivais mieux avant. On a pourtant plus de moyens aujourd’hui qu’avant.

Avant, on n’avait même pas de moto, mais on était des gars plein de vie et de chaleur. Maintenant, on a plus que ça mais on est toujours inquiet. J’aime véhiculer la joie de vivre. Mes habits sont bien repassés. Ce que je porte, c’est du sur mesure . Ce n’est pas pour afficher un signe de richesse. Et je ne suis pas riche. Je veux cultiver cela autour de moi.

Es-tu marié ?

Non, je ne suis pas marié ; mais j’ai un enfant, une fille que j’aime bien. Elle se nomme Carine et est actuellement allée rendre visite à mes parents en Côte d’ivoire.

Papus a donc un coeur à prendre...

Non. J’ai une petite amie que j’aime beaucoup.

Les hommes du show-biz n’ont pas bonne réputation côté relations amoureuses. On dit qu’ils sont instables. Que réponds-tu à cela ?

(Rires) Je pense que c’est tout simplement parce que nous sommes sous l’effet des projecteurs. L’homme du show-biz n’a rien de différent du citoyen lambda burkinabè. Ce sont les mêmes vibrations, les mêmes sensations, les mêmes façons de regarder les femmes. Sauf que ce que nous faisons intéresse beaucoup les gens. Je pense que c’est ce qui se dit. On a les mêmes problèmes que les autres jeunes. Cette façon de faire n’est pas propre aux hommes du show-biz. C’est la vie qui est comme ça, mais il faut changer.

Après tant d’années dans le domaine, tu dois être aujourd’hui un expert de la musique burkinabè. Et si on te demandait de donner ta vision du public burkinabè ?

Quand je regarde ce qui se consomme ici au Burkina, j’ai envie de dire que le mélomane burkinabè n’est pas différent de celui de la Côte d’Ivoire, de celui du Mali ou du Ghana. J’ai tout simplement envie de dire que les mélomanes burkinabè prêtent l’oreille. On dit que la musique est universelle. Le mélomane burkinabè écoute du congolais, de l’ivoirien, du high life, de la musique européenne. C’est un public très varié qui écoute un peu de tout. Quand on regarde ce qui se danse en boîte avec tout ce qui est coupé- décalé, on a l’impression que le public burkinabè n’est que coupé-décalé.

Ce n’est pas vrai. Oui, c’est de la musique qui bouge, c’est de la musique d’ambiance, c’est de la musique du moment. Et à côté, on a toujours des gens qui savent faire attention à des musiques élaborées avec beaucoup plus de recherche. Je suis pour ceux qui pensent qu’il ne faut pas demander à tout le monde de se fondre dans un format de musique. Il faut laisser libre expression à chacun de faire sa musique. libre champ est laissé à chacun d’évoluer dans le domaine qu’il veut.

Selon certains artistes, tu n’apprécies pas ceux qui ont choisi d’évoluer dans le coupé-décalé.

(sursaut) Quoi ? Moi ? Non, ce n’est pas vrai. Il ne faut pas que les gens aient la mémoire courte. J’ai découvert "Les As DJ". Et quand on les lançait, le mouvement coupé-décalé connaissait un printemps ici au Burkina. J’ai dit qu’il y a une autre façon d’adopter la chose, c’est de prendre les artistes d’ici qui sentent cette musique-là et de leur donner une réplique. L’expérience des As DJ est toute proche et leur album a été vendu à des milliers d’exemplaires. Je n’ai aucun mépris pour un genre musical donné. J’aime toutes les musiques et j’ai toujours dit aux gens : "quel que soit ce qu’on fait, il faut le faire bien", que ce soit du zouk, du rock, du warba. Mais je n’apprécie pas le warba parce que c’est tout simplement le warba. J’aime le warba quand c’est bien fait. Il faut faire avec amour tout ce qu’on embrasse comme métier.

La délégation burkinabè qui a participé à la dernière édition de RTI Music Award est rentrée avec un projet pour notre musique "ouvrir le territoire ivoirien à la musique burkinabè". Selon toi qui étais également de ce voyage, ce projet est-il réalisable ?

C’est possible. Il faut tout simplement aller dans une logique d’analyse, ne serait-ce qu’en termes de démographie de nos compatriotes en Côte d’Ivoire. On a des millions de Burkinabè en Côte d’Ivoire. Je pense que cela peut nous amener à dire que les artistes burkinabè ont une place de marché à prendre au niveau du marché discographique ivoirien. Et en plus, la musique faite par certains de nos artistes peut retenir l’attention de beaucoup de mélomanes ivoiriens. Le récent voyage effectué par Bil Aka Kora, Smockey et le commissariat des Kundé nous l’a aisément prouvé.

Quand Smockey et Bil sont arrivés, ils étaient en territoire conquis. Il faut noter qu’il y aura un travail de promotion à faire. Il faut qu’on ait de plus en plus le courage de prendre le risque d’aller au-delà du Burkina, analyser le marché, le maîtriser, entamer des actions de promotion, de distribution et de diffusion de nos oeuvres.

Cela ne viendra pas de façon subite, mais nous verrons que notre musique se positionnera. Black So Man est un exemple. Il en est de même pour Nick Domby. Il y a eu un relâchement après. La crise politique a beaucoup affecté les relations entre nos deux pays. Mais il est temps aujourd’hui que les gens reprennent ce travail de promotion. Mon message va à l’endroit des promoteurs et des managers des artistes. La Côte d’Ivoire est un marché à prendre, c’est un marché ouvert. Il y a des possibilités d’y faire quelque chose.

Que réponds-tu à ceux qui pensent que le show-biz est une mafia ?

Je suis contre cette façon de voir. Je pense que c’est comme dans tout combat d’intérêt. Il y a des intrigues, des croc-en jambe. Il y a à la limite l’immoralité qui peut caractériser un certain nombre de comportements. Mais je ne veux pas qu’on laisse penser au grand public que nous sommes dans un milieu où pour prospérer, évoluer et émerger, il faut être malhonnête. Je pense que quand on prend des engagements, il faut les respecter. Quand on a des collaborateurs, il faut les respecter.

Et comme dans tous les domaines, on peut faillir, il peut y avoir des erreurs, mais on se ressaisit toujours. Mais il ne faut pas qu’on prenne la chose comme si la donne première était de gruger, de calomnier et de raconter tout ce qu’on veut sur autrui. Je ne suis pas pour cela. Et je pense que si notre milieu était véritablement comme ça, la machine allait se gripper. Ce qu’on retient de nos années d’expérience, c’est que ce n’est pas un domaine facile. C’est un métier passionnant qui mérite aussi beaucoup d’humilité, de loyauté.

Parlons des difficultés rencontrées dans votre quotidien.

On est dans un pays où il y a de l’émergence, un pays où la musique prend actuellement des galons. Nous n’avons pas encore atteint la vitesse de croisière au point que le regard que le politique a de la musique n’a pas encore donné la vraie dimension à notre activité. Mais je pense que ce sont des choses qui viennent progressivement. De par le passé, un artiste avait du mal à vendre un certain nombre de cassettes. Aujourd’hui, le show-biz burkinabè est en train de grandir. Je pense qu’il faut qu’on commence à regarder la musique avec beaucoup plus d’intérêt de sorte que les gens comprennent que c’est une activité qui peut contribuer au développement de notre pays. Il y a également un problème de sponsoring. On n’arrive pas à avoir les sponsors.

J’ai aussi un conseil à donner à ceux qui veulent faire de la musique. Ce n’est pas parce qu’on présente sa tronche deux ou trois fois à la télé qu’on devient une star. Il faut qu’on voit ce domaine comme un lieu où on peut faire carrière, un métier qui peut faire vivre, nourrir sa famille, contribuer au développement de ce pays. Je pense que beaucoup d’artistes de ce pays ont du talent. Il leur manque tout simplement le sens de l’organisation. Et il faut qu’on arrête de dire que c’est un milieu pourri. C’est un milieu qui est en train d’entamer ses premiers pas et tout le monde sait que c’est difficile. Mon souhait aujourd’hui, c’est avoir beaucoup plus de moyens, de révéler beaucoup d’artistes, de les faire tourner au-delà du Burkina, à vivre décemment de la musique.

Quels sont tes projets ?

Chaque jour que Dieu fait, je rêve de rencontrer le chemin d’un artiste qui a un minimum pour faire le chemin avec lui pour déboucher sur une carrière. Personnellement, "Merveilles production" qui est ma structure, c’est de pouvoir tous les ans, travailler avec un nombre réduit d’artistes vu le temps et les moyens. Il faut rêver, avoir des ambitions et en même temps être réaliste pour rédimentionner et positionner ses ambitions. Présentement, je suis en train de coacher un jeune dont je tairai le nom pour le moment. Il fait une musique que j’apprécie beaucoup et je crois que s’il a la patience et s’il travaille avec moi, on peut offrir au Burkina une voix, un artiste aux talents immenses. Quand il me lira, il comprendra. La patience est un chemin d’or comme on le dit.

Propos recueillis par Alain DABILOUGOU

Le Pays

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