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Vie chère : Le Burkinabè gère-t-il bien son salaire ?

Publié le samedi 23 septembre 2006 à 08h59min

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Les ajustements économiques, ce n’est pas seulement pour les entreprises et les Etats. Quand le coût de la vie l’exige, les ménages devraient aussi réorganiser leurs dépenses. Sinon, gare à la faillite qui, pour les ménages veut dire endettement chronique dans un mal vivre au quotidien. Analyse.

On dit qu’un Etat est en cessation de paiement quand il n’a plus les ressources financières nécessaires pour faire face à ses dépenses. Quand il en arrive à cette situation d’insolvabilité, il est obligé de recourir à des emprunts surtout auprès des institutions financières internationales. C’est le cas pour la quasi-totalité des pays en voie de développement qui s’adressent prioritairement au Fonds monétaire international et à la Banque mondiale. C’est connu, ces institutions ne prêtent pas de l’argent sans conditions.

Les programmes d’ajustement structurel qu’elles imposent au pays demandeurs sont particulièrement contraignants. On leur reproche de se soucier très peu du social au profit du rendement économique. Pour y arriver, elles - les institutions de Bretton Wood - exigent des coupes qualifiées de sombres dans les budgets des Etats partenaires : réduction de la masse salariale, des dépenses de fonctionnement du service public, des investissements non productifs ou dépenses de prestiges. C’est un minimum de conditions pour espérer que les cordons de la bourse soient déliés.

Ces ajustements perpétuels et contraignants sont aussi valables pour les sociétés ou entreprises publiques ou privées qui veulent être compétitifs. A un moindre niveau, les consommateurs dont les ménages sont confrontés aux dures réalités des recettes - salaires et autres gratifications - qui sont insuffisants par rapport à leurs besoins, d’où le besoin d’un continuel ajustement.

De la rigueur dans la gestion des budgets des ménages

En principe les salaires servis par l’Etat et le patronat son indexés sur le coût de la vie. C’est pourquoi le SMIG, salaire minimum inter croissance garanti est différent d’un pays à un autre. Mais il arrive bien souvent que l’inflation renchérisse le coût de la vie sans qu’il n’y ait une indexation automatique des salaires au nouveau coût de la vie. C’est donc un défi permanent pour les ménages d’ajuster leur budget. Combien le font au Burkina ? Très très peu. Au contraire dans beaucoup de familles la mauvaise gestion des ressources est la règle générale. Les célèbres 3 B de Bado Laurent (Bière, Brochette, B...) engloutissent tout le salaire au détriment du minimum vital pour le ménage (se nourrir, se vêtir, se loger). On est toujours étonné de voir les buvettes, les bars et autres gargotes qui ne désemplissent pas et où l’alcool coule à flots pendant que les salariés se plaignent de la baisse de leur pouvoir d’achat. On en déduit dès lors que la pauvreté pour beaucoup de ménages burkinabè est due ou aggravée par la mauvaise gestion de leurs ressources. Le musicien Seydou Nignan a su bien caricaturer le mal vivre burkinabè avec son désormais célèbre clip, "Seydou va payer". Avant ce clip, on connaissait bien la fameuse phrase "prend une bière, c’est moi qui paye".

Cette absence totale de rigueur dans la gestion des salaires par bien de Burkinabè s’est aggravée depuis les années 2000 avec l’apparition sur le marché national de nouveaux biens et services qui sans être vitaux pour le quotidien des ménages n’engloutissent pas moins une bonne part des budgets familiaux.

On citera deux exemples : la téléphonie mobile et les antennes paraboliques. Hier le téléphone et la télévision étaient un luxe pour les Burkinabè. Aujourd’hui c’est un jeu où beaucoup de Burkinabè jouent à qui aura le portable cellulaire le plus mignon, les numéros d’appels les plus multiples, l’antenne parabolique avec une réception du bouquet de télévision le plus large...

Dans les ménages, papa, maman, les enfants plus ou moins grands chacun a ou veut son cellulaire, sa voiture, sa moto... Les offres de biens et services se sont multipliées, pas les sources de revenus qui le plus souvent restent le salaire ou la pension retraite de papa. Difficile alors de joindre les deux bouts. On s’attendait alors à ce que dans la hiérarchie des dépenses, le minimum vital soit mis en avant. Ce n’est pas toujours le cas. En outre, point d’épargne. Alors quand viennent les situations d’urgences imprévues (maladie, décès) c’est la croix et la bannière pour y faire face.

La solidarité africaine aussi...

Outres ces nouvelles offres de biens et services, le déséquilibre financier des ménages burkinabè est causé par les sollicitations diverses des parents non-salariés restés au village ou résidant en ville. Tel oncle compte sur vous pour acquérir un vélo, des bœufs de labour, la scolarisation de ses enfants, telle nièce vous sollicite pour ouvrir son salon de coiffure, son atelier de couture, son commerce d’habillement ou de cosmétique, etc. Comme le grenier familial commun au village, une kyrielle de relations parentales fait du salaire du travailleur, une banque familiale commune que l’on voudrait toujours solvable. Impossible !

Au contraire, c’est l’insolvabilité qui est courante dans ce cas de figure. Les choses s’aggravent quand sans crier gare, on débarque du village pour imposer au ménage de nouvelles charges.

Au nom de la solidarité africaine devenue un moyen de pression, voire de chantage, des salariés sont saignés financièrement. Des salaires sont entièrement dépensés avant d’être touchés. Cela peut durer toute une vie et l’on voit des salariés plus pauvres que des paysans.

On le voit bien, beaucoup de salariés burkinabè sont responsables de leurs difficultés à joindre les deux bouts : manque de rigueur dans la gestion du salaire, acquisitions de biens de prestiges, générosité excessive au nom de la solidarité africaine, etc.

Si l’Etat et le patronat sont interpellés sur les conditions de vie des ménages, ceux-ci devraient s’interroger sur leur manière de vivre pour opérer les ajustements perpétuels nécessaires. Sinon, ils courent le risque de vivre au-dessus de leurs moyens. Sans une vie ordonnée, aucune augmentation de salaire même de 100 % n’empêchera un déséquilibre financier chronique des ménages. A bon entendeur salut !

Djibril TOURE

L’Hebdo

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Vos commentaires

  • Le 23 septembre 2006 à 14:08 En réponse à : > Vie chère : Le Burkinabè gère-t-il bien son salaire ?

    Il y a des gens qui sont forts quand il s’agit de poser les problemes, mais pour les solutions... M Toure, quel est le salaire moyen des burkinabe ? Vous pensez que les gens font expres de depenser tout leur salaire ? Prenons le cas des zones urbaines (simonville ou ouagadougou) par exemple.. Il y des depenses incompressibles qu’il faut faire. Je lisais tout dernierement avec tristesse le cas de quelqu’un qui a du abandonner un travail remunere a 30 000 FCFA par mois, tout simplement parce qu’il habite un quartier tres eloigne de son lieu de travail et il lui fallait mettre quotidiennement 1 litre d’essence. Meme si on prend le litre a 650F et en enlevant les dimanche, ca fait 1l x 600 x 27= 17550F. soit a peu pres 58% de son salaire rien que pour l’essence. si il utilise 500F par jour pour se nourrir ca fait 15000 ; 15000 + 17550=32550 FCFA. On ne compte meme pas si il tombe malade ou si il a un imprevu.
    M Toure je crois qu’il faut faire une lecture plus mesuree du cas de nos salaires. Le probleme au Burkina n’est pas les 3B, les cellulaires et autre antennes paraboliques. C’est une minorite qui les utilise. Moins de 10% de la population utilise les telephones (eh oui nous sommes a peu pres 12 millions et il y moins de 1 million d’abonnes au telephone, tous reseaux confondus). Il s’agit de determiner la part de nos depenses incompressibles (loyer, eau, electricite, essence, scolarite, sante, sociales) et ce qui reste du salaire apres tout ca. Pour un menage tres modeste, il faut compter avec un loyer de 15000 FCFA (celibaterium), electricite 10 000 CFA (en faisant tres attention et en tirant les oreilles des enfants qui laissent les lumieres allumees), eau 3000 FCFA, essence (pour une moto) a peu pres 15000 CFA etc.. Je laisse de cote le social et la sante par ex... le tout fait 15000+10000+3000+15000=43 000 CFA. Vous remarquerez que je n’ai meme pas mentionne la popote. si on l’ajoute on atteint allegrement les 70 000CFA. Si ce menage a des enfants scolarises, une famille CFAphile (qui aime les CFA) etc il vivra perpetuellement a decouvert. Ce minimum de 70000 devrait etre au moins le SMIG pour permettre aux burkinabe de vivre avec dignite et decemment, sans recourir a toute sortes de prets, decouvert etc.
    Ce qui peuvent parler de reajustement des depenses du menage, c’est ceux qui vivent dans les pays developpes, qui touchent 25000 a 30000 euros ou dollars par an, qui vont en vacances dans d’autres pays avec toutes leur famille, qui possedent 2 voitures etc. C’est pas dans notre contexte de pauvrete ou tout est urgent qu’on peut definir des priorites. Ce qui me fait mal c’est quand on nous dit que le gouvernement ne peut pas tout faire. Je suis d’accord la dessus. Mais ce meme gouvernement ne se gene pas pour faire augmenter les prix. Est ce que lui (le gouvernement) il se pose la question de savoir si la poche des burkinabe peut tout faire ?

    • Le 25 septembre 2006 à 19:35, par Pacco En réponse à : > Vie chère : Le Burkinabè gère-t-il bien son salaire ?

      Je suis tout à fait d’accord avec vos propos. Pas besoin de faire un dessin, tout le monde peut comprendre la demo sauf peut être l’auteur de l’article qui veut nous divertir en cherchant des pous sur un crane totalement rasé. Considérer aujourd’hui la communication et l’information comme un luxe, c’est se mettre aux antipodes du développement. Le développement des TIC fait même parti des Objectifs de Développement du Millénaire que l’on doit d’ailleurs remettre aux calendes grecques. Tellement ça va pas ! Ce "ça va pas" là, c’est chez tout le monde que c’est comme ça même chez ces gens là qui nous narguent avec leur gros moyens. Quand Ladji Kanazoé par exple n’arrive pas à payer ses travailleurs, que croyez vous ? Pourtant vous risquez le croiser dans une grosse voiture dans ses courses.

      Laisssons Ladji qui gère toujours des milliards de CFA et revenons à nous simples et honorables citoyens. On tire le diable par la queue au point que celle-ci menace de se casser. "Viima ya Kanga", c’est une équation à multiples variables. Personnellement, salarié de la Fonction Publique, lorsque la fin du mois arrive, je n’ai pas le courage de me présenter de sitôt en banque. A force d’accumuler des découverts, mon salaire ne fait que se réduire de mois en mois alors que mes dépenses ne font que croître. Ces dépenses en général, vous ne les avez pas prévues dans votre budget. Et comme vous n’avez pas d’épargne vous êtes obligés d’utiliser l’argent qui était destiné à autre chose pour effectuer cette dépense qui ne peut pas attendre (si votre moto tombe en panne par exemple ou si vous même tombez en panne (!)). Et voilà un nouveau trou que vous devez comblez. Mais avec quoi ?
      Chaque jour les prix ne font que grimper, manger est compliqué, se déplacer est problématique, se loger... Se loger, hum ! La pire des angoisses. Si seulement, on pouvait nous garantir certaines dépenses comme le loyer et la santé, on dirait déjà ouf.

  • Le 23 septembre 2006 à 17:31, par Shitoura En réponse à : > Vie chère : Le Burkinabè gère-t-il bien son salaire ?

    Bonjour
    je ne suis pas coutumier de la polémique mais en parcourant votre article je me fais le devoir de partager avec vous mon point de vue. Je n’irai pas dans les détails de votre écrit. D’abord je trouve votre titre provocateur. sinon il fallait l’intituler "Le Ougalais gère-t-il bien son salaire ?". Même là ça ne passe pas. Avez vous fait le rapport entre ceux qui sont dans ces gargottes et la grande masse de nos compatriotes ? Cette présence dans les gargottes n’est-elle pas une conséquence justement de l’extreme pauvrété de ces gens qui croient ainsi noyer leur misère ?
    Bref, je voudrais dire que la pauvrété des burkinabés ne se racontent pas. Elle est visible et criarde surtout ces derniers temps. Prenez les fonctionnaires. Combien sont-ils, je parle de ceux qui n’ont pas encore cédé à la tentation (combien sont-ils et pour combien de temps encore ?), à se contenter de vivre au jour le jour ? Encore que là je parle de ceux des catégories supérieures.
    Dans cette histoire de paupérisation générale, quelle que soit notre position socio-économique et/ou politique, nous la voyons et nous rendons plus de service à notre peuple en la dénonçant ou tout au moins en ne stigmatisant pas ceux qui en parlent.
    Tenez, je suis un cadre A et 10 ans de service et je n’approche même pas 200000 FCFA de salaire mensuel. Je vous invité à prendre votre calculette et évaluer avec moi les besoins primaires (loyer, subsistance, soins, scolarité, essence, eau, nombreux visiteurs interessés, etc.) d’un ménage moyen de fonctionnaire burkinabé
    Cordialement

  • Le 23 septembre 2006 à 19:35, par rais En réponse à : > Vie chère : Le Burkinabè gère-t-il bien son salaire ?

    Merci pour ton cours de gestion. Toi au moins devrait nous dire combien tu gagnes et comment tu depenses ton salaire. La ce serait tres pratique sinon survoler ainsi la gestion dans les menages n’a pas d’effet.Dis-nous quelles sont tes differentes lignes budgetaires, ce qui doit etre fait ou ne devrait pas l’etre. Je vois bien que tu aurais voulu par exemple que l’on reste dans les memes situations d’antan en faisant des TICs par exemple un luxe. Si tu veux que l’on reste au stade 0 eternellement l’on n’a pas besoin par exemple aussi de democratie a la place des regimes d’exception d’antan.un peu de respect pour nous.

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