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Eco-citoyenneté, ‘’sport gouvernemental", ... : l’Etat d’exception au service de l’Etat de droit

Publié le mercredi 20 septembre 2006 à 08h24min

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Blaise Compaoré

Les griefs formulés à l’encontre de l’Etat d’exception, révolutionnaire notamment, pourraient se résumer à l’absence de libertés individuelles et collectives au sens libéral du terme et aux velléités totalitaires qui drapent ce genre de système.

Les reproches adressés à l’Etat de droit démocratique et libéral, dont le fondement est l’égalité en droit des citoyens et la liberté individuelle, relèvent le caractère formel de cette égalité et de cette liberté et le règne des puissants à travers la propriété privée des moyens de production. Du coup à priori, ce sont deux systèmes qui s’excluent l’un l’autre de par leurs idéaux et de par les méthodes de réalisation de leurs programmes.

Ainsi, voilà une quinzaine d’années qu’il a été mis fin au Burkina Faso à la Révolution démocratique et populaire, la forme burkinabè de l’Etat d’exception révolutionnaire d’abord sous la direction du Conseil national de la révolution (CNR) et ensuite sous la conduite du Front populaire. Quinze (15) ans parce que même si les rigueurs de cet Etat d’exception ont connu leur terme avec l’effondrement du CNR le 15 octobre 1987, nous avons vécu sous le régime d’exception jusqu’au 2 juin 1991, date d’adoption de la constitution de la IVe République.

Avec l’Etat de droit, nombre de nos concitoyens n’ont retenu de la RDP que le peu d’égards du système vis-à-vis des droits humains ; surtout que les survivances des atteintes aux droits humains sous la RDP ont fait des victimes dont les plus célèbres sont Oumarou Clément Ouédraogo et Norbert Zongo. Entre ces tristes réalités et la conclusion selon laquelle tout a été mauvais sous le CNR et le Front populaire, il n’y a qu’un pas que ces concitoyens ont vite franchi. Inconciliables donc seraient Etat d’exception révolutionnaire et Etat de droit libéral et démocratique.

Or, à bien observer, des faits et gestes du gouvernement transparaissent aujourd’hui des signes qui font penser que ces deux systèmes ne sont pas aussi inconciliables que l’on peut le croire. Deux ministères symbolisent cela à la perfection qui sont les départements de l’Environnement et du Cadre de vie d’une part et d’autre part celui des Sports et des Loisirs.

Dans le premier ministère, le concept d’écocitoyenneté, qui se traduit par la volonté de faire accepter, par la sensibilisation, un nouveau type de rapport du Burkinabé avec la nature et l’environnement, n’est pas sans rappeler les ‘’Trois luttes’’ (contre les feux de brousse, contre la divagation des animaux et contre la coupe abusive du bois), les opérations mana mana, les plantations d’arbres à grande échelle sous le CNR. Ils ne sont pas non plus sans rappeler, au regard des spots télévisuels et radiophoniques sur la nécessité de garder notre environnement propre, le travail appréciable de l’ONASENE sous la RDP.

Cette démarche doucereuse (comparée à celle qui avait cours sous le CNR) du ministère de l’Environnement et du Cadre de vie, qui intègre fort opportunément les exigences de l’Etat de droit démocratique et libéral et la nécessité du changement des mentalités et des comportements advient à un moment où l’environnement est encore plus agressé et plus dégradé que dans les années 1980. Aussi faut-il applaudir l’initiative et suggérer, si ce n’est déjà envisagé, qu’une évaluation quantitative et qualitative de l’impact soit menée afin de procéder à des corrections éventuelles.

Dans le second, l’idée de la pratique du sport, une fois par semaine pour le début, par les ministres, a certainement été suggérée par les premiers responsables de ce département et acceptée par l’équipe gouvernementale. C’est pourquoi l’ensemble de l’équipe Yonli s’est déjà ‘’tapée’’ une après-midi sportive le jeudi de la semaine dernière. Selon les spécialistes de la question, une seule séance sportive par semaine ne suffit pas à maintenir l’organisme humain dans une forme idéale, mais comme l’a dit en substance le Premier ministre, ce n’est qu’un début et il est possible que plus tard soit instituée une deuxième séance. Cette initiative ressemble fort au sport de masse, dont elle s’inspire à coup sûr.

A la seule différence que le sport de masse était une pratique par kiti (décret) s’imposant à tous les salariés tandis qu’aujourd’hui, c’est d’une pratique par l’exemple à des fins incitatives qu’il s’agit.

Dans cette optique, au premier chef, la haute hiérarchie militaire pourrait être vivement encouragée à pratiquer le sport ou à en faire davantage et à surveiller son régime alimentaire, car ils sont nombreux ces officiers qui poussent des rondeurs où il ne faut pas. Suivez notre regard. Nous ne sommes pas à l’aise quand, à la télévision, nous voyons un officier européen avec la silhouette raide, la poignée de main pleine de vigueur et l’abdomen plat alors que son frère d’armes burkinabè qui pose à côté de lui est joufflu, bedonnant avec une démarche en quinconce. Les secrétaires généraux, les conseillers techniques, les directeurs généraux et les directeurs de service, dans la mesure où ils sont nommés par décret, pourraient également être encouragés dans ce sens. Si ce beau monde renoue avec le sport, c’est l’effet d’entraînement qui s’en trouvera renforcé.

Ce n’est pas le fait du hasard si ce sont Laurent Sédogo et Mory Ardjouma Jean-Pierre Palm qui sont à la base du processus de réconciliation entre les deux types d’Etat : tous deux sont des militaires ; tous deux sont officiers de l’armée burkinabè ; et tous deux ont joué des rôles de premier plan sous la RDP.

Le premier cité a dirigé avec rigueur le Service national populaire (SNP) et a travaillé pour des ONG et projets s’occupant, entre autres, de l’environnement ; sur un tout autre plan, on le voit , dans les cérémonies officielles, plus en Faso dan fani ou en simple tenue burkinabè qu’en costume deux ou trois pièces.

Quant au second, il a commandé avec la fougue qu’on lui connaît la gendarmerie nationale sous le CNR dès le lendemain du triomphe de la RDP ; jouant ainsi un rôle non négligeable dans l’enracinement du nouveau régime au sein d’un corps qui était réputé être le bastion imprenable du Comité militaire de redressement pour le progrès national (CMRPN) et de l’aile droite du Conseil de salut du peuple (CSP).

A l’époque, les révolutionnaires avaient apprécié positivement le travail accompli. Le grappin du directeur général de la Sûreté avait été plus tard (sous le Front populaire) mis sur lui pour consolider davantage le régime afin d’aller plus sereinement vers l’ouverture démocratique.

A ce qu’on dit, tous deux n’hésitaient pas à critiquer avec courtoisie et franchise, quand il le fallait, les dérives du CNR à une époque où le béni-oui-oui était bien souvent de règle. C’est dire s’ils ont et de l’expérience et de la carrure et enfin les arguments qui seyent pour convaincre leurs collègues de l’exécutif. Par ailleurs, n’oublions pas qu’ils accomplissent leurs missions sous la direction d’un ‘’ancien CDR’’, Paramanga Ernest Yonli, et du ‘’deuxième CDR’’ de l’époque, Blaise Compaoré.

Passées les vagues provoquées par les problèmes liés à la commercialisation du charbon qui lui ont, du reste, servi de leçons, l’écologiste de service au sein du gouvernement, Laurent Sédégo, semble maîtriser assez bien son affaire, alliant l’action dans la discrétion à la détermination dans la simplicité.

S’agissant de J.-P. Palm, malgré les couacs consécutifs à la mise en place de l’Union nationale de soutien des Etalons (UNSE), il prouve, encore une fois, par le renouement du gouvernement avec le sport, qu’il déborde d’initiatives.

Celle-là est plus que la bienvenue, car si ce n’est pas, à ce que nous sachions, la non-pratique du sport qui a rendu certains de nos ministres malades, il reste que les séances sportives de nos premiers gouvernants leur procureront une bien meilleure forme physique.

Certes, le parcours de chacune de ces deux personnalités n’est pas exempt de lacunes et nous en avons déjà parlé à l’occasion des remous nés de la nouvelle réglementation sur le charbon de bois et des levées de boucliers consécutives à la mise en place de l’UNSE ; mais l’on doit se rendre à l’évidence qu’elles posent des actes positifs forts dans le cadre de la mission qui leur est confiée par le Président Blaise Compaoré. Comme quoi, la nécessité de changer les mentalités et les comportements en vue d’un mieux-être collectif et individuel n’est pas incompatible avec l’environnement juridique de l’Etat de droit.

C’est hélas cette approche empreinte de tact, que les services compétents chargés de l’application du décret relatif au port obligatoire du casque n’ont pas prise en considération le 1er septembre dernier. Ce que l’on peut transformer grâce au volontarisme et à la violence révolutionnaires est tout aussi transformable en situation de démocratie libérale. Il faut seulement mettre la méthode et la forme qui conviennent au contexte sociopolitique actuel.

Zoodnoma Kafando

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 24 septembre 2006 à 09:45 En réponse à : > Eco-citoyenneté, ‘’sport gouvernemental", ... : l’Etat d’exception au service de l’Etat de droit

    C’est avec un reel plaisir que j’ai lu votre article et je puis vous faire remarquer que vos suggestions sont a prendre au serieux et meritent d’etre applaudis par nos responsables qui peuvent les exploiter et etudier leur faisabilite. Je sais par exemple que l’Amicale des Femmes des Affaires etrangeres organise par semaine deux seances de sport au profit de ses membres . De mon point de vue, c’est un signal fort, une expression de la volonte populaire et une invite a l’adresse de nos autorites que le sport est plus que necessaire pour les populations. Je suis actuellement dans un pays ou dans tous les ministeres et institutions, les lycees, universites et instituts il ya au minimum un terrain (plateau omnisport) et une salle de gym. C’est une formidable idee et je trouve que nos autorites peuvent s’en inspirer. La pratique du sport a plusieurs avantages et pourrait, a terme, relever l’esperance de vie de la population.

    Excusez mois pour les coquilles, j’utilise un clavier anglais. Merci

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