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NST Cophie’s, musicien ivoirien : « Il faut permettre à la création d’exister en Afrique »

Publié le samedi 9 septembre 2006 à 07h24min

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NST Cophie’s

De passage à Ouagadougou, pour la promotion de l’album de son jeune compatriote « Eric 1er », NTS Cophie’s, le créateur du « Zogoda Zoué » et du « Zogoda z » a accepté nous recevoir dans les locaux de Seydoni Productions où il était venu rencontrer les responsables de cette structure de promotion de la musique burkinabè.

Dans cet entretien, l’artiste musicien ivoirien, qui vit depuis 32 ans en France, nous parle entre autres des concepts musicaux dont il est l’auteur, de la création en Afrique, de la crise ivoirienne et un peu de sa vie privée...

Sidwaya (S.) : Quel est l’objet du séjour de NST Cophie’S à Ouagadougou ?

NST Cophie’s (N. C.) : J’aime beaucoup le Burkina Faso où je viens trois à quatre fois dans l’année pour voir des parents et amis avec qui j’étais à Paris et rencontrer aussi des gens sur place ici.

Mais cette fois-ci je suis venu à Ouagadougou pour la promotion de l’album d’Eric 1er, que j’ai produit. J’ai une boite de production qui s’appelle NST Cophie’s top on the pop pour l’Afrique et Eric 1er a travaillé avec plusieurs artistes de renom : Cheick Mamy, Doc Genyco, Monique Seka, Bozi Boziana et moi-même arrangeur producteur.

Je viens de Libreville où j’ai donné un concert au stade à l’occasion du 46e anniversaire de leur indépendance. J’étais aussi à Douala, Cotonou pour la promotion de l’album de Eric 1er, car c’est une sortie mondiale et je ne pouvais pas occulter le Burkina Faso, mon pays chéri, où les gens aiment beaucoup la musique.

Après j’irai en Côte d’Ivoire, où se trouve le marché principal de l’artiste et ensuite remonter à Paris.

Nous sommes non seulement en promotion mondiale et on nous trouve sur Google, mais aussi, nous faisons une promotion de proximité pour informer la sous-région de la sortie de l’album d’Eric 1er et détecter aussi de nouveaux talents qui seront demain des Eric 1er.

S. : Mais quand verra-t-on NST Cophie’s en concert à Ouagadougou ?

N. C. : Cela ne saurait tarder, car j’ai mon « best of » qui sort fin octobre prochain. A l’issue du « best of », je pourrai recommencer les concerts. Et j’ai un nouvel album que je prépare depuis quatre (4) ans qui sort en février 2007. A cette occasion, j’espère pouvoir donner un spectacle à Ouagadougou.

S. : Ces dernières années on ne vous voit plus beaucoup sur la scène musicale. Vous avez même mis quatre ans pour sortir un album. Quelle explication donnez - vous ?

N. C. : C’est normal. D’abord, le marché de la musique est complètement déréglé eu égard aux problèmes de la sous - région.

Et au fur et à mesure que l’on grandit dans ce métier, surtout quand on devient producteur, on a le sens de la rentabilité. C’est vrai que nous vendons de la culture. Nous avons une approche culturelle. Nous essayons d’éduquer, mais en dessous, il y a beaucoup d’argent qui est investi. A partir de là, nous avons des mesures sur lesquelles nous comptons, par rapport à la qualité du travail que nous faisons. Par exemple Eric 1er est signé sur vagram qui est une grosse boîte française qui travaille avec Corneille et bien d’autres grands artistes.

Cela nous donne une latitude pour venir en Afrique faire de la promotion. Mais à 99%, ce que nous allons venir faire sur l’album ici (en Afrique), ne nous rapportera presque pas d’argent. Parce qu’il y a 80% de pirates et presque 20% de ventes concrètes. Cela est dû certainement au manque de vigilance des autorités. On a l’impression que toutes les autorités de la sous-région se sont donné un mot d’ordre pour détruire tout le système artistique à la base. Dans la mesure où la production ne rapporte presque plus rien, l’art va mourir.

Avec l’avènement du « couper - décaler », nous assistons à 90% de piraterie, sur un mouvement qui est censé rapporter de l’argent.

Il faut que les autorités soient plus vigilantes, pour permettre à la création d’exister. C’est pour cela que nous prenons beaucoup de temps pour travailler, parce que la musique, à un certain dégré, revient très cher. Nous avons trop de respect pour le public pour émettre n’importe quoi.

S. : Vous parliez tantôt des problèmes de la sous-région. Dans cette dynamique, quelle lecture faites-vous de la crise ivoirienne qui perdure ?

N. C. : Je pense que la crise en Côte d’Ivoire, est une crise de la renaissance. La Côte d’Ivoire n’est peut-être pas un exemple type. Dans l’histoire de beaucoup de pays, ces choses sont arrivées. On savait qu’un jour ou l’autre une crise de ce genre allait arriver. Je pense que les Ivoiriens, comme beaucoup de gens de la sous-région vont apprendre à renaître de la colonisation et se respecter entre eux et surtout donner le pouvoir au peuple. C’est très important.

Aujourd’hui, on souhaiterait que des décisions profitables à tous, soient prises. Je suis peiné par rapport à tout ce qui arrive à mon pays. La Côte d’Ivoire n’est pas mon seul pays car la sous-région est connectée à la Côte d’Ivoire. Et nous souhaitons de tout cœur que tout cela s’arrête, que nous puissions aller aux élections, que les choses se normalisent, que nous puissions vivre comme avant, sinon mieux qu’avant.

S. : Pour revenir à votre histoire personnelle, comment êtes-vous venu à la musique ?

N. C. : Je suis musicien de naissance. Ma grand-mère et mon père étaient musiciens. La plupart de mes frères le sont aussi. Alpha Blondy, c’est mon demi-frère. Chez nous, tout le monde est musicien. La musique, c’est dans le sang.

Mais faire de la musique, demande de gros sacrifices. Elle est une science qui n’est pas reconnue en Afrique, comme d’ailleurs tous les autres arts. Mais je considère que la musique est une force et une forme d’éducation et nous avons quelque chose pour permettre aux jeunes de pouvoir écouter des sons, venant de chez eux, et qui restent dans leurs esprits. C’est par exemple le « Zogoda Zoué », « le Zogoda Z » que nous avons créé à l’époque.

S. : Pouvez-vous mieux nous expliquer ces concepts, le « Zogoda Zoué », ou le « Zogoda Z » dont vous êtes l’auteur, et qui allient danse et habillement aux couleurs rouge et noire ?

N. C. : J’ai une maîtrise en cinématographie et une licence en communication. Et lorsque je finissais mes études, en 1981-1982, je me suis spécialisé dans les courts métrages. Et je me suis laissé convaincre que l’image et le son sont très importants. On ne peut pas dissocier les deux. En tant qu’artiste, je conçois que la silhouette, le physique se projette devant un public donné. Le concept part de ce que je veux être moi-même devant ceux qui me regardent. C’est dans ce sens qu’avec le « Zogoda », nous avons choisi des couleurs, qui sont le rouge et le noir. Le « Zogoda » est comparable au miel. Parce que quand vous voyez les variantes de couleurs dans le miel, il y a le noir et le rouge. Dans cette perspective, je voulais la solidité, l’onctuosité du miel et la capacité de quelqu’un à développer l’émotion dans cette musique. Donc, ce concept musical est un concept de communication pure en Afrique, mais aussi qui veut se définir dans une inter-communication pour atteindre d’autres personnes.

Pour moi, les concepts sont la valeur même de quelqu’un qui crée des images, par rapport à sa musique, à ses mouvements, à sa façon d’être.

S. : Combien d’album avez-vous à votre actif ?

N. C. : J’en ai huit ou neuf, y compris le best of. Mais en tant que producteur, arrangeur, je totalise 16 albums. Parce que je suis producteur de musique depuis 1982 et maintenant j’ai un label.

S. : Quelle appréciation faites-vous du phénomène « Couper-décaler » qui a envahi toute l’Afrique ?

N. C. : Je trouve que l’essentiel, c’est qu’il y ait quelque chose qui fasse marcher les « moteurs ». Le « Couper décaler » si ça plaît, c’est que quelque part, il y a quelque chose d’envoûtant dans cette musique. Quand vous arrivez dans une boite de nuit à Paris, (même dans les boites de Blancs) à Chicago ou à Los Angeles, vous y écoutez du « Couper-décaler » pendant 4 heures et que le DJ (Disc Jokey) est complètement « chaud »... Que voulez-vous que je dise ?

Je crois que les initiateurs ont révolutionné quelque-chose qui a unifié. Ils ont fait un effort, même si cela à l’air léger.

S. En tant que connaisseur de la musique, que dites-vous de ceux qui pensent que le phénomène « Couper-décaler » n’est qu’éphémère ?

N. C. : Ce genre musical a duré trois, quatre ans déjà ! La dernière variante de cette musique, c’était la « grippe aviaire ». Ce n’est pas mal et puis, il y a l’euphorie dedans. Les gens ont envie de se « suicider » dessus.

Pour moi le « Couper-décaler », c’est de la musique congolaise chantée en français. C’est tout. Les Congolais nous ont servi leur musique, chantée dans leur langue, durant des décennies et les créateurs et les précurseurs du « Couper-décaler » ont pris cette musique et chanter en français et tout le monde comprend. La différence entre le « Couper-décaler » et la musique zaïroise, c’est juste le langage.

S. : Votre nom d’artiste NST Cophie’S a-t-il une histoire particulière et pourquoi votre « Cophie’S » s’écrit - il ainsi ?

N. C. : Mon nom d’artiste n’a pas d’histoire. Il vient simplement de Ernest Koffi. Quand au nom Cophie’S, je crois que chacun a le droit d’écrire son nom comme il veut. On peut porter le même nom que d’autres, et décider de changer d’orthographe pour le sien.

S. : Connaissez-vous des artistes musiciens burkinabè et est-ce qu’il y en a qui vous ont marqué ?

N. C. : Il y en a plein. J’ai beaucoup travaillé avec Nick Domby, paix à son âme. Il a même habité un moment chez moi. C’était un très grand musicien. J’étais à son mariage, aux baptêmes de ses enfants, etc.

Avant lui, c’était Georges Ouédraogo. Nous avons travaillé ensemble à Paris. A l’époque, nous avons joué des concerts ensemble au 41, rue de Vagrame. Lui était dans les Bozambo, moi dans un groupe de jazz rock.

J’ai écouté et beaucoup aimé les groupes en vogue en ce moment : le « Pouvoir », la « Cour suprême » et surtout les « Premières dames » (rires). J’ai amené toutes leurs cassettes à Paris, mais je n’ai pas pu avoir d’images. J’ai été impressionné par la « Cour suprême ». Il font de la musique vivante et cela est important.

C’est de cette façon que les Ivoiriens faisaient au début.

Le Burkina est un pays où le « live » est important où quand on est musicien, on l’est vraiment.

S. : NST Cophie’S est-il marié ?

N. C. : Je suis divorcé. Et puis ce n’est pas une question, celle que vous posez. On ne tient pas au-dessous de la ceinture... parlant de busness (rires).

S. : Avez-vous des enfants et si oui combien sont-ils ?

N. C. : Oui, quand-même ! quant à leur nombre je ne vous répondrai pas.

S. : Avez-vous suffisamment le temps d’être à leurs côtés, au regard de votre vie d’artiste ?

N. C. : Si je ne peux pas être à leurs côtés, il faudra bien que je laisse la musique. Parce que la musique, ça va passer. Mais les enfants, on les a toute sa vie. Je suis aussi leur père toute la vie.

S. : Il paraît que NST Cophie’S est très riche... ?

N. C. : C’est complètement faux, je suis plutôt riche d’idées.

S. : Il semble que vous avez hérité... ?

N. C. : C’est vrai que mes parents avaient quand-même un peu. Mais je ne suis pas le seul héritier. Le meilleur héritage que mon père m’a donné, c’est l’éducation. C’est cette générosité. Cette façon d’être et d’aller vers les autres qu’il m’a inculquée.

Et puis, je vis depuis longtemps en France, et non à Dimbokro. La famille y a un lycée et toute une structure de vie, qui profitent à ceux qui vivent là-bas.

Sinon moi-même je me bats. Mon père m’a donné des armes pour me battre. C’est le fait d’être allé à l’école, de comprendre théoriquement et de pouvoir pratiquer quelque chose de façon assez claire et avancer.

S. : Les artistes musiciens dit-on, ont généralement du succès auprès de la gent féminine. Comment gérez-vous cette situation ?

N. C. : Je n’en sais rien parce que moi je suis tout seul (rires). Ce que vous dites, franchement, ne m’arrange pas... (rires).

S. : Avez-vous une adresse particulière pour clore cet entretien ?

N. C. : Je remercie Sidwaya, le peuple burkinabè pour sa gentillesse et son accueil. Je remercie aussi moi-même d’avoir fait l’effort de venir vers vous. (rires). J’ai beaucoup d’amis burkinabè ici et à Paris et je me suis d’ailleurs retrouvé à Ouagadougou avec ces derniers et nous nous sommes bien éclatés. J’ai passé dix (10) jours de rêve ici : j’ai visité la Guinguette à Bobo et mangé de la bonne viande à Ouagadougou dans un maquis qui s’appelle la « Consolatrice » (grands rires).

Le Burkina, c’est chez moi et depuis 1987, je viens ici. Je continuerai d’y venir. J’aime ce pays et ses habitants. Ils me le rendent bien et j’espère que cela va continuer.

Entretien réalisé par Gabriel SAMA (gabsam01@yahoo.fr)
Ladji BAMA (yacoubama_byl@hotmail.com),(Stagiaire)

Sidwaya

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