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Alain Roger Coéfé, Président de l’Association des ministres du Faso : “Derrière l’Association, il n’ y a rien d’autre que la volonté de continuer à servir la nation”

Publié le vendredi 8 septembre 2006 à 08h07min

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Alain Coéfé

L’Association des ministres du Faso (AMF) a vu le jour le 19 août dernier à Ouagadougou à l’issue d’une Assemblée générale constitutive ayant regroupé plus d’une centaine d’anciens ministres. Une "naissance" qui suscite de nombreuses interrogations sur son opportunité et même sa nécessité. Une association de plus ? Une structure de marketing pour anciens ministres voulant revenir aux affaires ?

Bref, les questions ne manquent pas. C’est pour répondre à toutes ces interrogations et bien d’autres que nous avons rencontré M. Alain Roger COEFE, président de l’AMF.

Vous avez été ministre...

A.R.C : Oui, j’ai occupé des fonctions ministérielles sous le Conseil national de la Révolution respectivement ministre du Commerce, des Transports et Communications et enfin du Plan.
Au moment où l’on m’a appelé pour occuper cette fonction, j’ai répondu présent, parce que je voulais servir mon pays.

Le 19 août dernier, l’AMF a vu le jour avec comme président M. COEFE que vous êtes. Alors pourquoi l’AMF ?

A.R.C : L’AMF, comme vous avez pu constater l’engouement des ministres qui étaient présents à l’Assemblée générale constitutive, répond à un besoin. Un besoin très profond qui est celui de continuer à participer à la gestion de la cité et des affaires de l’Etat, même lorsqu’on n’occupe plus les fonctions ministérielles ; puisque de par l’expérience acquise et tout le capital accumulé et le travail fourni, les ministres demeurent des personnes ressources qui peuvent continuer à conseiller, à exécuter certaines tâches à même de permettre au pays d’aller de l’avant.

Ce n’est pas pour redevenir ministre que nous avons crée l’association. Non ! C’est simplement pour transmettre aux jeunes générations ce que nous avons de meilleur pour que le pays continue à bien se construire.
Le second aspect, est relatif à l’impression que l’on a lorsqu’on a quitté ses fonctions, c’est comme si on avait commis un délit. Quand vous quittez ces fonctions, on ne vous connaît plus, parfois on vous méprise on vous maltraite...

Ce n’est pas normal ! quand on s’est occupé des affaires de l’Etat à ce niveau-là, il est tout de même normal que la nation reconnaisse que vous êtes parmi ses fils les plus valeureux, ceux qui ont apporté leur modeste contribution à la construction de la nation au plus haut niveau de l’exécutif. C’est aussi une des raisons pour laquelle les ministres souhaitent se retrouver pour développer entre eux un esprit de solidarité, échanger et s’il y a des questions qui intéressent la nation ou qui interpellent les uns et les autres, qu’ils puissent y réfléchir et donner un avis.

Cela fait près de 6 ans que vous vous concertez pour la naissance de cette association. Qu’est ce qui bloquait le processus ?

A.R.C : Quand une idée est émise, il faut la mûrir. Comme vous le savez, quand une chose est faite trop tôt, elle peut rater. Si elle est faite trop tard, c’est aussi le même résultat. Il faut trouver le bon moment pour le faire. Cela fait donc six ans que nous avons émis l’idée et puis, nous avons commencé à la diffuser auprès des uns et des autres pour qu’elle soit partagée par le plus grand nombre. Derrière l’association, il n’y a rien d’autre que de continuer à servir la nation.

Un de vos objectifs, c’est de mobiliser et de canaliser vos expériences et compétences au service du développement du Burkina. A quoi peut servir un ancien ministre ? Comment vos actions vont se traduire sur le terrain ?

A.R.C : Sur le terrain, c’est utiliser cette expertise. Comme je l’ai déjà dit, je ne connais pas de questions intéressant le développement de ce pays, sur le plan économique, politique, social... qui ne puissent être discutées et pour lesquelles nous ne puissions apporter un avis éclairé. C’est, encore une fois, le souci de servir, parce que être ministre, c’est servir la nation et non se servir. Et si on portait plus de considération à cette fonction de ministre, je pense que certaines dérives que nous connaissons seraient probablement évitées.

Pour une certaine opinion, vous avez créé cette association dans l’espoir que vos membres reviennent au gouvernement. En fait, AMF comme une structure de marketing et de lobbying pour anciens ministres ?

A.R.C : C’est un point de vue. Vous savez nous sommes en démocratie. Chacun pense ce qu’il veut, mais seulement, il faut assumer. On ne peut pas faire des procès d’intention aux gens, ce sont les faits qui vont trancher.

Nous avons créé l’association, nous nous sommes assignés des objectifs, alors donnons le temps au temps et nous verrons qui fait quoi et qui arrive où. C’est ma réponse à votre question. Je ne suis pas sûr que la plupart de ceux qui ont été ministres désirent encore le redevenir. Il faudrait peut-être faire un sondage auprès d’eux pour savoir combien souhaiteraient revenir au gouvernement.

Au regard de votre expérience et votre expertise, si demain, on appelait M. COEFE au gouvernement, quelle serait votre réaction ?

A.R.C : C’est une question à laquelle je ne pense pas... Mais si on m’appelait à nouveau au gouvernement, le moment venu, je saurais quelle réponse donner. Mais a priori, comme ça, répondre par oui ou par non, serait totalement erroné parce que tout dépendra du contexte dans lequel cette proposition me sera faite. Cependant, j’estime qu’aujourd’hui, qu’il y a assez de jeunes cadres bien formés qui pourraient valablement occuper des postes ministériels et apporter comme nous l’avions fait quand nous avions la trentaine, leur modeste contribution au développement de ce pays...

Un poste ministériel n’intéresse donc pas M. COEFE ?

A.R.C : Je vous ai dit que les choses s’apprécient dans leur contexte et qu’une réponse par oui ou par non serait une réponse erronée.

A l’image des anciens chefs d’Etat, de députés... vous comptez proposer au gouvernement l’adoption d’un statut du ministre. Pourquoi un statut du ministre et que gagne le Burkina en adoptant un tel statut ?

A.R.C : Vous savez, le problème de statut, c’est ce qui manque encore pour compléter la panoplie de la démocratie dans notre pays. Dans d’autres pays voisins ou lointains, il existe un statut du ministre. C’est le cas de la France, de la Côte d’Ivoire, du Sénégal, du Niger, du Maroc et je peux continuer à citer dans d’autres pays, dans d’autres continents.

Alors pourquoi un statut du ministre ? Il faut un statut, parce que lorsqu’une personne est appelée à occuper cette fonction, elle doit quitter son administration, il faut que cela soit réglementé : la façon dont on quitte et la façon dont on va y revenir. Cela est extrêmement important. Et c’est cela aussi qui sécurise j’allais dire, la « transaction » et qui permet à chacune des parties de savoir à quel saint se vouer.

C’est-à-dire, savoir quels sont ses droits et ses devoirs et comment les choses vont se passer globalement après avoir quitté de telles fonctions. Je pense que régler cette question de cette façon met chacune des parties à l’aise : l’Etat qui appelle le ministre et le ministre aussi qui sait à partir de ce moment comment les choses vont se passer pour lui quand il quittera cette fonction. C’est une question de transparence, normale et simplement démocratique... ceux qui n’ont jamais été ministre ne savent pas quelles sont les contraintes et servitudes d’une telle fonction.

C’est très contraignant et c’est très difficile. C’est pourquoi, il faut codifier comme cela se fait ailleurs les règles qui régissent cette fonction. Ce que nous demandons n’est pas spécifique au Burkina Faso, c’est parce que peu de gens connaissent la fonction ministérielle, ne sont pas bien informés, qu’une telle question peut susciter autant de débats.

A l’Assemblée générale, vous avez mis en exergue le fait que : "certains ministres ont été remerciés sans management ni courtoisie". Que voulez-vous dire ?

A.R.C : C’est La vérité ! cela s’est passé dans notre pays. Ne connaissez-vous pas l’histoire de ce pays ? Mais, nous avons dépassé tout ça, parce que le plus important c’est de préparer l’avenir.

Le plus important, c’est de transcender ces périodes historiques que les uns et les autres, avons vécu parfois dans leur chair afin que nous puissions nous retrouver, réconcilier, nous qui avons eu à diriger ce pays. Que nous puissions fraterniser à nouveau, c’est ce qui est important. Sachez que lorsque, on entreprend de réunir les hommes pour qu’ils se parlent, pour qu’ils fraternisent, pour qu’ils s’unissent, pour qu’ils travaillent ensemble, c’est déjà béni.

Il est aussi ressorti de vos propos que certains ministres sont "marginalisés, oubliés, parfois méprisés alors qu’ils ont donné le meilleur d’eux-mêmes lorsque la nation avait besoin d’eux". Alors à qui la faute et que comptez-vous faire ?

A.R.C : Nous allons non seulement recenser les cas, mais développer comme prévu une solidarité entre nous. Une solidarité agissante. Si tout se met en place comme prévu, cela va nous permettre de résoudre un certain nombre de questions et de problèmes sans avoir besoin de tendre la main à qui que ce soit. Entre nous, on peut déjà faire pas mal de choses. La démarche que nous avons toujours entreprise, c’est de compter sur nos propres forces. Ce n’est pas recourir aux subsides des autres.

C’est d’abord faire nous-mêmes ce que nous devons faire. Que des ministres soient dans la détresse, ce n’est pas faux ! ça se vit tous les jours. Vous avez aujourd’hui des ministres qui circulent en P50. Vous avez des ministres qui arrivent juste à subvenir à leurs besoins. C’est tout cela aussi qui dévalorise la fonction. Quand on a occupé des fonctions de ce niveau-là, on devrait veiller à ce que chacun ait le minimum et que de par le style de vie que l’on mène, on puisse continuer à mériter le respect de ses concitoyens.

Association d’anciens ministres, anciens chefs d’Etat, anciens députés... bref, à cette allure ne craignez-vous pas que la liberté d’association, voire la démocratie en prenne un coup ?

A.R.C : C’est cela même la démocratie. Il faut que les gens se regroupent, s’associent se concertent et travaillent ensemble. La constitution dit que les citoyens ont le droit de s’associer librement. Je ne vois vraiment pas où est le problème ! Si vous pensez, encore une fois, que ceux qui ont occupé les plus hautes fonctions au niveau des affaires de l’Etat, sont des n’importe qui, c’est votre opinion. Ce n’est pas la mienne.

On remarque aussi que dans l’AMF, toutes les sensibilités politiques sont représentées. Est-ce que cela ne va pas créer des problèmes, surtout que l’ancien ministre Abdoul Salam KABORE a déjà émis des réserves sur l’opportunité de l’association ?

A.R.C : Je remercie le ministre Abdoul Salam KABORE pour sa contribution à la clarification des débats. C’est son droit d’émettre une opinion contraire. Pourtant il a pris part à l’Assemblée générale constitutive, ce qui suppose qu’il adhère à l’idée. L’Association, il faut le savoir, est apolitique. C’est ça qui la différencie d’un parti politique ou à la limite d’un syndicat. Nous, nous sommes au-delà de la politique. Si nous retrouvons aujourd’hui, avec l’expérience que nous avons, acquise et à nos âges c’est que nous avons dépassé beaucoup de choses, c’est que nous sommes au delà des contingences politiques. Le seul désir que nous avons, c’est de contribuer au développement durable de notre pays.

Vous étiez à l’Assemblée générale, vous avez vu comment les ministres ont fraternisé, les retrouvailles, c’est ça qui est important. C’est cette fraternisation au-delà de nos différences idéologiques et politiques qui est importante. Ces idéologies, la politique politicienne, nous les avons laissées à la porte de notre association. Nous ne sommes ni un groupe de pression, ni un contre pouvoir, nous sommes une force de proposition.

Toujours à l’Assemblée générale constitutive, vous avez remercié le président du Faso, le Premier ministre et le président de l’Assemblée nationale. Est-ce à dire que vous avez leurs cautions ?

A.R.C : Bien sûr que nous avons consulté ces autorités. L’association n’a pas été créée contre quelqu’un. L’association est créée pour promouvoir, développer, valoriser, et contribuer. Quand on contribue au bien public et au bien de tous, je ne vois pas qui peut être contre cela.

Avez-vous un appel particulier à lancer à tous ceux qui pour le moment sont dubitatifs sur l’opportunité et la nécessité de l’association ?

A.R.C : Je leur dis simplement que c’est au pied du mur que l’on reconnaît le maçon. Dans ce pays, le président LAMIZANA disait qu’au-delà de la misère matérielle, c’est plutôt la misère des esprits qui faisait obstacle au développement de notre pays. Essayons donc d’être positif, positivons et avançons.
Nous avons un devoir de partage et de mémoire envers les générations futures.

Interview réalisée par Idrissa BIRBA


Qui est monsieur COEFE ?

M. Coéfé a effectué ses études primaires et le 1er cycle de ses études secondaires au Burkina Faso, puis le 2nd cycle de ses études secondaires et universitaires à St Brieux et Paris en France où il obtint un Doctorat en sciences économiques à L’Université de Paris X Nanterre.

De retour au pays, il enseigne les sciences économiques à l’Université de Ouagadougou où il est nommé Directeur de l’Institut Universitaire de Technologie de Ouagadougou.

Il occupe par la suite plusieurs fonctions ministérielles (Commerce et approvisionnement du peuple, Transport et Communication, Planification et Développement populaire) puis diplomatiques aux Nations unies ( Représentant Résident adjoint du Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD) au Gabon et au Congo, Conseiller du Représentant résident du PNUD en (Guinée).

M. Coéfé est actuellement Directeur Général de Médium International Télécom (MIT) qu’il a créé en 1996, Représentant exclusif distributeur officiel de Nokia, Schlumberger, Simoco et Acterna. Consultant Banque mondiale pour la réforme du secteur des Télécommunications au Burkina Faso (Cadre réglementaire, Licences cellulaires organe de régulation et privatisation de l’ONATEL).

Membre du Groupe de réflexion de haut niveau, de plaidoyer et d’appui à l’élaboration de la Stratégie nationale pour le développement des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication Primature.

Président du Groupement des Professionnels de la Télécommunication (GPTEL).

Membre de la Chambre consulaire du Burkina Faso, Président de la Commission promotion du secteur privé.

Président du Conseil d’Administration de la Maison de l’Entreprise du Burkina Faso (MEBF).

Membre du Club des Hommes d’Affaires franco- burkinabé.
Commandeur de l’Ordre national du Mérite gabonais,

Officier de l’Ordre national français, Chevalier de l’Ordre du mérite congolais.

Source : Petite Académie (http://www.petiteacademie.gov.bf/)

L’Opinion

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