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Les perdiems : bête noire du développement

Publié le lundi 4 septembre 2006 à 07h13min

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« De plus en plus, au Burkina Faso, la population à la base refuse de contribuer gratuitement à la réalisation des projets de développement visant leur propre épanouissement ». Cette assertion de dépit, prononcée par un directeur d’Organisation non gouvernementale (ONG) du pays des Hommes intègres mérite qu’on s’y attarde.

Effectivement, nous n’avons pas besoin d’être un chef traditionnel d’un des villages les plus reculés du Burkina pour savoir que le bénévolat est « mort » dans nos campagnes. Gare à vous, si vous y allez avec la bonne volonté de former des villageois, même en saison sèche où ils ne font rien, sur comment faire, par exemple, des digues afin d’éviter l’érosion de leurs champs !

Après la première journée, si les premières bonnes volontés ne reçoivent pas des espèces sonnantes et trébuchantes, chacun rentrera chez lui en murmurant : « Ces gens-là, ils croient que nous sommes bêtes ! Demain, ils seront seuls là-bas. On leur a donné des perdiems pour nous, mais ils veulent les détourner ».

Tenez un exemple : une session de formation avait été organisée dans le chef-lieu d’un département situé à 9 km d’un village du Burkina, en mars 2006, sur le Sida. Un des participants, de retour, se lamentait en ces termes : « Ils ne nous ont donné que 1000 F CFA, après nous avoir fait manger ». Ce qu’il a oublié, c’est qu’il a reçu des connaissances sur le Sida pour la protection de sa communauté et plus égoïstement, de lui-même !

Bref, on pourrait le comprendre quand on sait que ce genre de motivation n’est pas né dans les campagnes et qu’on peut même en vouloir aux fameuses ONG qui ont créé leur diable qu’ils vont devoir combattre !

En effet, la situation est plus triste dans les villes comme Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, etc. Dès qu’on parle de séminaire, d’atelier..., chacun a en tête des perdiems. Ainsi, avant le démarrage des travaux, vous entendez : « Nous allons débattre des questions pratiques », c’est à dire qui empochera combien par jour et comment ? Il n’est souvent pas étonnant de voir des séminaires se terminer en queue de poisson pour des raisons de perdiems.

Les véritables coupables dans cette histoire de perdiems sont les ONG et projets qui organisent parfois des ateliers de formation, des séminaires comme activités pendant une année en donnant de fortes sommes d’argent aux participants pour justifier leur présence sur le terrain. Cela devient une habitude qui se ressent, même dans les campagnes. Dans cette logique, les ateliers et autres sessions de formation sont devenus des occasions de course effrénée vers la richesse. Raison pour laquelle, ce sont les mêmes têtes que l’on rencontre habituellement dans les séminaires de formation à n’en pas finir. Après tout, demandez leur ce qu’ils ont retenu un mois après, vous serez ahuri ; souvent, certains ne se souviennent même plus du thème.

Nous ne sommes pas contre la motivation des personnes qu’on forme, mais il va falloir savoir raison garder. En réalité, les perdiems ne peuvent pas développer un pays, ce sont quelques individus qui en jouissent. Ne pas vouloir agir gratuitement, au moment où le Burina Faso vient de s’engager dans la communalisation intégrale, serait conduire directement le processus vers sa propre mort.

Ali TRAORE (traore_ali2005@yahoo.fr)

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 4 septembre 2006 à 20:09 En réponse à : > Les perdiems : bête noire du développement

    Très bonne analyse, cher Monsieur, le developpement du Burkina passe par la prise en mains de leur destin par les populations elles-mêmes.
    Kéré, Nancy

  • Le 5 septembre 2006 à 12:13, par N. Ouedraogo En réponse à : > Les perdiems : bête noire du développement

    Merci pour cet article très bien écrit et qui pose un problème crucial pour le développement du Burkina. Cependant, l’analyse des causes et la recherche des coupables mérite quelques précisions celon mon point de vue.

    En effet, si la longueur des séminaires et autres ateliers est à mettre en cause, il y a aussi le fait qu’il y ait une plétore de ces séminaires, formations et atelier sur tout et n’importe quoi. Un jour on va former des paysans sur des diguettes, le lendemain sur le sida, etc. Il est compréhensible que pour des paysans, qui bien souvent n’ont jamais exprimé de demande pour ce genre de formation, la seule motivation qu’il trouvent dans de tels éveènement c’est s’il y a moyen d’améliorer leur quotidient et donc recevoir des perdiem. Le problème de fond vient du fait que tout projet de développement est orienté celon les volontés du bailleur qui a mobilisé des fonds pour une cause précise. Il est donc normal que ce soit lui qui fixe le sujet traiter/la problématique aborder, les délais de réalisation de l’évènement, le lieu où il se déroule, les personnes concernées, etc.
    Suite à ce système mis en place, il y existe aujourd’hui une frange de la population burkinabè devenue professionnelle dans le montage de projet sans que ces personnes n’aient de réelles volonté de réaliser qq chose de concret. Ces personnes sont passées maître dans l’art de présenter un problème et d’ébaucher des solutions (en utilisant des termes à la mode comme participation, approche genre, décentralisation, bonne gouvernance, etc., etc.) sans qu’elles soient nullement affectées par le problème soulevé. Leur unique but visé est de mobiliser des fonds et ainsi en toucher une partie. Non pas que ce soit des voleurs, car dans bien des cas ces personnes réalisent un travail important, du moins avant le lancement du projet, mais aussi pendant et après.
    Cependant elles tirent leurs salaires sur le dos des populations qu’elles sont censées aidées puisque c’est leur problème qui est abordé et non le problème de l’initiateur du projet. Il est donc tout à fait normal que les populations concernées, qui sont à l’origine du projet puisque ce sont eux qui sont évoquées dans le document de projet en tant que "bénéficiaires", demandent à toucher leur part du gateau ! Même si ces personnes n’ont rien fait dans le montage du projet, sans leur problème, l’initiateur n’aurait jamais pu mobiliser des fonds !

    Ce problème persistera tant que les bailleurs de fonds ne prendront pas le temps de bien connaitre la situation et de rencontrer les personnes qui ont de vrais projets de développement endogène (et qui bien souvent préfèrent agir que parler et quémander). Ces dernière sont bien plus à même de mobiliser les populations pour participer au projet et ce de manière bénévole puisqu’elles ont prouvées leurs volonté d’agir et pas uniquement de parler.
    Mais ce problème n’est pas du tout présent qu’au Burkina et de nombreuses personnes dans les pays développés gagnent leur pain quotidien grâce au lancement de projets de développement dans le sud. Elles sont donc plus à la recherche de "beaux projets" bien ficelés et bien présentés qui peuvent être lancés rapidement que de projets sur lesquels elles doivent prendre le temps de comprendre la situation et de rencontrer les personnes impliquées. Tout le problème n’est qu’une histoire de temps nécessaire à tout étranger pour s’intégrer dans un nouvel endroit.

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