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Côte d’Ivoire : Le bras de fer

Publié le mardi 23 mars 2004 à 08h05min

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Les partis politiques ivoiriens signataires des accords de Marcoussis (à l’exception du FPI de Laurent Gbagbo et du PIT de Francis Wodié)ont décidé d’organiser "une marche pacifique" le 15 mars prochain pour "protester" contre les violations répétées de ces accords. "Niet" a répondu le président Gbagbo invoquant son décret interdisant les manifestations. La rupture politique qui se dessinait après le retrait du PDCI/RDA du gouvernement, se confirme donc.

Le retrait du PDCI/RDA du gouvernement d’union nationale de Seydou Elimane Diarra, n’a pas fini de faire des vagues dans le landerneau politique ivoirien. Alors que l’on pensait le plus vieux parti du pays incapable de toute réaction face aux divers manquements du camp présidentiel dans l’application de Marcoussis, il a fini par franchir le rubicon, en début mars. Il faut dire qu’au delà des raisons politiques, des considérations plus matérielles ont amené cette prise de position des héritiers d’Houphouët-Boigny.

En décidant de s’accaparer de la gestion du port autonome d’Abidjan et des "dividendes" conséquentes qui en découlent, Gbagbo touchait là à une "vieille tradition". Le "Port" a toujours été la chasse gardée du PDCI/RDA depuis les indépendances et, ce parti n’avait pas matière à rechigner tant que cette "loi" non écrite était respectée. A quelques mois de l’hypothétique échéance présidentielle de 2005, Laurent Gbagbo ne pouvait pas laisser ce "business" lucratif entre les mains d’un ennemi potentiel qui s’en servira comme "trésor de guerre" pendant la campagne. Exit donc les "pdcistes" et bonjour la "gestion FPI" du port autonome d’Abidjan. Par crainte de l’implosion, Gbagbo avait promis au camp Bédié la gestion des ports "secondaires" (Bassam et San Pedro). Un "deal" refusé aussitôt et qui a conduit à la situation que nous savons.

Un front pour quoi faire ?

Le PDCI/RDA et son allié naturel de l’heure le RDR d’Alassane Ouattara, ainsi que les Forces nouvelles, l’UDPCI (de Paul Akoto Yao, "héritier" de Guéi) ont donc décidé la création d’un "front républicain" pour demander l’application stricte de Marcoussis et le partage du pouvoir qui va avec. Dans ce registre le RDR en a gros sur le cœur, la gestion du ministère de la Justice (aux mains de la RDR, Henriette Diabaté) étant contrariée par les jeunes patriotes (?) de Gbagbo. Quant à l’UDPCI, il ne peut que faire cause commune, la mort de son patron Robert Guéi, n’ayant pas toujours été élucidée. Reste à savoir comment ce front, au regard des intérêts divergents et de la nature idéologique "hétéroclite" de ses composantes va fonctionner pour éviter la "cassure" que va certainement orchestrer le pouvoir FPI. S’il choisit de privilégier les intérêts partisans, il va s’en dire que le président Gbagbo en profitera pour "jouer" les uns contre les autres et entretenir la chienlit qui l’arrange. Persuadé qu’il sortira vainqueur d’un affrontement militaire, Gbagbo laisse courir et envoie de temps en temps des "sondes" pour faire montre de sa bonne foi. C’est ce jeu fait de roublardise que le Front en gestation doit dénoncer en privilégiant les intérêts de la République. Et, faut-il le rappeler, l’intérêt de la Côte d’Ivoire réside en un mot dans l’abandon de la politique de l’ivoirité. Celle-ci qui a introduit des Ivoiriens de première et de seconde catégorie dans le pays et indexé d’autres pays comme la "source" des maux de la Côte d’Ivoire, a semé les graines de la violence en Eburnie.

Des graines entretenues par Guéi puis arrosées jusqu’à plus soif par Laurent Gbagbo jusqu’à la date fatidique du 19 septembre 2002. Pour que le bras de fer actuel ne débouche sur un autre 19 septembre, il faut de concert avec la communauté internationale œuvrer à réduire le dernier carré des "Ivoiristes".

C’est le seul combat qui vaille à l’heure actuelle pour que la Côte d’Ivoire ne rate pas définitivement son rendez-vous avec l’histoire.

Boubacar SY
Sidwaya

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