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Micro-crédit : "Oui, mais si et seulement si..."

Publié le jeudi 31 août 2006 à 07h39min

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Donner de l’argent, c’est bien mais bien gérer son affaire c’est encore mieux. Pour Céline Sita, l’auteur de la réflexion, le micro-crédit ne profitera aux pauvres que s’il est accompagné de services non financiers.

Les Objectifs du millénaire pour le développement ont pour but de réduire la pauvreté d’au moins de moitié d’ici 2015. Un programme ambitieux qui a reçu l’aval de tous les gouvernements du monde qui, depuis son adoption en 2000 à New York, cherchent, par tous les moyens, du moins ceux à leur disposition : matériels, intellectuels, à traduire dans les faits quotidiens ce programme. Mais la pauvreté, phénomène complexe aux causes multiples et effets dévastateurs, s’entête, persiste et perdure malgré les efforts et les sacrifices des uns et des autres.

Ce qui, bien évidemment, nous amène à nous demander, non pas si ces Objectifs du millénaire seront atteints dans les délais fixés -ce serait vraiment un miracle que ceci soit possible vu l’extrême lenteur avec laquelle les gouvernements mettent en pratique les plans nationaux de lutte contre la pauvreté, sans compter les tares comme la corruption qui gangrènent et se métastase à une vitesse hallucinante-, mais si la pauvreté sera un jour histoire.

Dans la recherche des remèdes à la pauvreté, l’on a identifié, depuis quelque temps, le microcrédit comme étant l’un des moyens les plus efficaces pour venir à bout de ce fléau. C’est-à-dire de tout petits crédits accordés aux populations qui n’ont pas normalement accès au crédit habituel des banques.

Il faut dire que, en dehors des fonctionnaires et des gros commerçants et hommes d’affaires qui ont accès à ce précieux produit parce qu’ils peuvent facilement donner les fameuses garanties exigées par ces banques pour sécuriser les crédits octroyés au public, les autres populations, l’immense majorité de la population il faut le souligner, constituée surtout d’acteurs du secteur informel : artisans, agriculteurs, petits commerçants, vendeurs ambulants, coiffeurs, tailleurs, vendeurs de beignets, de fruits, de cartes de recharge téléphonique, agents de ménage, etc., n’y ont pas accès.

La preuve par la Grameen Banque

D’abord, plus d’un n’ y croyaient pas du tout. Comment prêter aux pauvres alors qu’ils sont...

pauvres, c’est-à-dire incapables de rembourser ? Mais les uns et les autres devront très vite revoir leur vision des choses et ranger leurs préjugés au placard lorsque la Grameen Banque, créée par un économiste indien, leur apporte la preuve palpable que les pauvres sont ceux-là même à qui on devrait faire le plus confiance parce qu’ils sont de très bons payeurs, et surtout parce que prêter aux pauvres c’est lutter efficacement contre la pauvreté. Depuis lors, le microcrédit est devenu la mode. ONG, banques, coopératives, caisses populaires, entreprises privées et publiques, tous y ont adhéré, pour le bonheur des pauvres et démunis. Nous avons tous lu dans les pages de ce journal la semaine dernière des témoignages des emprunteurs qui avouent s’en être sortis grâce au microcrédit.

L’objet de cet écrit, c’est de saluer cette initiative des uns et des autres qui s’inscrit en droite ligne des stratégies de lutte contre la pauvreté au niveau micro, c’est-à-dire avec les populations elles-mêmes, celles les plus en difficulté. La pauvreté ne sera vaincue qu’avec des actes de ce genre, simples mais efficaces, et non dans les hautes sphères. C’est aussi d’attirer l’attention des uns et des autres sur la nécessité et l’urgence d’accompagner ces crédits par des services non financiers, tout aussi importants que l’argent prêté.

En effet, donner de l’argent c’est bien mais, si je n’ai pas les moyens de bien le gérer, de bien gérer mon affaire, ma petite entreprise familiale de production de bissap ou de dèguè, s’il n y a pas de suivi de la part de celui qui m’a donné de l’argent pour voir comment j’utilise cette ressource et m’apporter une assistance technique, il y a de très fortes chances que j’échoue, que je fasse faillite. Les problèmes ne manquent jamais. Un crédit pris pour commencer ou développer une activité génératrice de revenus a vite fait de terminer dans l’organisation des funérailles, le règlement des frais d’hospitalisation, etc.

Eviter que le crédit n’enfonce

Combien de personnes se sont retrouvées traduites en justice ou dépouillées de leurs maigres biens parce qu’elles n’ont pas pu rembourser le crédit pris, pas par mauvaise foi mais surtout par manque d’accompagnement, par mauvaise gestion ? Plusieurs.

Pour éviter que le crédit ne nous enfonce dans un trou au lieu de nous en sortir, l’accent devrait être mis sur la sensibilisation des clients sur l’existence de ces opportunités de développement que leur offre leur environnement, leur éducation sur l’usage de ces crédits qui peuvent être de véritables outils de développement s’ils sont bien gérés, la diversification des produits offerts -financer aussi bien les besoins prévisibles que ceux imprévisibles- et, bien évidemment sur l’accompagnement de ces populations dans la gestion de ces crédits. Surtout celles qui n’en ont pas les moyens intellectuels à cause de leur illettrisme ou analphabétisme.

Celles-ci ont besoin d’une relation de conseil adéquate qui ne s’accompagne pas absolument d’un agenda de banquier strict ni de critères coriaces, mais qui répond à leurs besoins, et surtout d’une assistance qui allie le professionnalisme à une véritable compréhension de leur environnement sociopolitique et institutionnel. Et ce n’est pas évident dans plusieurs cas.

Céline Sika

Le Pays

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