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Fermeture des salles de cinéma : Eviter le naufrage

Publié le mercredi 30 août 2006 à 08h01min

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Combien sont-ils à aller au cinéma quand un film burkinabè est projeté en salle ? Les Burkinabè s’intéressent-ils aux fictions réalisées par les cinéastes de chez eux ? A cette dernière interrogation, on pourrait répondre par l’affirmative, au regard de l’engouement populaire pour certains films présentés, preuve que le public peut sortir massivement.

En réalité, tout dépend de la qualité de l’oeuvre cinématographique. Il est clair que des trames à la fois accrochantes et simples, des films qui parlent au public, qui sont proches de ses réalités quotidiennes sans être endormants, avec des personnages attachants, les cinéphiles n’en demandent pas plus pour effectuer nombreux le déplacement. Plus d’une fois, tout cinéphile burkinabè en a été témoin.

Ce serait alors faire injure au cinéma burkinabè - et africain en général - de dire qu’il ne regorge pas de talents. En plus de ces talents nationaux dont ils prennent soin de s’entourer, de plus en plus de jeunes cinéastes semblent avoir compris la nécessité de produire des films d’un autre genre, qui présentent l’Afrique sous des aspects nouveaux et intéressants, débarrassés des clichés misérabilistes qui ont longtemps caractérisé les oeuvres produites sur le continent. Bref, des films qui puissent épouser leur époque, véhiculer des thèmes à la fois attrayants et actuels, mettant en lumière cette Afrique qui bouge, qui rit plus qu’elle pleure, qui se modernise plus qu’elle s’ankylose.

C’est peu de le dire, bien des cinéastes africains, burkinabè notamment, font preuve de créativité et d’ingéniosité. Seulement voilà, les amateurs du grand écran ne sauront plus où aller, si rien n’est fait, pour apprécier ces oeuvres de belle facture, tant les salles de cinéma se transforment, de jour en jour, en dépôt de marchandises, en salles de fêtes ou en temples pour louer l’Eternel. Le tout-Bobo-Dioulasso, la capitale économique, serait, depuis un certain temps, sans cinéma. L’une des salles servirait, en ce moment même, en partie, de magasin de stockage d’engins à deux roues. Ouagadougou, à l’instar d’autres capitales de la sous-région, n’échappe pas au phénomène. Une sorte de contagion dont les germes pathogènes ne cessent de se répandre dans les grandes villes africaines.

Pour autant, le Burkina, pays qui n’est pas peu fier d’abriter le Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO), devrait-il se résigner à accepter une telle souillure ? Cheik Oumar Sissoko, ministre malien de la Culture, n’est, en tout cas, pas de cet avis. L’homme de cinéma se serait fait l’avocat défenseur des salles de cinéma du Burkina, lui qui aurait demandé aux autorités de notre pays de tout faire pour "résister" au mal. "Tout le monde peut le faire sauf vous", aurait-il déclaré. Résister, soit. Mais avec quels moyens ? Ne serait-ce pas trop demander à l’Etat d’investir dans un secteur qui n’est pas rentable ? Surtout que, sous nos cieux, il est en permanence demandé à l’ Etat d’oeuvrer pour rendre le panier de la ménagère moins maigre, et qu’il est attendu, de ce même Etat, des réponses aux nombreuses sollicitations à caractère social des Burkinabè. N’est-ce pas aussi difficile de demander aux exploitants privés des salles de cinéma d’investir à perte ?

Toujours est-il qu’avec le rythme accéléré des fermetures des salles de cinéma, l’on court vers la mort certaine du cinéma africain qui, manifestement, n’intéresse plus l’Etat qui se désengage de plus en plus de ce secteur, parce que jugé non rentable. C’est pourquoi le "pays des hommes intègres", qui se veut la capitale de promotion du cinéma africain, devrait pouvoir se mettre au-dessus de ces considérations de rentabilité, d’autant plus qu’il est admis que le développement passe aussi par la culture.

Mais, tout est, avant tout, question d’option politique. Dans le domaine culturel, il serait bon de savoir si la priorité des autorités burkinabè est de hisser le cinéma au plus haut sommet. Si elles entendent réactiver le secteur cinématographique en pleine déliquescence, de sorte qu’il puisse jouer le rôle de levier culturel. Ou si la priorité est plutôt à la promotion des spectacles, pour servir de levier culturel.

En tous les cas, des mesures urgentes, nous semble-t-il, doivent être prises pour éviter le naufrage. Il faut éviter au secteur de mourir à petit feu. Certes, l’Etat ne peut pas tout faire. Mais il importe qu’il soit en mesure de bien manoeuvrer pour éviter que ces salles de cinéma soient englouties dans les profonds abîmes du temps. Tout comme il appartient aux cinéastes africains de s’adapter au développement fulgurant des nouvelles technologies de la communication et de l’information, qui représentent une menace permanente. A défaut de pouvoir exporter les films à l’étranger - récurrent problème du circuit de distribution - et puisqu’on ne peut pas compter uniquement sur le marché intérieur, il y a sans doute lieu de développer un parc cinématographique régional.

Le Pays

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