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Port obligatoire du casque : Un casse-tête burkinabè

Publié le mercredi 30 août 2006 à 07h38min

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Il y a deux semaines, un communiqué du ministère de la Sécurité est venu rappeler que depuis le mois d’avril 2005, le port du casque est obligatoire pour tous les utilisateurs de mobylette au Burkina Faso. Il a aussi annoncé que des contrôles sur le respect de cette obligation seraient bientôt effectués.

Avertissement qui a tout de suite suscité des réactions diverses tant au niveau des vendeurs que des utilisateurs d’engins à deux roues.

Il n’est un secret pour personne que le Pays des hommes intègres est l’un des pays au monde ayant le plus grand nombre d’engins à deux roues. Et cela est visible tous les jours dans les artères de nos grandes villes. Cependant, la majorité des cyclomotoristes n’utilisent aucun moyen de protection. Dans le souci de rectifier cette donne, l’Etat burkinabé avait pris un premier décret en 2003, obligeant le port d’un casque de protection pour tout conducteur et passager de motocyclette dont la cylindrée excède les 125 cm3.

Un nouveau décret, celui du 4 avril 2005, est venu étendre cette obligation à tous les utilisateurs de véhicule motorisé à deux roues. Aussi, obligation a été faite aux vendeurs d’intégrer le casque dans les équipements de la moto lors de la vente. Un délai de six mois leur a été accordé pour s’y conformer. C’est-à-dire que depuis le 4 octobre 2005, le casque doit être inclus dans la vente des mobylettes. Cependant, la réalité est là : aujourd’hui, le port du casque n’est toujours pas entré dans les mœurs des Burkinabé.

Certains ne veulent pas entendre parler de casque, car d’autres préoccupations demeurent. Au nombre de ces priorités, le respect du code de la route, qui se situe en bonne position, comme l’a affirmé Mahamoudou Nikièma, vendeur de moto. « L’on ne doit pas obliger les cyclomotoristes à porter un casque, car le nombre d’accidents sera encore plus important, si tout le monde en porte. De plus il y a d’autres problèmes tels que les nids de poule qui entraînent de nombreuses chutes et au sujet desquels rien n’est fait, sans occulter la hausse vertigineuse des prix des hydrocarbures.

Je pense que c’est plus pour enrichir les politiques qu’on nous impose cette nouvelle dépense ». Jean Bandé, également vendeur de motos, est contre le port du casque. Il pense qu’il ne faut pas l’imposer. Cela doit être un choix personnel. Et d’avancer que, « Dans beaucoup d’accidents mortels, la tête n’est pas touchée ».

Dans ces conditions, cet objet est donc d’un pauvre secours. Par contre, il précise que lors des voyages, la nécessité d’un casque s’impose, surtout que nos routes sont souvent en mauvais état.

Pour beaucoup de personnes rencontrées d’ailleurs, le prix actuel du casque est dissuasif. Surtout que, depuis le communiqué radio, on assiste à une hausse de son coût chez les détaillants qui, à leur tour, accusent les grossistes d’être à l’origine de cette flambée. Pour Mahamadi Ouédraogo, étudiant en sociologie résidant au secteur 29, « Je consens que le port du casque, c’est pour le bien-être des usagers. Ça les protège, mais il ne faudrait pas l’imposer.

Si l’on prend en compte la cherté de la vie actuelle, particulièrement la hausse du prix des hydrocarbures alors que les salaires stagnent, il nous sera difficile de faire face à cette nouvelle charge ». Et un autre usager de la circulation de faire remarquer qu’en ces temps de flambée, une chose est de s’acheter un casque, et une autre : de pouvoir mettre du carburant dans sa moto.

Par contre, pour Seydou Zaba qui est sans emploi, le casque protège. « De ce pas, je m’en vais à l’hôpital. Mon beau frère a eu un accident et il est gravement blessé à la tête. Son œil a été même touché. Je pense que s’il portait un casque, il n’aurait pas été si gravement touché. Avec ce qu’on gagne du point de vue sécurité, le prix ne devrait pas être un obstacle ».

Comme pour donner raison à Ibrahim Compaoré, commandant de la 1re compagnie de la Brigade nationale des sapeurs-pompiers qui a révélé que 95% des accidents de la circulation sont dominés par les deux roues. Et durant le mois d’août, sur les 400 accidents déjà enregistrés, il y a 86 cas de traumatisme crânien. Si la Sœur Monique Drabo de l’église St Joseph de Ouagadougou, est pour le port du casque, elle reconnaît que le prix de cet accessoire n’est pas du donné. La preuve, il a fallu qu’on lui en offre.

Certains se plaignent du fait que les casques ne soient pas toujours adaptés à certaines personnes. Cas d’allergie oblige. Les asthmatiques par exemple qui pourraient avoir des difficultés respiratoires en portant cette armure. Salif Ouédraogo, lui, est formel : « J’ai ma moto depuis trois ans et je n’ai pas de casque. Pourtant, je sais que c’est obligatoire. Je n’arrive pas à bien respirer avec. S’il y a des contrôles, je vais souffrir ».

Pour d’autres personnes rencontrées, il est difficile de circuler avec, car une fois casqué, cela requiert plus d’effort et d’attention pour circuler sur les routes. Pour tout compliquer, des détaillants continuent de vendre des motos sans casque. Beaucoup ignorent même l’existence même de ce décret. Pour ces vendeurs de mobylettes, c’est d’ailleurs une dépense supplémentaire pour leurs potentiels clients.

D’ailleurs, les vendeurs de casques ont assuré, la main sur le cœur, que les clients ne se bousculent pas au portillon pour en acheter. Ils viennent plutôt se renseigner sur les prix de des casques, que l’on pouvait acquérir à 4000 FCFA avant le communiqué. De nos jours, les prix oscillent entre 7 500 et 20 000 FCFA.

Adama W. Ouédraogo
Didier Ouédraogo

(Stagiaires)


Humeur : Dis-moi quel casque tu portes...

Commençons par une anecdote. Un motard français qui venait d’être verbalisé parce que ne portant pas son casque, qu’il avait pourtant sur lui, arrive dans une station-service. Pendant qu’on lui fait le plein, il se met à se gratter le crâne, sans ôter son casque qu’il a maintenant sur sa tête.
Ça ne va pas ? Fait le pompiste. Vous vous grattez la tête sans enlever votre casque !
Et alors ? Quand vous vous grattez le derrière, vous ôtez votre pantalon ?

C’est dire que ce sont des situations de la même veine qui risquent d’arriver bientôt, dans nos stations-services ou ailleurs, à nos pompistes d’essence ou à nos chers policiers municipaux, si l’absence de casque est aussitôt réprimée manu militari dans nos villes et campagnes du Burkina par les autorités. Le moins qu’on puisse dire est qu’en effet, ce communiqué sur le port obligatoire du casque tombe mal, si fait que les usagers de la circulation vont cracher du feu, eux qui ont déjà beaucoup de fronts à combattre : banditisme, augmentation effrénée du prix du carburant, kilowattheure qui vaut son pesant de décharge électrique sur l’abonné et nous en oublions.

Certes, le gain de sécurité quand on est casqué pendant un accident ne fait l’objet d’aucun doute. Il est possible que d’ici là, cette vision presque caricaturale des Ouagalais, avec cette boule qui leur couvre la tête, soit une réalité sur nos bitumes. Mais si le ministre Djibril Bassolé veut vraiment sauver nos nez, qu’il lise ce qui suit. D’abord, il y a casque et casque. L’essentiel n’est pas d’en acheter n’importe lequel, au petit vendeur ambulant qui a ses entrées dans le liquodrome (1) du coin et, se croyant protégé, d’enfourcher sa bécane avec un accoutrement de cosmonaute russe et de rouler à tombeau ouvert.

La prochaine petite collision aura vite fait de rappeler à l’infortuné, qu’il aurait mieux fallu porter un plat de Yorba (2) en lieu et place de la chinoiserie qu’il vient d’acquérir. Donc, un casque doit être homologué et, à chaque tête de client son casque. L’objet ne doit pas par exemple comprimer les oreilles. Dans les pays où l’on aime à prendre des exemples, les sociétés d’assurances ne dédommagent pas un assuré qui porte un casque non homologué. En dehors du fait que ces assureurs ne joueront pas en cas d’accident, un casque non homologué peut se révéler peu protecteur et même dangereux.

Donc, porter le casque pour le porter, parce qu’on a peur du policier sur le croisement, ne rendrait service ni à l’usager, encore moins à la sécurité. Ensuite, il faut comprendre quelque part, la réticence des burkinabè. Il y a le côté culturel de l’utilisation du véhicule à deux-roues que l’on semble occulter. C’est vrai que personne n’a une vie de rechange, mais avouons tout de même qu’avec ce nouvel équipement, fini la sensation de liberté, le vent dans les cheveux et surtout le côté convivial.

Le casque peut se révéler confortable, quand on veut se cacher de son bailleur à qui l’on doit des arriérés, mais fini les bonjours décochés à gauche et à droite, et le côté frimeur quand vous venez d’acheter une belle mécanique, comme la nouvelle « Yamaha Crypton » par exemple ! Pire, il ne manque pas des gens qui continuent de se demander s’il n’y avait pas anguille sous roche derrière cette nouvelle décision ? N’est-ce pas une stratégie digne d’une mafia sicilienne pour enrichir quelqu’un ? Ceux qui donnent cette impression de chercher des poux sous des casques non homologués ont pourtant raison.

Il y a eu des précédents. A côté de nous, au pays de Soundjata Kéita. Au Mali donc, sous le règne du général Moussa Traoré, les autorités décident, pour raison de sécurité, d’imposer le port du casque à tous les motocyclistes. Là n’est pas le problème. Il est dans l’exigence par la police d’un casque de marque « Pingouin ». Vous avez beau brandir un casque des plus solides, du dernier cri, s’il n’est pas un ...Pingouin, vous devez payer pour « défaut de ... casque Pingouin ».

Le secret du Pingouin ? Il est importé par dizaines de milliers, hors taxe, par la dame Mariam Traoré, l’épouse du général. Que Dieu nous préserve de cette concurrence déloyale ! Il faudra donc que nos autorités aillent molo-molo. Sinon, l’on verra de ces cyclomotoristes dépités, qui vont libérer de ces initiatives pour circuler peinards.

A l’image de ce policier de Niamey, au temps forts de l’imposition du port du casque dans son pays. Il est allé retrouver son confrère étranger d’Interpool à l’hôtel et lui a proposé un petit tour à moto. Le flic malien lui tend un casque : une calebasse peinte en bleu à laquelle on a attaché un bout de corde, comme pour nos fameux chapeaux de paille. Lorsque son collègue d’Europe lui fait remarquer que cela ne peut les protéger,s’il survient un accident, il lui répond : « C’est pour la police » !

Issa K. Barry

(1) Débit de boisson où l’on ne sert que des liqueurs, de qualité et d’origine souvent douteuses.

(2) Plat fabriqué au Nigeria, utilisé comme unité de mesure pour la vente de mil dans certaines régions du Burkina

L’Observateur

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Vos commentaires

  • Le 30 août 2006 à 11:45, par N. Ouedraogo En réponse à : > Port obligatoire du casque : Un casse-tête burkinabè

    Ces deux articles sont très bien faits et permettent de faire le tour de la question. Si le prix prohibitif du casque me semble un faux problème (le casque s’achète une seule fois, le plein doit se faire tous les jours ou presque), les autres arguments sont très pertinents, notamment la simplicité de la solution par rapport à la compléxité de la situation. Les accidents impliquant des motocyclistes sont largement les plus nombreux et près du quart de ces accidents entraine des traumatismes crâniens. Soit. Mais est-ce seulement à cause du manque de casque ? cela m’étonnerai. D’autres explications peuvent être mises en avant : conduite en état d’ébriété, conduite d’engins pas bien entretenus (freins, direction, rétroviseurs absents), conduite à grande vitesse, non connaissance des règles de la circulation, etc. Et pour cela le port du casque ne résoudrera rien, bien au contraire. Lorsque l’on porte un casque notre visibilité est diminuée, notamment pour regarder à droite et à gauche avant de tourner (l’utilisation des rétroviseurs devient alors indispensable), et cela est encore plus vrai lorsque les caseque sont trop grands et flottent. La qualité de la visière peut aussi diminuer fortement la visibilité du conducteur. L’auteur du premier article cite aussi la qualité des routes qui ont leur part de responsabilité dans de nombreux accidents. Mais cela nécessite de gros efforts financier et organisationnels de la part des pouvoirs publics alors que l’obligation du port du casque est très simple à mettre en oeuvre. La solution serait plutôt d’offrire aux conducteurs d’engins à deux roues des routes de qualité (et plus de voies spécifiques comme sur CDG) et en parallèle mener une campagne de sensibilisation sur l’utilisation du casque sans le rendre obligatoire.

  • Le 30 août 2006 à 15:55, par Kafando Y. En réponse à : > Port obligatoire du casque : Un casse-tête burkinabè

    Tout juste à mon tour feliciter l’auteur ou les auteurs de ces deux articles qui ont su faire des analyses pertinentes comme l’a du reste dejà souligné Mr. Ouedraogo.
    Pour ma part je dirais qu’il faut combattre le problème à la racine. C’est vrai que le port du casque est hautement utile en cas de choc (encore que) mais il faudrait pouvoir eviter ces chocs. Je veux revenir sur l’ignorance, d’aucuns diront la méconnaissance du code de la route par les utilisateurs des engins à deux roues. A quoi ça sert de porter un casque si on ne sait pas qu’il ne faut pas faire une vitesse qui excède 50km/h ou si on a aucune notion sur la priorité en circulation, la courtoisie et j’en passe. Il faudrait donc inciter et contraindre plus tard les gens à avoir au mons le permis A1 avant de conduire un engin à deux roues. Et là je m’adresse aux parents qui s’empressent d’acheter une moto à leurs enfants au sortir d’un succès scolaire ; le reflexe, le bon je suppose, voudrait qu’ils inscrivent leurs enfants dans des auto ou moto écoles pour qu’ils apprennent les régles élementaires de la circulation avant de leur payer quoi que ce soit. Ceci pourrait être fait aussi par les autorités administratives en initiant des cours de sécurité routière dans les écoles ou lycées (peut-être que ça se fait dejà).
    La problematique des accidents dans la ville de Ouagadougou est très complexe et il faudra l’effort conjugué de tous pour parvenir à juguler le phénomène. Les actions sectorielles n’auront que des résultats mitigés.

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