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PDP/PS : Le secrétaire général national quitte le navire...

Publié le mercredi 30 août 2006 à 08h05min

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Alain Zoubga

Dr Alain Dominique Zoubga
Secrétaire Général National du PDP/PS

Au

Professeur Ali Lankoandé
Président National du PDP/PS
Monsieur le Président,

En dépit des difficultés de toute nature, nous avons vécu plusieurs années d’expérience commune dans un combat politique quotidien, pour faire triompher les idéaux du socialisme démocratique dans notre pays.

De toute cette expérience, il nous faut reconnaître que nous n’avons point réussi ! Le Burkina Faso est à la croisée des chemins. Il demeure l’un des pays les plus pauvres de la planète, caractérisé par une arriération économique, sociale et même culturelle.

Le pays est dans une impasse cruelle, victime de l’ordre sociopolitique établi par les pouvoirs antidémocratiques qui l’ont gouverné, en particulier la IVème République, obstacle principal actuel à l’essor du peuple, aux progrès économique, social et culturel du pays. Les traits caractéristiques de la situation actuelle que nous vivons sont principalement :

1- Notre pays souffre d’une restriction croissante, cynique et planifiée des libertés politiques. En effet nous sommes dans un régime de parti unique de fait, qui se traduit par le viol de la constitution, la soumission de l’administration et de l’armée au diktat du parti au pouvoir, une justice aux ordres, une volonté affichée d’étouffer l’opposition politique. Le résultat c’est que chaque jour, les citoyens burkinabè marquent leur méfiance à l’égard de la politique et de la classe politique ; le processus de démocratisation, en dépit des apparences, est verrouillé, il est en voie de liquidation. Les responsables du pays devraient faire preuve de plus d’humilité en se regardant dans la glace car l’image extérieure façonnée par les amis extérieurs ne saurait masquer éternellement l’image intérieure du pays réel. Les uns disent que chez nous c’est mieux qu’ailleurs, comme si notre ambition c’est être le moins mauvais parmi les mauvais !

2- La mal gouvernance touche tous les secteurs socioéconomiques du pays tant privés que publics, les institutions de la République, un grand nombre d’associations et d’ONG, et même des partis politiques, toutes tendances confondues.

3- Le règne chronique de l’impunité érigée en système de gouvernement. Le pouvoir tente d’étouffer toute velléité d’indépendance des ONG et associations de droits humains ; aucun dossier pendant de justice n’a été résolu correctement. Seul le front syndical résiste pour défendre les intérêts des travailleurs ! Et encore !

Toutefois, il faut rendre hommage aux hommes et femmes de ce pays qui, depuis des années, font preuve de sacrifices multiformes dans la lutte ouverte contre l’impunité.

4- La faillite des institutions de la République, dont la quasi totalité est dirigée par des arrivistes politiques, a été mise en exergue depuis fort longtemps par le Collège de sages et reprise récemment par le Comité national d’éthique.

5- Une paupérisation grandissante surtout rurale qui se traduit par une fracture sociale profonde entre un peuple qui croupit dans la misère et les nouveaux riches au pouvoir !

6- L’évolution vers une déchéance sociale est réelle,elle perdure et se consolide structurellement :

- L’argent n’est plus seulement une valeur monétaire, il est devenu aux yeux de beaucoup de nos concitoyens l’unique valeur sociale, le fondamental de toutes les autres valeurs.

- Sur le plan moral, le mal n’est condamné que du bout des lèvres, on lui trouve toujours des circonstances atténuantes.

- La loi du plus fort est quasiment la règle, les plus faibles dans leur grande majorité, perdent leur dignité dans le combat quotidien pour survivre.

Ainsi, le pays des hommes intègres bascule chaque jour dans l’indignité et le déshonneur ! Nous assistons en ce moment au plus grand scandale juridique de l’histoire de notre pays avec ce NON-LIEU odieux de la justice burkinabè dans l’affaire Norbert Zongo.

C’est sans aucun doute le signe le plus pathognomonique de l’agonie morale au Burkina Faso. Le régime en place et ses amis qui le soutiennent inconditionnellement ont une responsabilité large dans la situation que le Burkina traverse en ce moment !

Incontestablement, les préoccupations sont graves. Graves parce que d’ordre existentiel. Elles nous interpellent, nous autres citoyens de ce pays en tant que démocrates, en tant que patriotes, en tant qu’opposants politiques, en tant que socialistes !

Monsieur le Président, devant une telle situation, deux grands acteurs politiques s’affrontent :

Le pouvoir CDP très impopulaire, source principale du malheur burkinabè et l’opposition politique qui a perdu du crédit aux yeux du peuple, du fait de l’opportunisme d’une grande partie des forces qui la composent et de ses divisions internes. Il n’est pas exagéré de dire qu’ à des moments difficiles de la vie de notre peuple une grande partie de cette opposition l’a trahi dans sa longue marche vers la liberté, le progrès et la paix ! Aujourd’hui, le peuple burkinabè aspire à un changement véritable ! Mais avec qui ?

A cette phase de notre analyse il apparaît clairement que dans notre pays les conditions objectives du changement existent, mais les conditions subjectives pour changer la vie de notre peuple sont quasi nulles ! Est-il possible de dépasser les rancunes réelles qui existent entre les principaux courants historiques de l’opposition politique ?

- le courant libéral de droite autour de la famille politique du RDA ;

- le courant socialiste avec le MLN et d’autres partis ;

- le courant marxiste autour du PAI ;

- le courant révolutionnaire de gauche( RNDP ; RDP.....) ;

Malheureusement, force est de constater que ces courants ont constamment fait la preuve qu’ils se haïssent ! La situation se complique davantage parce que tous ces courants sont représentés de la même manière dans l’autre camp, celui du pouvoir. Et même à ce niveau il y a des rancœurs tenaces, mais le partage du gâteau et l’obéissance au chef atténuent les contradictions !

Il est évident que l’un des grands objectifs politiques du pouvoir c’est de liquider l’opposition véritable et de reconstituer « son” opposition. Les dernières élections municipales indiquent qu’il est en voie d’y parvenir, avec ses élus locaux qui sont désormais ses représentants officiels jusqu’au niveau des villages et secteurs, face à une opposition laminée et démoralisée !

La prise en charge politique de nos concitoyens devient impossible du fait d’une part de la collusion entre le CDP et le Gouvernement (parti état) et d’autre part, des retournements de veste répétés de certains dirigeants de l’opposition depuis les années 90 ! Ce qui convainc beaucoup que n’eût été la grossièreté des mesures anti-populaires du régime burkinabè qui donne souvent des occasions de rebondir à certaines forces politiques elles auraient tout perdu, même sans les manœuvres du pouvoir !

Devant cette situation de blocage, il existe fort heureusement des dignes fils de la patrie qui refusent le désespoir et la résignation ! Pour ceux-ci “tout est perdu fors l’honneur”, et le Burkina Faso s’éveillera !

Monsieur le Président ;

Notre peuple a besoin de pain, la patrie aspire à plus de liberté et de justice, le pays veut la paix ! C’est pourquoi, à l’étape actuelle de nos engagements politiques envers le peuple, il semble que la tâche centrale du moment c’est de travailler à construire une autre opposition, une opposition conséquente, une opposition responsable devant le peuple, en fait une opposition fondatrice.

Dans ce combat fondateur qui s’engage, le PDP/PS notre parti devrait occuper une place aux avant-postes ! Cependant, en a t -il la volonté ? En est -il capable ?

Il est incontestable que le PDP/PS a une ligne et un programme dans lesquels se reconnaît le peuple ! Mais dans le contexte actuel il ne suffit plus d’avoir une option et un programme différents de ceux du pouvoir pour gagner la confiance du pays réel, notre peuple !

Les militants du PDP/PS et ses sympathisants, dans des conditions extrêmement difficiles se battent avec courage et conviction. Mais c’est un combat désordonné, sans état-major où rien ne galvanise les combattants ; tout au contraire c’est un pessimisme grandissant qui les accompagne !

En réalité il ne peut en être autrement pour une direction empêtrée dans des contradictions graves et inextricables qui sont d’ordre politique, organisationnel et managérial.

1- la cohésion interne de la direction politique est très fragilisée

Depuis des années, les principaux courants historiques du parti sont demeurés des tendances trop concurrentielles, tendance qui s’est aggravée après le départ ou plutôt “la sortie” de son chef historique de la tête du parti. La direction est impuissante devant les grandes questions à résoudre. De plus en plus, on constate une tentation à traiter un certain nombre de questions cruciales pour la vie du parti en dehors de la direction élue par le congrès, ce qui alimente les rumeurs et les intrigues. Ceci est le résultat d’une longue évolution qui confirme le point de vue de certains amis du parti qui déjà dans les années 90 estimaient que la direction du parti est sclérosée.

2- l’absence d’esprit de parti

C’est aussi une autre réalité, triste ! Un nombre important de cadres dirigeants en particulier certains élus du parti se comportent comme de véritables entrepreneurs politiques, le PDP/PS n’est plus pour eux une arme de lutte pour la conquête démocratique du pouvoir mais un instrument pour se réaliser. Après le tripatouillage des listes électorales de 2002 pour positionner les amis de plus de 40 ans, on les surprend à une élection présidentielle dans des attitudes suspectes qui s’apparentent à un sabotage conscient.

3- le manque de transparence

En dépit des efforts qui sont faits actuellement pour y remédier, le mal est chronique. Et la gestion, quelque peu archaïque du parti, renforce ce mal. Le manque de transparence porte essentiellement sur le processus de prise de décision au sein du parti.

4- le refus du changement interne

Les tenants du courant conservateur sont allergiques à toute idée de changement, ils s’irritent et s’offusquent quand on leur parle de rénovation et surtout de rajeunissement des cadres dirigeants . C’est une tendance invariable que les participants aux dernières journées parlementaires ont constatée avec désolation. Il apparaît clairement que les champions du combat pour l’alternance alternative au Burkina sont de farouches opposants à toute velléité de changement interne . Selon eux “les jeunes doivent faire la preuve de leur mérite, car le problème c’est de trouver celui qui soit capable de garantir la ligne du parti..”. A mon humble avis, si après plus d’un demi-siècle de lutte, on s’interroge encore sur cette question, c’est que l’on a échoué.

5- un grave déficit de confiance

C’est sans conteste le principal mal du parti qui explique une grande partie de nos difficultés. Il est entretenu au niveau le plus élevé du parti. Les uns sont considérés comme des ouvriers du parti alors que d’autres cherchent à se réaliser . La démarcation se fait sur la base du parrainage politique et de l’amicalisme. Mais une autre ligne de démarcation semble être les “origines” révolutionnaires de certains responsables du parti, comme en témoignent vos dernières prises de position aux journées parlementaires des 8 et 9 juillet 06. En affirmant publiquement : “Ces gens-là, on peut leur pardonner mais on refuse d’oublier”, vous confirmez votre autre point de vue selon lequel : “Ils (les révolutionnaires) sont tous les mêmes. Ce pouvoir est mauvais parce qu’il est dirigé par des anciens CDR ; on ne peut pas leur faire confiance (sic)”.Il faut comprendre donc que ces “gens-là” ne sont pas considérés comme des camarades dignes de confiance dans le parti.

En réalité, les faits montrent qu’au-delà de cette ligne, le courant conservateur est dans une logique qui crée et entretient un conflit permanent de générations au sein du parti. En ce qui me concerne, j’assume tout mon passé tout en respectant le passé de ceux qui sont avec moi dans le même cadre organisationnel, même si ce passé pour certains n’est pas exempt de toute critique.

6- une désorganisation de la quasi totalité des structures

Incontestablement c’est une conséquence directe des problèmes soulignés plus haut. Il faut donc cesser de dire que la restructuration ne se fait pas parce que le secrétaire national à l’organisation n’est pas disponible ! Le parrainage des protégés et l’amicalisme ont conduit à des situations de blocage où l’on tente coûte que coûte de responsabiliser des individus sans aucun mandat ni légitimité.

En outre, nous sommes paralysés par ceux qui ne veulent pas de structures, mettant en avant la force des notabilités. A mon avis cette force complète et renforce le parti mais elle ne peut et ne doit pas remplacer les structures.

Aujourd’hui, les défis sont grands, les tâches sont complexes ! Le PDP/PS traverse une période difficile et inquiétante. C’est une véritable scène qui montre un parti, tel un homme pris par les sables mouvants et des hommes qui regardent la scène, impuissants ! S’il est vrai que notre responsabilité est collégiale, il est injuste de croire que tout le monde est responsable dans la même mesure et au même degré !

Alors , on est en droit de se demander pourquoi nous affirmons que le PDP/PS est un parti non électoraliste(ce qui est juste !) alors que c’est justement à l’occasion des élections que le parti se déchire ! L’alternance politique est vivement souhaitée par nos militants et sympathisants, attendue par la patrie, et réclamée par le peuple ! Il est de notre devoir de changer car dans les conditions actuelles, le PDP/PS renvoie aux électeurs l’image d’un parti ultra conservateur divisé, incapable de faire face aux tâches politiques et organisationnelles de l’heure. Dans le cas contraire, nous serons réduits à nous satisfaire de contempler le postérieur de notre peuple !

Monsieur le Président, en ces moments difficiles de la vie du parti , je suis convaincu que “aller à contre courant est éminemment progressiste,” donc salutaire !

Désormais une autre démarche s’offre à nous pour une nouvelle espérance ! C’est pourquoi, je porte à votre connaissance que j’ai décidé, en ma qualité de Secrétaire Général national du PDP/PS, de démissionner du Secrétariat exécutif national et du Bureau politique national à compter du 04 août 2006. Au moment où je quitte ce cadre, je présente mes excuses à tous les camarades que j’aurais offensés en paroles ou en actes durant les années de notre appartenance commune à cette instance. Et j’ose espérer que ma démarche sera bien comprise et contribuera à créer les conditions d’une meilleure gestion du parti.

Ouagadougou, le 4 août 2006

Dr Alain Dominique Zoubga
Cel. : 70 29 68 99


NDLR : Les surtitre et titre sont de la rédaction.

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