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Burkina : Anciens ministres cherchent emploi

Publié le samedi 26 août 2006 à 09h43min

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Ce jour-là, lors de leurs retrouvailles, ils ont suscité admiration et émotion. Eux, ce sont ces anciens ministres, ces hommes et femmes qui ont marqué, singulièrement, à leur matière et selon le contexte du moment, l’histoire combien mouvementée du Burkina, et dont les photos trônent ostentatoirement dans les salons ministériels.

Ils viennent de créer l’Amicale des anciens ministres du Burkina. Jusque-là, il n’y a rien à redire, car, la nature ayant horreur du vide, rien de plus normal que ces derniers se rencontrent pour partager leurs expériences. Personne ne peut leur denier le droit de se débarrasser de la peur humainement justifiable et compréhensible de la claustrophobie. De toute façon, leur demande de reconnaissance officielle passera comme une lettre à la poste tant il est de notoriété publique que le Burkina est l’un des pays qui comptent le plus grand nombre d’associations par habitant.

Du reste, certains affirment que le Burkina n’est pas une exception, étant donné qu’ailleurs il existerait des structures semblables. Il n’empêche que l’on s’interroge sur les motivations réelles qui ont conduit à la création d’une telle structure.

En effet, il est permis de se demander s’il est possible que des hommes ayant servi des régimes diamétralement opposés, et dont les animateurs ont entonné soit des hymnes à la glorification du parti unique, soit des thèses marxistes-léninistes, des vertus de l’ultralibéralisme, ou que sais-je encore, et que tant de rancoeurs opposent, puissent, comme par enchantement, se retrouver dans une même procession. Même si le Burkina peut paraître un pays de miracles, comment faire cohabiter pourfendeurs des régimes d’exception, apôtres des régimes marxistes qui gardent encore avec nostalgie, au chevet de leur lit, le Livre rouge de Mao, le Livre vert de Kadhadi, celui de Kil Il Sung ou de Enver Hodja, et ceux qui se nourrissent du bréviaire de l’économie libérale ?

Les Burkinabè n’ont pas tardé à s’apercevoir que nos honorables anciens ministres ont laissé aux vestiaires ces débats et ces contentieux. On peut même penser qu’ils se sont pardonné en battant leur coulpe pour le mal qu’ils se sont fait. Mais, peut-on effacer de la mémoire collective des Burkinabè qui ont payé le plus lourd tribut des tribulations et des fantasmes de ces anciens serviteurs de l’Etat au plus haut niveau ? L’histoire en jugera. En attendant, on s’est très vite aperçu que la récente mobilisation, fortement médiatisée (privilège auquel n’ont pas toujours eu droit d’autres associations), des anciens ministres avait des motivations corporatistes. Elle sonne comme une sorte d’appel du pied afin que la République ne les oublie pas. Cependant, sont-ils réellement oubliés comme ils le prétendent ?

Quoi qu’ils disent, les régimes auxquels ils ont appartenu, qu’ils aient été d’exception ou républicains, n’ont jamais été ingrats à l’égard de ceux qui ont eu à gérer au plus haut niveau les affaires de l’Etat, avec des "fortunes diverses", et parfois au "péril de leur vie", comme le disait leur porte-parole. Soit ! Mais, y a-t-il un pays où une fonction ministérielle ou de moindre importance ne comporte pas de risque ?

Risques ou pas, c’est en toute connaissance de cause que chacun a accepté de servir la Nation, à quelque niveau que ce soit. Du reste, on n’accède pas à une fonction ministérielle par voie de concours. Par ailleurs, dans notre pays, on n’a jamais eu besoin de lampe-tempête ni de lasso pour propulser quelqu’un à un poste ministériel. Tous ceux qui ont été sollicités étaient partants sans objection.

Plus édifiant, rares ont été ceux qui ont eu à rendre leur tablier de ministre pour cause de divergences politiques ou clause de conscience. Bien au contraire, malgré le "péril" (comme dirait l’un d’eux) qui les guettait, beaucoup se sont agrippés à un poste (juteux) où ils étaient censés accomplir plus une mission temporaire qu’exercer un métier. Combien de graves crises politiques auraient pu être évitées si certains ministres, au hit-parade de l’impopularité, n’avaient pas préféré voir la République sombrer dans l’inconnu que de lui permettre d’avancer dans la bonne direction ?

En tout état de cause, il appartient aux Burkinabè d’apprécier chaque ministre lors de son passage dans son département. Il ne leur appartient pas de s’autodécerner des médailles de mérite pour arracher la compassion de la République. C’est déjà une marque de considération sociale que leur confère le titre d’anciens serviteurs de l’Etat au plus haut niveau, et certains, pour ne pas dire tous, ont été auréolés des plus hautes distinctions de l’Etat. Nul ne saurait remettre en cause leurs mérites.

Cependant, ne sommes-nous pas aussi des bâtisseurs de la Nation ? Paysans, éleveurs, ouvriers, élèves, enseignants, infirmiers, etc., tous ces anonymes contribuent à la construction nationale au péril de leur vie. Comme dirait l’autre, le leader n’a aucun mérite spécial. Au Burkina, la liberté d’association est une réalité car autorisée par la législation en vigueur. Par ailleurs, incontestablement, les anciens ministres sont une mine d’expériences et d’expertise dont nous devons profiter.

Faut-il pour autant que le tigre crie sa tigritude ? Du reste, beaucoup exercent aujourd’hui des fonctions de consultants. Est-il besoin, dans ces conditions, de crier à l’abandon et à l’oubli en affirmant que l’Etat n’utilise pas leurs compétences ?

En créant une sorte de groupe de pression, de lobby en vue de traduire leur nostalgie d’une époque où ils n’étaient pas si démunis, ne vont-ils pas faire reculer la République en voulant sacrifier les jeunes générations qui ont, elles aussi, de l’expérience et de l’expertise à revendre, mais handicapées par la crise de l’emploi ? Evitons ces égoïsmes corporatistes qui ferment la porte aux jeunes générations actuelles plus branchées sur les réalités d’un monde marchant au rythme de la mondialisation. Si chacun a bien épousé son siècle, laissons les jeunes aussi épouser le leur.

Si la République devait céder aux caprices de l’imagination vagabonde et intéressée de tous les Burkinabè, nous aurions des associations d’anciens directeurs, chefs de cabinet, secrétaires généraux, directeurs généraux, directeurs et chefs de services, préfets, gouverneurs, hauts-commissaires, et pourquoi pas de chauffeurs, d’agents de liaisons, de gardiens, etc. De quoi donner le tournis au ministère de l’Administration territoriale qui risque de perdre ses repères, lui qui, déjà, oublie parfois d’en appeler au respect des textes en vigueur quant au renouvellement des instances dirigeantes des associations.

A la décharge des anciens ministres, ce sont les anciens parlementaires qui ont ouvert la boîte de Pandore en s’associant pour demander des avantages (pensions) liés à leur statut d’anciens députés.

Autant de groupes de pressions et de lobbies qui, on s’en doute, vont certainement peser de tout leur poids sur le cours des décisions au niveau du gouvernement.

Les membres de l’actuel exécutif, conscients qu’ils emprunteront, tôt ou tard, la même trajectoire, vont certainement faire preuve d’une générosité sans faille. Finalement, quel que soit leur nombre, les anciens ministres constituent une minorité privilégiée qui, au regard des postes qu’ils ont occupés, et forts des avantages qui étaient rattachés à leur fonction, devraient éviter de faire "l’aumône", de quelque nature que ce soit. En tout état de cause, la récente grand-messe des anciens ministres, assortie en filigrane de revendications, pourrait être interprétée comme l’expression de l’aveu de leur faillite intellectuelle et de leur faute administrative. Faillite intellectuelle pour n’avoir pas préparé des successeurs capables de les remplacer efficacement.

En effet, quand un professeur veut retourner dans son ancienne classe, ce n’est pas l’élève qui est mauvais, mais plutôt l’enseignant. Faute administrative pour n’avoir pas mis des agents qu’il fallait à la place qu’il fallait.

Enfin, cette sortie n’est-elle pas aussi la manifestation d’un complexe de supériorité ? En effet, certains anciens ministres non encore retraités de la Fonction publique, une fois descendus de leur piédestal, trouvent dévalorisant de retourner dans leur service d’origine pour être sous les ordres. Mais que voulez-vous ? Si tout ce remue-ménage n’était qu’un os que le pouvoir avait jeté pour détourner l’attention des citoyens de leurs problèmes existentiels ?

"Le Fou"

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 27 août 2006 à 23:22, par sababou En réponse à : > Burkina : Anciens ministres cherchent emploi

    "FOU" ? vous l’êtes peut-être. Mais certainement pas par la pertinence de votre analyse. N’en déplaise à certains qui la trouveront impertinente ; car pas à leur goût. Bravo pour la clairevoyence de vos propos sans langue de bois. J’adhère !!!

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