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Mine d’or de Poura : Des responsabilités à situer

Publié le mercredi 23 août 2006 à 06h33min

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On peut reconnaître, avec Kader Cissé, ministre burkinabè des Mines, des Carrières et de l’Energie, que le secteur de l’orpaillage est très difficile à maîtriser, vu l’immense bousculade qui accompagne généralement la découverte d’un site aurifère, et la ruée d’une mafia d’affairistes pour y avoir pignon sur rue.

Le ministre ne parle certainement pas en l’air lorsqu’ il affirme, dans une interview accordée au journal "Le Pays", dans son édition du vendredi 18 août, que les contrôles ont été renforcés et que bientôt, il y aura des structures de contrôle et de lutte contre la corruption dans le milieu de l’or.

S’il est admis que le secteur minier est difficilement contrôlable, c’est donc une raison de plus pour jouer la carte de la fermeté. Or, c’est ce qui, visiblement, semble avoir manqué jusque-là, et qui explique, en partie, l’éboulement survenu le 17 août dernier, sur le site d’orpaillage de Poura. Car, depuis l’interdiction de toute activité d’orpaillage, après la fermeture de la Société de recherches minières au Burkina (SOREMIB) en 1999, plusieurs orpailleurs continuaient, tranquillement, et on ne sait pour combien de temps encore, à broyer de la roche sur le site, de manière illégale. C’est dire donc que sur le terrain, la loi est constamment violée, depuis des années, par des orpailleurs qui descendent clandestinement dans les fosses avec tous les risques possibles.

L’autorité centrale, à travers les différents rapports que devaient logiquement lui adresser les autorités locales, peut-elle affirmer n’avoir pas été informée de telles activités frauduleuses ? Les autorités locales, quant à elles, ont-elles été à bout de souffle, après avoir attiré l’attention de l’Etat ? Ont-elles fini par laisser faire, en désespoir de cause ? Ou ont-elles suffisamment mangé du fruit défendu de la compromission pour en avoir la bouche pleine ? En tous cas, pour certains, l’activité sur le site se menait au su et au vu de tout le monde. Un travail qui, parce qu’échappant totalement au fisc, pouvait bien profiter à beaucoup.

D’où la nécessité de situer les responsabilités et ne pas lier ce drame au "sabaabo" (coup du destin en langue mooré). C’est connu, en Afrique, les drames sont rapidement mis sur le compte du destin (c’est notamment le cas du naufrage du Joola au Sénégal en septembre 2002), quand bien même ils cachent parfois mal le laxisme condamnable et l’incurie de certains responsables.

En tout cas, le vieux chef de terre, Yerni, cité par notre confrère l’Observateur Paalga, ne dira pas qu’il n’a pas agité aux yeux des orpailleurs du site, l’épouvantail d’un éboulement. L’homme avait fini par ravaler sa colère et la rentrer au fond du ventre après que ses avertissements eurent été perçus comme du sable jeté dans leur couscous. S’il avait seulement été écouté ! Cela n’enlève en rien le fait que l’Etat vient de faillir à une de ses missions régaliennes en ne se montrant pas intransigeant ou regardant sur la sécurité de ceux qui fréquentaient, de manière illégale, le site. Il fallait taper du poing sur la table. D’autant que ce site minier était reconnu dangereux, en particulier en saison hivernale où les galeries sont pleines d’eau, et qu’il y a eu auparavant des morts. D’autant aussi que l’hypothétique repreneur se présente comme un éléphant blanc.

Si la tendance est d’aller vers la production industrielle, avec pour objectif, à terme, de rendre l’orpaillage artisanal résiduel, comme l’a relevé le ministre, il n’empêche qu’il urgeait, pour ce site interdit, que la surveillance et l’extrême vigilance fussent de mise. Ce manque de fermeté, voire ce laxisme, est doublé d’un manque d’anticipation.

L’incapacité des sapeurs-pompiers dépêchés sur les lieux du drame, à effectuer efficacement et dans la rapidité, leur travail, est la traduction visible d’un manque de prévision. Le commandant Doumandji Karambiri, directeur des opérations à la Brigade nationale des sapeurs-pompiers, n’a-t-il pas laissé percevoir quelques limites de leur intervention en indiquant que seuls les moyens légers (des pelles, des pioches, l’eau de sauvetage et les cordes) avaient été utilisés ? Certes, pour des raisons de sécurité, il était impossible de faire venir du matériel lourd, comme des excavateurs, à cause de nombreux puits et de l’état de fragilisation du terrain. Mais, rien ne dit qu’avec des moyens plus sophistiqués, ils n’auraient pas mieux agi et peut-être sauvé des vies humaines.

Ils semblent, en tout cas, avoir été dépassés par les événements. Sinon, comment comprendre qu’ils soient arrivés à une profondeur du sol telle que toute progression leur était difficile ? On a ensuite émis l’hypothèse que les disparus ont été probablement engloutis dans les galeries pleines d’eau et situées plus en profondeur, et que, par conséquent, tout miracle était impossible. Dans tous les cas, d’autres drames, si rien n’est fait pour faire appliquer la loi d’interdiction, risquent d’endeuiller encore bien des familles.

Le Pays

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