LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Activités rémunératrices des femmes : La vente du « déguè », un commerce florissant à Ouagadougou

Publié le mardi 22 août 2006 à 07h29min

PARTAGER :                          

Parmi les activités commerciales du secteur informel ouagalais, il y’a le commerce du « déguè » (ce breuvage fait de yaourt et de couscous). Un des mets préférés des Bobolais dont c’est la spécialité, cette activité a connu un essor à Ouagadougou.

Il est neuf heures ce lundi 7 août 2006. Un attroupement autour d’une table empêche la vue à distance de ce qui se passe en réalité. Qu’est-ce qui se passe de l’autre côté de la route ? C’est chez tantie, elle vend du « déguè », a répondu M. Ouédraogo, un habitué des lieux et d’ajouter que c’est la qualité de son produit qui attire les clients.

Plus tard, il dira avoir fait un tour chez la vendeuse avant de venir s’occuper de son commerce. Sur place, des clients servis dégustent leur mets précieux. « Moi, je suis commerçant, je ne réside pas à Ouagadougou. Mais à chaque fois que je suis de passage, je prends du déguè ici », a déclaré Nongdo Kaboré. Il précise fréquenter ces lieux depuis deux mois.

« Deux cents francs de déguè me suffit ». Près de quatre- vingt pour cent de la clientèle est masculine. Quelques femmes trouvées sur place ont confié leurs sentiments mais refusent de décliner leur identité. « J’achète le déguè ici depuis août 2005 parce que c’est propre et bien fait », a concédé une cliente. La frange jeune de la population constitue la clientèle de la vendeuse. Par ailleurs, « le déguèdrome » est fréquenté aussi bien par les commerçants, les fonctionnaires que les élèves et étudiants. Chez tantie, il ya une affluence certaine. Moins il ya des gens, moins il ya du « déguè ».

Comment se fait la préparation ?

Le déguè est fait de yaourt et de couscous à base de petit mil. « Je paie le petit mil que je lave et que j’écrase. La farine ainsi obtenue est gardée en lieu propre et sûr. Vers 20h, je délaie le lait que je conditionne pour qu’il devienne du lait caillé. Vers 3 heures du matin, le lait est caillé. Je le malaxe avec du sucre pour obtenir le yaourt. C’est à cette même heure que je prépare le couscous. Dès 6 heures du matin, couscous et yaourt sont prêts. Je les sers dans deux grands récipients pour la commercialisation », précise la vendeuse.

De son lieu d’habitation, un taxi l’amène sur le site de la vente dès 7 heures. Une fois sur le site, la vente est à la portée de toutes les bourses. « La déguètière » est assistée de deux jeunes femmes. Elles sont quatre en réalité mais deux restent à la maison pour la préparation du petit mil. Elles sont employées à trente mille francs (30. 000 F CFA par mois) pour chacune d’elle. Interrogées sur leur condition de travail, l’une d’elle répond «  : je me sens très bien ici. J’ai travaillé dans une boutique au grand marché avant de venir chez ma grande sœur. Ici, je gagne mieux et le travail n’est pas pénible ».

Elles pensent également pouvoir acquérir cette qualification à l’issue de ce travail qu’elles considèrent comme une formation. C’est ce qui semble motiver certaines, puisqu’elles entendent toutes deux vouloir exercer ce travail plus tard lorsqu’elles auront les moyens. « Nous assistons tantie tout au long du processus de la fabrication à la commercialisation », a confié l’une d’elle. La « petite équipe » de la vendeuse s’active ainsi tous les jours, exception faite du dimanche pour la recherche de la pitance quotidienne. La dépense moyenne par jour est de 60.000 F CFA contre une recette d’environ 70 000 F CFA.

Du bénéfice quotidien de 10 000 F CFA, Tantie effectue des achats et procède au désintéressement de ses serveuses. Tout compte fait, elle économise selon elle, près de 200 000 F CFA par mois dont elle se sert pour faire face à ses problèmes. « L’argent du déguè me permet de m’auto-suffire et de prendre en charge mes trois enfants. Je m’occupe également de mes parents, » a-t-elle confié. La vente du « déguè » a des contraintes à l’instar de toute autre activité.

Les difficultés de la vendeuse sont liées entre autres, à l’attitude de certains clients. « Il y en a qui exigent leur service avant les autres qu’ils sont pourtant venus trouver. Cette situation est embarrassante parce que refuser suscite leur colère mais accepter entraîne celles des autres clients qui attendent » , a fait observer la vendeuse et d’ajouter : « d’autres par contre nous laissent servir pour après renoncer au montant qu’ils ont précédemment dit.

Conséquence, il me fait renverser et recommencer le service ». Elle déplore cette période des vacances scolaires qui la prive d’une grande partie de sa clientèle (les élèves ). Il y’a en outre, la grande fatigue de la préparation et la vente du « déguè ». Cela exige beaucoup d’efforts selon elle. « Comme vous le remarquez, je dors très peu, juste trois bonnes heures de sommeil par jour ».

Mais au-delà de ces difficultés, elle dit être satisfaite de son travail qu’elle a appris sur le tas. J’ai connu la préparation du « déguè » parce que je m’amusais à faire du yaourt avec le lait qui était à ma portée à l’époque. « Je souhaiterais continuer le travail pour peu que j’ai la santé et la clientèle ». Avoir un endroit plus spacieux fait partie de ses vœux mais elle est tout de même doublement satisfaite de son activité. « Moralement, je suis comblée de l’appréciation que les gens font de mon déguè et financièrement, le bénéfice que je réalise m’est suffisant ». a-t-elle confié.

Tantie dit n’avoir pas fait l’école mais parle couramment le français, un exemple de combativité. Elle invite tout le monde à se battre pour s’assurer un épanouissement individuel qui, selon elle, participe au développement de tous. « Je ne suis pas complexée et j’invite la jeunesse d’aujourd’hui à se départir des complexes d’infériorité ou de supériorité pour franchement se battre. Il n’ ya pas de sots métiers », a-t-elle conclu.

Abdoulaye SERE
Solange BICABA
(Stagiaires)

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique