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ONATEL : "Le combat des petits travailleurs tranquilles"

Publié le lundi 21 août 2006 à 07h13min

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Sous le nom d’emprunt de Sougalo Bemba, ce lecteur revient sur la grève observée par des travailleurs de l’ONATEL (Office national de télécommunications), sous la bannière du SYNATEL, le syndicat dudit office.

Le 25 juillet 2006, le Syndicat national des télécommunications, (SYNATEL) appelait les travailleurs de l’ONATEL à une grève de 24 heures pour :

. traduire le rejet de la stratégie actuelle du gouvernement ;

. protester contre la mise en œuvre de cette stratégie ; .exiger une réflexion nationale impliquant toutes les parties en vue d’aboutir à une stratégie qui garantisse les intérêts de tous ;

. appeler l’attention de l’opinion nationale sur la nécessité de son implication indispensable pour un schéma de privatisation qui nous profite à tous.

Selon certaines sources, le mouvement aurait eu un taux de succès qui frise les 90% de participation, ce qui a entraîné la paralysie totale de l’entreprise.

La question paraît trop importante pour les 12 millions d’habitants que nous sommes pour que l’on puisse penser un seul instant à la laisser aux seules mains du SYNATEL et de ses 1 200 militants. Je me permettrai de m’inviter, à l’occasion, pour apporter ma modeste contribution.

En effet, lorsque je parcours les objectifs de cette grève, j’ai du mal à suivre et à comprendre, tant les revendications sont confuses et loin d’être des points de défense d’intérêts des travailleurs. Je ne m’attarderai pas sur les détails de ces points, car nous aurons d’autres occasions pour en parler. En attendant, ma lecture me laisse penser que le SYNATEL tenterait de montrer que :

. le gouvernement de Yonli, qui a la charge de la privatisation de l’ONATEL, naviguerait à vue ;

. que le gouvernement, en adoptant la stratégie à 51 %, serait imprudent et irresponsable au point d’ignorer les enjeux de cette privatisation, et de compromettre la question du développement ;

. que le SYNATEL n’a pas été associé au processus

Sans toutefois vouloir parler au nom du gouvernement, je voudrais rappeler au SYNATEL que son action ne surprend que quelques naïfs, et que la politique des privatisations vise à conduire le Burkina Faso vers un changement de société dont les objectifs sont les suivants :

. la réduction des déficits budgétaires et la dette publique ;

. la croissance économique ;

. la démocratie.

Objectifs de la privatisation

Le choix des objectifs de la privatisation au Burkina Faso a été formulé pour la première fois, de façon très précise, en mars 1991 par la primature en ces termes : "Le Burkina Faso s’est fixé comme objectif la promotion d’une économie par la création d’un environnement plus propice aux investissements privés et à l’emploi. Le mouvement d’assainissement des entreprises publiques n’est pas nouveau au Burkina Faso. Ce qui l’est, c’est qu’il s’inscrit, cette fois-ci, dans une logique de

repositionnement du rôle de l’Etat. On privatise avec toutefois le souci de préserver une structure d’économie mixte. Il s’agit de créer un secteur industriel performant en gardant à l’esprit la promotion d’une plus grande justice sociale par une meilleure allocation des ressources."

Ce choix consciencieux, délibéré et souverain doit pouvoir rassurer le SYNATEL de la lucidité de notre gouvernement.

Lors d’un entretien réalisé par Michel Ouédraogo, Bilélé Benin, Mamina Sam, Jean-Philippe

Bougouma, Ibrahiman Sakandé, Cheick Omar Boni, Félix Yelkouni (Sidwaya), Léonard

Bazié/PREFASO) , voilà ce qu’a dit le chef de l’Etat, Blaise Compaoré : "II faut faire la part des choses entre le rôle de l’Etat et celui du secteur privé. L’Etat doit être un Etat qui oriente ; un Etat qui appuie, qui conseille ; un Etat qui organise la compétition. Mais ce ne peut pas être un Etat qui s’occupe de toutes les activités, même si ce sont des activités bénéficiaires...A partir du moment où le privé peut faire cela, il vaut mieux que l’Etat s’occupe des routes, des écoles, etc. Il y a eu des débats sur le téléphone, au début, mais, finalement, avec cette ouverture, en cinq ans on a créé dans ce secteur près de 20 000 emplois. Il y a, aujourd’hui, plus de 5 000 télécentres dans ce pays. Et de 3 000 propriétaires de téléphones mobiles en 1996, nous sommes passés à près de 300 000 aujourd’hui. Le secteur privé est outillé aujourd’hui pour faire mieux que l’Etat dans certains domaines."

L’ONATEL fait partie des opérateurs historiques qu’il faut, coûte que coûte et urgemment, privatiser. La période lui est favorable avec les bénéfices qu’il réalise actuellement. L’opération pourrait rapporter assez d’argent frais pour le financement d’autres secteurs importants comme l’éducation et la santé, qui intéressent très peu les investisseurs privés.

Ouverture et disponibilité du gouvernement

Je pense que le SYNATEL et ses militants se trompent de combat et d’adversaire en s’attardant sur des conceptions conservatrices, rétrogrades et vieillottes du rôle de l’Etat. C’est fini, le temps où l’Etat vendait des marchandises ! Aujourd’hui, nous sommes dans un marché libéral, et ce rôle est désormais dévolu au secteur privé.

Par une explication donnée par le président de la commission de privatisation du Burkina Faso de l’intérêt de la participation des salariés à la privatisation de leur entreprise (Jeune Afrique Economie, N°169, p160) : "Nous nous sommes intéressés aussi au personnel des entreprises privatisables. Il s’est senti concerné et a demandé à (...) prendre des actions. Le personnel sent que l’on ne vient pas lui arracher un bien, mais que l’on est en train de consolider sa position dans l’entreprise." Toute chose qui montre l’ouverture et la disponibilité du gouvernement à aller au dialogue avec des partenaires sociaux. Mieux, depuis 1998, le SYNATEL est convié à participer à tous les travaux, même les plus confidentiels, sur la privatisation de l’ONATEL. A ce niveau, le cahier des charges a été bien ficelé pour la défense des intérêts des travailleurs et du Service universel.

Le gouvernement a, depuis longtemps, compris que les politiques de privatisation nécessitaient une ouverture de démocratie minimale associant partenaires politiques et sociaux. Il s’agit, en effet, de renégocier le contrat social. Les débats au Parlement constituent, entre autres, des exemples différents de la recherche d’un certain consensus en faveur des programmes de privatisation.

Si le SYNATEL avait joué franc jeu, il aurait pu attirer l’attention du gouvernement avant l’adoption de la stratégie à partenaire stratégique. Aujourd’hui, pour des raisons d’Etat, tout recul pourrait être interprété par la nation et les partenaires comme un manque de sérieux de notre gouvernement.

La démarche du SYNATEL, par son silence conscient et la rupture du dialogue, la grève, augure une préméditation à la trahison et exprime de façon claire son opposition totale à la privatisation. Il paraît évident que le SYNATEL défend une idéologie qui ne dit pas son nom.

Arrêt sur le préavis

Pour qui se prennent les travailleurs de l’ONATEL ? Des supercitoyens ? On serait tenté de croire qu’ils veulent se substituer au gouvernement pour faire de la politique !

Si telle est la stratégie que le SYNATEL a choisie pour se faire entendre et faire échouer le processus, je peux d’ores et déjà dire qu’il se met dans une position dangereuse susceptible, au contraire, de compromettre les intérêts des travailleurs et de ses militants.

J’aurais été le gouvernement que j’aurais immédiatement octroyé des licences à d’autres opérateurs du privé pour l’international et le fixe, et laisser l’ONATEL mourir de sa propre mort.

Revenons pour examiner les dires du SYNATEL dans le préavis :

En évoquant les réformes qui ont eu lieu, de l’OPT à l’ONATEL aujourd’hui, le SYNATEL oublie de dire que cela a été fait avec le consentement du gouvernement, qui en est le propriétaire. Au contraire, toutes ses réformes ont montré l’incapacité et l’incompétence de l’ONATEL et de ses cadres supérieurs à satisfaire les besoins, de plus en plus immenses et pressants, des populations ; tant sur le plan des services de communication que de la qualité. Après toutes ces années, l’ONATEL est loin d’assurer la couverture nationale en téléphone et en NTIC. Combien de fois les usagers se sont-ils plaints de la dégradation de la qualité du réseau ou du nombre de jours pendant lesquels ils sont restés en panne ?

Quand le SYNATEL demande au gouvernement de prendre ses responsabilités courageuses pour donner une plus grande autonomie et une flexibilité aux dirigeants de l’ONATEL, je me demande, d’abord, si cela est possible, l’ONATEL étant une société d’Etat, ensuite, si ce n’est pas pousser le gouvernement dans une contradiction avec sa propre politique des privatisations.

Le SYNATEL fait monter la température des débats sur la privatisation en donnant de l’ONATEL l’impression qu’il s’agirait d’un outil de souveraineté, un joyau de la république ou un garant de la sécurité. Il oublie (le SYNATEL) que le marché est déjà ouvert à la concurrence. Nous savons tous comment cette concurrence, aujourd’hui, lui est bénéfique.

Les partenaires du secteur ( j’entends par là ligue des consommateurs, collectivités locales, ONG, secteur de l’éducation, associations du monde paysan, groupements des industriels, secteur privé, etc.) que le SYNATEL appelle à la table ronde sont absents au débat et ne se font pas entendre ; du moins dans le sens que veut le SYNATEL. Assurément, ils consentent, avec l’Etat, à dire que la stratégie à 51 % est une bonne chose.

Privilèges non négligeables

Du reste, nous assistons chaque année à la manifestation du secteur privé lors des rencontres avec le gouvernement, de sa volonté de participer au capital de l’ONATEL.

L’idée de faire une privatisation sans partenaire stratégique et rien qu’avec les privés institutionnels locaux est, à mon sens, irrecevable pour deux raisons :

. les privés institutionnels sont tous composés de capitaux étrangers (ce que le SYNATEL ne veut entendre) ;

. ils n’ont pas assez de moyens pour acheter tous seuls l’ONATEL.

Le SYNATEL est plutôt en train de mal défendre un statut de fonctionnaire avec contrat à durée indéterminé, du petit travailleur tranquille ou du petit bourgeois tranquille pour la préservation de salaires mirobolants au détriment de l’intérêt national recherché par l’Etat à travers l’ouverture.

C’est cette ouverture à la concurrence qui a obligé l’ONATEL à évoluer, à s’adapter finalement.

Encore faut-il que cette concurrence soit loyale et, comme nous l’avons souvent observé, les privilèges dont bénéficie l’ONATEL ne sont pas négligeables. Les opérateurs concurrents de l’ONATEL ne s’inquiètent pas de la privatisation ; ils s’inquiètent de la persistance de distorsions de concurrence. Et il est clair que tant que l’Etat aura une forte part du capital, la tentation de faire bénéficier cette entreprise de privilèges sera grande. Voilà pourquoi il est urgent d’aller au bout du

chemin entrepris, et de privatiser l’ONATEL pour en faire une entreprise comme les autres, sur un marché de concurrence.

Sangolo Bemba

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 21 août 2006 à 14:05, par ZOUNGRANA Bénéwindé En réponse à : > ONATEL : "Le combat des petits travailleurs tranquilles"

    "Sous le nom d’emprunt de Sougalo Bemba" ; voila comment le journal introduit l’écrit de ce monsieur. Ca veut tout dire. Pour des problèmes aussi sérieux comme la privatisation de la prémière entreprise du pays(cf dernière AG des sociétés d’Etat), le bon sens voudrait que ce monsieur décline courageusement son identité et son adresse. Mais vous avez été payé pour une cause et elle risque de ne pas être entendu. Pour le reste je laisse au SYNATEL de réagir à votre écris en ne faisant pas preuve de pusillanimité et de mauvaise fois comme c’est votre cas. Car ce qui vous intéresse comme "votre gouvernement" dans cette affaire, "c’est l’argent frais". Et les exemple en la matière font légion. Pour votre gouverne sachez que France télécom, comme toute référence vient de là-bas, n’est pas privatisé pas mêm à 50%.

    • Le 21 août 2006 à 18:15 En réponse à : > ONATEL : "Le combat des petits travailleurs tranquilles"

      C’est pas compliqué

      Prenez les bénéfices qu’on gagne à l’onatel pour construire les routes et les hpitaux etcc.

      Pourquoi privatiser, alors qu’il n’ya pas de problème.*
      On connait déjà ceux qui veulent racheter l’onatel. ( toujours les memes).

      De toutes les façons , ils peuvent faire ce qu’il veulent dans ce pays , alors qu’il le fasse un point et c’est tout.

      • Le 25 août 2006 à 14:44, par Le citoyen En réponse à : > ONATEL : "Le combat des petits travailleurs tranquilles"

        J’ai lu avec grand intéret l’écrit de monsieur "Bemba"car la privatisation d’une nationale comme l’ONATEL comporte des enjeux qui méritent que tout citoyen s’y intéresse .Pour l’éclairage de monsieur "BEMBA" et de toute personne de désireuse d’avoir une idée nette si la situation des privatisations des télécoms en afrique en général ,je conseille le rapport de BRUNO Jaffré sur " Eléments pour un bilan des privatisations des télécommunications africaines " disponible sur le site ://www.unige.ch/iued/wsis/DEVDOT/00287.HTM.Je souhaite lire sa réaction après lecture du dit rapport pour savoir à quel type de personne nous avons à faire (parlantb du sieur BEMBA).Merci

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