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Effondrement à la mine d’or de Poura : Au bout du filon, ils ont trouvé... la mort

Publié le lundi 21 août 2006 à 07h08min

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Trois jours après l’éboulement d’une galerie dans le site d’orpaillage de Poura (180 km de Ouagadougou) le jeudi 17 août 2006, l’équipe de secouristes n’avait toujours pas atteint le fond des décombres où sont ensevelies de nombreuses personnes.

Sapeurs-pompiers et orpailleurs poursuivent, sur fond de discorde, un difficile travail de déblaiement. L’espoir de trouver des survivants s’amenuise d’heure en heure. Après le bilan provisoire du premier jour, qui s’établit à trois morts et six blessés, l’on s’attend, dans les jours à venir, à un long décompte macabre.

Pourtant la veille, le viel homme est redescendu sur le site pour sa sempiternelle mise en garde. Mais, mal lui en a pris comme d’habitude. Yerni Nignan, chef de terre de Poura, est retourné ce jour-là, à la maison, lui et son fils, sous les lazzis, c’est-à-dire les quolibets des orpailleurs : "Plusieurs fois, j’ai tenté d’attirer l’attention des chercheurs d’or sur les dangers qu’ils encourent. Mais comme toujours, je suis accueilli par des injures que mon âge m’interdit de vous répéter", se souvient avec tristesse le septuagénaire. Puis, le Tia Tiu (chef de terre en langue gourounsi) d’ajouter : "Quand je demande l’immolation d’un bœuf rouge chaque année comme au temps de la SOREMIB (NDLR : Société de recherches minières du Burkina qui exploitait naguère l’or de Poura) afin de conjurer le mauvais sort, l’on me prend pour un vieux plaisantin". Faut-il voir par là un châtiment d’une force invisible qui s’est abattu sur des incrédules ?

En tout cas, le vieux Yerni y croit mordicus. Pendant ce temps, dans la grande excavation (abandonnée par la SOREMIB) bordée d’une végétation luxuriante et dont le paysage n’est pas sans rappeler le "Grand canyon" américain, les secouristes sont à l’œuvre depuis 6 h ce vendredi 18 août, jour de notre arrivée.

Des dynamites seraient à l’origine de l’effondrement

Des femmes voilées en signe de deuil reviennent des lieux du sinistre, les yeux embués de larmes. La polémique enfle du côté des hommes, à propos des circonstances exactes de la catastrophe. Pour la grande majorité des orpailleurs, soutenus dans leur version par les sapeurs-pompiers venus de Ouagadougou et de Koudougou, l’éboulement a été provoqué par l’utilisation d’explosifs dans les galeries souterraines.

Ces dynamites, appelées "faraoui" par ses utilisateurs, servent à faire éclater les blocs de roche dans lesquels sont incrustées les pépites d’or : "Le jour de l’effondrement, des gens ont fait exploser des détonateurs. Peu de temps après, nous sommes redescendus pour creuser à l’aide de pioches et de burins. Vers 10 heures, le haut s’est écroulé soudainement, provoquant un bruit assourdissant. Deux camarades et moi, qui n’étions qu’à moitié ensevelis, avons été extraits sans grands dommages, six ont été retrouvés blessés et trois ont été soustraits morts sur le coup", relate Issouf Sawadogo, de retour sur les lieux pour participer aux recherches.

Des temoins affirment que deux personnes, paisiblement assises au dehors, ont culbuté au fond de l’énorme cratère. Quand au sort de ceux qui sont restés enfouis dans les gravats et dont le nombre n’a jamais pu être établi, le jeune Sawadogo ne se fait plus d’illusions : "A l’heure où je vous parle (NDLR : plus de 24 heures après), tous les disparus sont à plus de 30 m de profondeur. Certainement, ils sont tous morts soit sous le choc, soit par asphyxie, soit par noyade, car il y a beaucoup d’eau à l’intérieur", reste persuadé le miraculeux.

D’autres, par contre, préfèrent parler de simple "accident de travail" dû à l’incurie de certains orpailleurs, lorsqu’ils n’invoquent pas, sans trop y croire, le "sababôo" (coup du destin dans la langue mooré). C’est le cas notamment de Sebgo Sy, qui passe pour être un véritable meneur d’hommes. De corpulence frêle, habillé d’une chemise style Pathé O., cet enfant du Sanmatenga (pays de l’or en mooré) mène une vie dont l’orpaillage constitue l’essentiel.

Est-ce là une prédisposition ?. Beau parleur, il est toujours présent sur le site pour encourager les secouristes : "L’éboulement est survenu lorsque des jeunes se sont mis à creuser les blocs de granites utilisés par la SOREMIB pour refermer les trous et les nombreux tunnels. A force de tailler ces roches, qui servaient de dalles souterraines, l’ensemble s’est affaibli pour ensuite céder sous le poids de la terre rechargée", se met à démontrer le tonitruant Sy. Les sapeurs-pompiers, arrivés dans la nuit de la catastrophe, investissent très tôt le matin la zone. S’ensuit une folle course contre la montre, coup de pioche après coup de pioche, ils remontent de la terre grâce à l’aide de nombreux volontaires.

Les secours s’organisent difficilement

Sous la supervision du directeur des opérations, le commandant Doumadji Karambiri, les sauveteurs, amarrés à des cordes, descendent précautionneusement dans les entrailles ténébreuses et effrayantes de la mine, en compagnie de plusieurs orpailleurs. Impossible de faire venir du matériel lourd, comme les excavateurs, à cause des nombreux puits et de l’état de fragilisation du terrain. La progression est alors lente et surtout pénible. "Les moyens que nous utilisons ne permettent pas d’avancer rapidement. Mais, pour des questions de sécurité, on ne peut que se contenter de la force de nos bras", explique le commandant Karambiri, dégoulinant de sueur, le visage creusé par la fatigue.

Certains de ses hommes éreintés sont couchés lourdement au pied d’un arbre. Le pessimisme gagne les esprits, même chez les plus endurcis : "L’espoir de trouver des survivants s’amenuise d’heure en heure compte tenu de la profondeur du gouffre et du temps écoulé", constate, impuissant, le chef des opérations. 17 heures. On découvre des chaussures et des burins. Des odeurs fétides s’échappent des cavités. Des corps semblent à portée de main. Les âmes sensibles quittent le périmètre. Quelques instants plus tard, des nouvelles étranges circulent au sein de l’équipe des sapeurs-pompiers.

Les uns cherchent les corps, les autres, l’or

18 heures. Un ordre tombe : suspensions des recherches jusqu’au lendemain matin. Les orpailleurs trépignent de colère. Les esprits se surchauffent, le ton monte. La sécurité fait évacuer tout le monde. Explication officielle servie : pas question de travailler la nuit, pour des motifs de sécurité. Dans la réalité, la raison est toute autre. Les hommes du commandant Karambiri se seraient rendu compte que certains de leurs "alliés circonstanciels" les conduisaient, par cynisme, sur de "fausses pistes" pendant que des complices profitaient de la diversion pour ramasser des minéraux. Samedi 18 août aux environs de 9 heures. Retour sur le site.

A peine la reprise entamée qu’un nouvel incident se produit. Les orpailleurs refusent toute participation aux opérations de déblaiement. Ils jugent le nouveau plan de travail inutilement compliqué. Le maire, François Bognini, et le préfet, Abdoulaye Kekieta, de passage sur la zone, entrent en négociation avec la "rébellion".

Les mines se décrispent progressivement. Les uns et les autres réintègrent les rangs. Les coups de pioches recommencent à retentir. Au moment où nous remettions le cap sur Ouagadougou aux environs de 16h, aucun corps n’avait pu être extrait des décombres. Rendez-vous dans nos prochaines éditions pour la suite des événements.

Alain Saint Robespierre

Observateur Paalga

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