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Abdoukader Cissé, ministre des Mines, des carrières et de l’énergie : "On ne parlera plus de délestages en 2008"

Publié le vendredi 18 août 2006 à 07h46min

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Abdoulaye Abdoulkader Cissé

Le ministre des Mines, des carrières et de l’énergie, Abdoulaye Abdoulkader Cissé, a visité le siège des Editions "Le Pays" dans la matinée du lundi 14 août 2006. Comme l’on descend dans les profondeurs d’une mine, le premier responsable des ... mines a voulu par cet acte découvrir par exemple le processus de fabrication du journal.

Avant de prendre congé à l’issue d’une visite guidée des locaux, le ministre s’est prêté aux questions de la rédaction. Ce fut l’occasion d’évoquer avec lui la politique énergétique du Burkina, la rentabilité de la filière or, les cas des travailleurs des sociétés minières liquidées, etc.

"Le Pays" : Quels sont vos sentiments après la visite ?

Abdoulaye Abdoulkader Cissé : Je vous remercie d’avoir dégagé de votre temps pour nous permettre d’effectuer cette visite qui, du reste, était prévue depuis. Finalement c’est aujourd’hui que Dieu a voulu que la visite s’effectue. C’est un réel plaisir. Ce fut l’occasion pour moi de voir de plus près tout le processus parce que nous voyons généralement le produit fini que nous avons du plaisir à déguster chaque matin. Ce que j’ai vu est un long processus qui demande beaucoup de professionnalisme. Je voudrais vous présenter tous mes encouragements et toutes mes félicitations. Dans l’ensemble, vous faites partie des journaux qui contribuent vraiment au renforcement de la démocratie et également à l’élargissement de la liberté de la presse. Toutes choses qui concourent à la stabilité d’un pays comme le nôtre. Encore une fois merci au directeur général et à ses collaborateurs.

Succinctement, quelle est la politique énergétique du Burkina ?

Je suis dans un domaine très sensible où on ne peut pas faire de la théorie. C’est très concret. En 2000, le gouvernement, face à la situation énergétique du pays, a commandité une étude sur les axes d’augmentation rapide des capacités en termes d’énergie et voir à terme le coût de l’énergie qui est très élevé pour la compétitivité de notre économie. On est arrivé à 3 principaux axes :

- premièrement : réaliser les grandes interconnexions. A ce niveau, Bobo Dioulasso est déjà interconnectée à la Côte d’Ivoire. Il reste l’interconnexion de Ouagadougou pour laquelle nous avons déjà mobilisé 80 milliards de F CFA. Ce qui va permettre de satisfaire la demande en énergie de Ouagadougou et de tous les réseaux connectés à la capitale au cours du premier semestre de 2008. Nous aurons cette énergie à un coût nettement inférieur à celui que nous produisons aujourd’hui avec le thermique. Ce projet est en cours d’exécution ; parallèlement nous sommes en train de réaliser des interconnexions internes. Par exemple, Kaya est déjà interconnectée à Ouagadougou.

Il y aura d’autres interconnexions à partir de Koupèla sur Fada. Les interconnexions extérieures vont apporter les capacités nécessaires, et celles internes vont permettre une augmentation. C’est pour dire que tout ce que l’on connaît comme délestages, désagréments, prendra fin en 2008. Il ne sera plus admis que quelqu’un attende plus d’une semaine avant d’avoir un branchement. Nous avons démarré la réactualisation de l’interconnexion avec le Ghana. Nous pensons la terminer à l’horizon 2010. L’étude de l’interconnexion avec le Nigeria a également commencé. Tout cela va nous donner, à l’horizon 2010, 3 sources d’énergie sur lesquelles nous pourrons, comme on le dit, jouer sur le marché du prix.

- deuxièmement : poursuivre la politique de construction des ouvrages hydro-électriques. Sur ce plan, nous travaillons avec le ministère de l’Agriculture, de l’hydraulique et des ressources halieutiques. Il y a des projets comme le barrage de Samandéni dont le volet eau et hydro-agricole est d’abord prioritaire en attendant le volet électricité. Nous poursuivons les études du barrage hydro-électrique du Noumbiel.

- troisièmement : les énergies renouvelables. A ce niveau, l’expérience du solaire a déjà été tentée avec l’éclairage par le système solaire photo-voltaïque de 120 localités. Bientôt, nous allons lancer les travaux pour 60 nouvelles localités. A ce nouveau, il existe le Fonds de développement de l’électrification qui a pour vocation d’accélérer l’électrification rurale. Nous allons donc utiliser les énergies renouvelables dont le solaire qui concernera beaucoup plus les centres ne pouvant pas se brancher sur l’énergie conventionnelle. Nous allons également poursuivre la production d’électricité par des sources alternatives. Il y a des projets dans le cadre de l’UEMOA comme par exemple la construction de centrales fonctionnant à base de l’éthanol issu soit de la canne à sucre, soit du sorgho sucré.

Nous travaillons avec l’UEMOA dans ce sens et les études sont déjà en cours. Le problème du solaire, pour l’instant, est que la technologie est extrêmement chère et il n’y a personne pour la financer. Sinon, il est possible qu’une seule centrale dans un pays de la sous-région puisse alimenter tous ceux de l’UEMOA. Pour le moment, nous sommes en échange avec les partenaires allemands. Je pense que le ministère en charge du commerce travaille également avec d’autres partenaires en vue de produire du biocarburant.

Voilà les 3 axes et nous pensons qu’à l’horizon 2015, le Burkina aura atteint ces objectifs sur le plan énergétique et, en ce moment, pourra envisager, d’octroyer de l’énergie à moindre coût à certains secteurs pour les rendre compétitifs.

Pourquoi ne pas étendre la réflexion au niveau de l’UEMOA concernant l’énergie solaire ?

Au niveau de l’UEMOA comme à celui du CILSS, il y a des programmes régionaux concernant les énergies alternatives. Généralement, ce sont des projets mûrs et peu intéressants pour l’opinion. Il y a des réflexions à ces deux niveaux mais nous sommes aux stades de concertations, d’études parce que, comme je vous l’ai dit, ce sont des domaines concrets et il faut avoir l’avis des techniciens pour savoir ce qui est faisable et à quel moment.

Certes, l’électricité fournie dans le cadre de l’interconnexion avec la Côte d’Ivoire n’a pas été coupée malgré la crise dans ce pays. Mais, n’est-il pas risqué de se connecter uniquement à ce pays ?

L’option a été faite suite à une étude d’un cabinet français appuyé par les partenaires techniques du secteur de l’énergie que sont les institutions de Bretton Woods, le Danemark et d’autres pays. Le choix est dans un premier temps avec la Côte d’Ivoire et, dans un second, avec le Ghana. Je vous ai dit qu’avec le Ghana, l’étude est en train d’être réactualisée. Je peux vous assurer qu’il y a des partenaires qui sont déjà partants pour le financement de cette interconnexion. Je pense que ce sont des événements ponctuels et nous devons être très optimistes. Et, comme il y a d’autres interconnexions, le jour où il y aura des difficultés nous ne connaîtrons pas des difficultés.

Malgré ces interconnexions, la politique énergétique va se poursuivre sur d’autres bases. Nous avons déjà les barrages hydro-électriques de Kompienga et de Bagré auxquels viendront s’ajouter ceux de Noumbiel, de Samandéni, etc. Et lorsque viendront les interconnexions avec le Ghana et le Nigeria, je pense qu’en cas de problème dans un de ces pays, les sources sont diversifiées. Je vous informe aussi que le Mali nous a approché pour s’interconnecter à partir de Bobo Dioulasso ; ce qui permettra à ce pays de bénéficier des interconnexions avec la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Nigeria. En réalité, nous voulons faire de notre pays un pôle d’interconnexion sous-régional.

Dans l’hypothèse où toutes ces interconnexions rencontrent des difficultés, Ouagadougou sera éclairée et les principaux secteurs d’activités et l’administration fonctionneront normalement.

A quoi est due la cherté du coût de l’électricité au Burkina ?

Nous avons eu à répondre à une question orale sur le sujet à l’Assemblée nationale, et nous avons fait une comparaison. Effectivement, le coût de l’électricité est cher compte tenu de notre source de production qui est jusque-là et principalement le thermique. Nous sommes donc dépendants des importations d’hydrocarbures dont les coûts suivent les fluctuations des cours mondiaux. C’est pour cela que nous sommes en train d’inverser la tendance pour que notre électricité ne dépende pas du thermique. C’est à cette condition que nous pourrons offrir à nos opérateurs de l’électricité à un coût compétitif et qui leur permet de faire face à la concurrence dans l’UEMOA voire la CEDEAO.

Y a-t-il une possibilité d’avoir individuellement de l’énergie solaire en construisant par exemple des plates-formes sur son habitat comme l’obligent certains pays ?

Pour l’instant, on n’est pas au stade de l’obligation à ce niveau au Burkina. Nous avons laissé le secteur se libéraliser et le choix est laissé aux citoyens d’aller vers les opérateurs qui fournissent le matériel, l’installent et assurent son contrôle. Peut-être que l’évolution nous amènera à nous inspirer des pays où il y a cette obligation. Du reste, nous avons un accord-cadre de coopération avec le Maroc pour permettre des échanges dans tous les domaines des choix énergétiques.

Il y a beaucoup de privés qui, en plus de l’énergie conventionnelle , prévoient du solaire dans leurs constructions.

Compte tenu de la facture énergétique, l’Etat ne peut-il pas envisager de subventionner par exemple l’énergie solaire ?

Notre politique à ce niveau est beaucoup plus dirigée vers le milieu rural. Nous avons par exemple le projet espagnol qui a permis d’électrifier 120 localités en attendant de le faire pour 60 autres. Nous continuons de mobiliser les subventions à cette fin parce que ce sont des localités pour lesquelles on ne peut pas attendre l’arrivée de la SONABEL vu qu’il n’est pas évident que le minimum d’abonnés puisse honorer les factures.

Ce qui a été décidé pour ces localités que nous électrifions est d’éclairer toutes les infrastructures administratives et sociales. Nous sommes également en train d’encourager les promoteurs privés pour créer une usine de montage de kits solaires au Burkina. Ce qui permettra aussi de baisser leur coût. Renseignements pris, en Chine par exemple, vous pouvez actuellement avoir un kit à 48 000 F CFA un kit. Or, au Burkina il coûte entre 350 000 et 750 000 F CFA.

Il est question de calculs politiciens sur le prix des hydrocarbures. Est-ce que l’Etat, en dépit des fluctuations au niveau mondial, ne peut pas réduire certaines taxes sur les hydrocarbures ?

Il n’y a pas de calculs politiciens pour la fixation des prix. Il y a une structure des prix disponible au ministère du Commerce, à la SONABHY. La fixation se fait sur des bases objectives et souvent il y a des comparaissons qui sont faites et il y a aussi des justifications. certains pays ont atteint des niveaux de libéralisation dans le secteur que nous n’avons pas. Nous avons pensé pendant longtemps à la sécurité et à la qualité de l’approvisionnement. Des pays ne l’ont pas fait et ont libéralisé, ce qui fait que tout propriétaire de réseau de stations peut aller se ravitailler directement et venir vendre. Je pense que la qualité des hydrocarbures est très importante. Vous pouvez économiser en carburant et être tous les jours chez le garagiste. Pour ces questions, mon collègue du Commerce est mieux placé pour répondre.

Vous vous occupez également des carrières et des mines. Pourquoi le marché est-il marqué régulièrement par des affaires de fraudes et autres ?

Nous avons, en 2000, convenu avec nos partenaires de libéraliser le secteur conformément à la lettre de politique de développement du secteur minier. Cela a permis à des opérateurs privés d’avoir des agréments, octroyés par un arrêté conjoint du ministre des Finances, de celui du Commerce et du ministre des Mines. Les sociétés bénéficiaires collectent, vendent, et payent des taxes à l’Etat. Elles ont cohabité avec le CBMP (ndlr : Comptoir burkinabè des métaux précieux) jusqu’à la liquidation administrative de ce dernier. Elles travaillent avec le milieu d’orpaillage, ce qui est très difficile à maîtriser. Nous nous contentons des statistiques fournies par ces sociétés agréées.

Par le passé, nous avions des statistiques fiables établies par le CBMP qui était une structure de l’Etat. C’est pour cela que nous avons renforcé les contrôles et bientôt il y aura des structures de contrôle et de lutte contre la corruption dans le milieu de l’or étant donné que la loi est déjà adoptée.

Au niveau du ministère, et en termes de perspectives, nous sommes en train d’aller vers la production industrielle pour que la production, la commercialisation et l’exportation de l’or aient un impact sur l’économie et les populations. L’objectif à terme est de rendre résiduel l’orpaillage et mettre la filière or dans l’ère de la production industrielle qui a l’avantage d’être transparente, visible, quantifiable et contrôlable à tout moment. Dès lors, l’Etat connaît tout ce qu’il perçoit comme recettes. A ce niveau, nous en sommes conscients et envoyons régulièrement des fax aux ambassades du Burkina parce que sur 9 sociétés ayant bénéficié d’agréments, il y en a beaucoup qui n’existent pas. Nous lançons aussi des appels à tous ceux qui sont intéressés par la filière de s’adresser aux structures officielles d’achat d’or répertoriées par le BUMIGEB (ndlr : Bureau des mines et de la géologie du Burkina).

Comment le ministère compte-t-il régler un jour les problèmes des ex-travailleurs de la SOREMIB et de la CEMOB dont vous avez hérité ?

Non, le ministère n’a pas hérité du dossier CEMOB qui était à la justice qui a opéré la liquidation et les droits légaux des travailleurs ont été payés. C’est pour cela que chaque fois que les travailleurs viennent au ministère, nous nous faisons le devoir de leur faire comprendre que le département n’a plus rien à voir dans le dossier. La société était une société d’économie mixte dans laquelle l’Etat était minoritaire.

Vous êtes en vacances à partir d’aujourd’hui 14 août. Comment allez-vous les passer ?

Je viens de rentrer du Sahel où j’étais toute la semaine écoulée pour assister les sinistrés, leur apporter mon soutien. Je suis rentré ce matin ; pour le reste de mon programme laissez-moi consulter mon supérieur pour savoir là où je peux aller.

Propos recueillis par la rédaction Retranscription : Séni DABO


Le ministre dans le livre d’or

A la fin de la visite, le ministre Abdoulkader Cissé a consigné ses sentiments dans le livre d’or du journal. Voici ce qu’il y a écrit.

"C’est avec un réel plaisir que j’ai visité les locaux de votre journal et découvert les conditions dans lesquelles vous travaillez. Je vous présente tous mes encouragements et mes sincères félicitations pour votre importante contribution à l’ancrage de l’Etat de droit, au renforcement de la démocratie qui passe nécessairement par la liberté de la presse.

A monsieur le directeur général et à l’ensemble de vos collaborateurs, je dis merci pour cette disponibilité !"

Cissé Abdoulaye Abdoulkader, ministre des Mines, des Carrières et de l’Energie.

Le Pays

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