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Affaire Norbert Zongo : Mémoire en défense de Kafando Marcel

Publié le vendredi 18 août 2006 à 07h43min

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Les avocats de Marcel Kafando

AFFAIRE

POUR : KAFANDO Marcel,..............................Intimé,

Ayant pour conseils, Maîtres Antoinette Nongoba OUEDRAOGO, Anicet Pascal SOME, Mamadou OUATTARA et Abdoul OUEDRAOGO, tous avocats au Barreau du Burkina Faso.

CONTRE : Ayants-droit de feu Norbert ZONGO, Ernest ZONGO, Blaise ILBOUDO et Ablassé NIKIEMA,.................appelant,

Ayant pour conseil, Maîtres Bénéwendé Stanislas SANKARA, Prosper FARAMA, tous avocats au Barreau du Burkina Faso ;

OBJET

Appel de la partie civile de l’ordonnance de non-lieu rendue le 18 juillet 2006 par Monsieur ILBOUDO H. Wenceslas, juge du premier cabinet d’instruction du Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou ;

JURIDICTION

Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Ouagadougou

PLAISE A LA CHAMBRE D’ACCUSATION

1 - SUR LA RECEVABILITE

L’article 186, deuxième alinéa, du code de procédure pénale stipule que : « la partie civile peut interjeter appel des ordonnances de non-informer, de non-lieu et des ordonnances faisant grief à ses intérêts civils. Toutefois, son appel ne peut en aucun cas porter sur une ordonnance ou sur une disposition d’une ordonnance relative à la détention de l’inculpé... » ;

Le juge peut, dans certains cas, se refuser à ouvrir l’information. Il rend alors une ordonnance de non- informer dite encore ordonnance de refus d’informer (article 87 du code de procédure pénale) ;

L’ordonnance de non-lieu à suivre, s’il n’existe pas de charges constitutives d’infraction à la loi pénale. (article 176 du code de procédure pénale) ;

L’ordonnance faisant grief à la partie civile n’est pas définie par la loi ; la jurisprudence dit que : c’est l’ordonnance qui déclare les faits amnistiés, ou celle qui renvoie devant le tribunal correctionnel qui a omis de statuer sur certains chefs de poursuite visés dans la plainte de la partie civile ;

Aux termes de sa déclaration d’appel n°77/06 du 19/07/2006, le conseil des parties civiles interjette appel de l’ordonnance de non-lieu rendue le 18/07/2006 par le doyen des juges d’instruction (cabinet n°1) ; précisant que l’appel porte sur toutes les dispositions de ladite ordonnance ;

Cependant, l’ordonnance de non-lieu effectivement rendue le 18/07/2006 par ILBOUDO H. Wenceslas, juge d’instruction du premier cabinet d’instruction du Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou, dispose ce qui suit :

1°- Disons qu’il n’y a pas lieu à suivre contre Marcel KAFANDO et X pour assassinats et destructions de biens mobiliers ;

Sur la base de l’article 177, deuxième alinéa du code de procédure pénale, le juge d’instruction a estimé qu’il n’y a pas de charge suffisante contre Marcel KAFANDO, qu’aussi, l’auteur reste inconnu de lui ;

L’appel de la partie civile portant sur cette disposition peut être déclarée recevable, au regard de l’article 186, deuxième alinéa du code de procédure civile ;

2°- Ordonnons le dépôt de toute la procédure au greffe du Tribunal de Grande Instance pour être reprise en cas de charges nouvelles ;

Cette disposition est basée sur l’article 188, qui stipule que « l’inculpé à l’égard duquel le juge d’instruction a dit n’y avoir lieu à suivre ne peut plus être recherché à l’occasion du même fait, à moins qu’il ne survienne de nouvelles charges. » Et de l’article 189 qui précise que « sont considérées comme charges nouvelles les déclarations des témoins, pièces et procès-verbaux qui, n’ayant pu être soumis à l’examen du juge d’instruction, sont cependant de nature soit à fortifier les charges qui auraient été trouvées trop faibles, soit à donner aux faits de nouveaux développements utiles à la manifestation de la vérité. » ;

L’appel de la partie civile portant sur cette disposition ne peut être déclaré recevable au regard de l’article 186, deuxième alinéa sus-visé ;

3°- Ordonnons la mise en liberté de Marcel KAFANDO s’il n’est détenu pour une autre cause.

Cette disposition est fondée sur l’article 177, deuxième alinéa du code de procédure pénale ;

La partie civile ne peut interjeter appel contre cette disposition qui est relative à la détention de l’inculpé au regard de l’article 186, deuxième alinéa sus-visé ;

4°- Ordonnons le maintien sous main de justice des scellés.

Cette disposition est fondée sur l’article 177, deuxième alinéa du C.P.P.

La partie civile ne peut interjeter appel contre cette disposition au regard de l’article 186, deuxième alinéa sus-visé.

En conséquence de ce qui précède,

L’appel de la partie civile n’est recevable que sur la seule et première disposition de l’ordonnance du 18/07/2006 ;

Il convient maintenant d’examiner le bien-fondé de l’ordonnance de non-lieu à suivre contre Marcel KAFANDO.

II - SUR LE FONDEMENT DE L’ORDONNANCE DE NON-LIEU A SUIVRE.

A - le principe directeur de la procédure pénale.

Attendu que l’article 9 de la Déclaration universelle de Droits de l’Homme prescrit que « toute personne étant présumée innocente jusqu’à ce qu’elle ait été déclarée coupable s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi » ;

Que l’article 14, alinéa 2 du Pacte International des Droits Civils et Politiques entré en vigueur pour le Burkina Faso le 04/04/1999, dispose que « toute personne accusée d’une infraction pénale est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été établie. » ;

Que l’article 4 de la constitution du Burkina Faso stipule que « tout prévenu est présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité soit établie... » ;

Que l’article 3 du code pénal applicable au Burkina Faso, prenant son fondement sur l’article 4 de la constitution sus-cité, dispose que « Nul ne peut être déclaré pénalement responsable et encourir de ce fait une sanction s’il ne s’est rendu coupable d’une infraction.

Nul ne peut être reconnu coupable d’une infraction, ni condamné à une peine autrement que par décision d’une juridiction compétente » ;

Qu’il résulte de ces dispositions fondamentales le principe universel de la “présomption d’innocence” ;

B - le pouvoir du juge d’instruction d’inculper un suspect.

Attendu que le principe de la présomption d’innocence doit guider le juge d’instruction lorsqu’il est saisi aux fins d’ouverture d’une information ;

Que l’article 77 du code de procédure pénale dispose que « le juge d’instruction a le pouvoir d’inculper toute personne ayant pris part, comme auteur ou complice, aux faits qui lui sont déférés. » ;

Que cela implique que « le juge d’instruction ne doit pouvoir inculper une personne suspecte, que lorsqu’il existe à l’encontre de cette personne des indices laissant présumer qu’elle a participé, comme auteur ou complice, aux faits dont il est saisi. » (cf. “le juge d’instruction”, théorie et pratique de la procédure, 4e édition, page 90 n°125, Pierre Chambon ; aussi : crim. 14 février 1984, dalloz 1984, IR 322 ; Bordeau, 29 avril 1980, dalloz 1981,232, note Pradel) ;

Attendu cependant que, en l’espèce, dans le cadre de son information, le juge d’instruction a auditionné KAFANDO Marcel le 02/02/01 sur son emploi du temps de la journée du 13 décembre 1998, le jour des faits ; KAFANDO Marcel déclarait être en compagnie de YAMEOGO Jean Racine et KY Ernest dans la journée du 13 décembre 1998 ;

Que pour vérifier cet alibi, le juge d’instruction avait interpellé YAMEOGO Jean Racine et KY Ernest ;

Que pendant que KY Ernest confirmait les déclarations de KAFANDO Marcel, YAMEOGO Jean Racine, lors de son audition du 29 février 2000, les réfutait, contrairement à ses propos recueillis par la Commission d’Enquête Indépendante le 15 avril 1999 (page 2, deuxième alinéa, PV n°99-146/CEI/P) ;

Que malheureusement, c’est uniquement sur cette deuxième déclaration de YAMEOGO Jean Racine que le juge d’instruction a décidé l’inculpation de KAFANDO Marcel ;

Que cependant la déclaration de YAMEOGO Jean Racine seul, portant uniquement sur le choix de la date (le 13 ou le 14 décembre 1998) de sa rencontre avec KAFANDO Marcel ne pouvait constituer un indice sérieux pour asseoir une inculpation ; (cf. article 77 du code de procédure pénale et la doctrine de Pierre Chambon sus-visée)

C - le pouvoir du juge d’instruction de rendre une Ordonnance de non-lieu.

Attendu que l’article 176 du code de procédure pénale dispose que « le juge d’instruction examine s’il existe contre l’inculpé des charges constitutives d’infraction à la loi. » ;

Que par charges constitutives d’infraction pénale, il faut entendre un ensemble d’éléments suffisamment établis ayant un lien direct avec l’infraction et de nature à asseoir la conviction du juge sur la culpabilité d’un inculpé ;

Que l’article 177 du code de procédure pénale stipule que « si le juge d’instruction estime que les faits ne constituent pas ni crime, ni délit, ni contravention ou si l’auteur est resté inconnu, ou s’il n’existe pas de charges suffisantes contre l’inculpé, il déclare, par une ordonnance, qu’il n’y a lieu à suivre. » ;

Que faut-il entendre par charges suffisantes ?

Attendu que si la loi ne les définit pas, la doctrine et la jurisprudence les définissent comme étant des charges suffisamment graves pour entraîner une présomption « considérable » de culpabilité et non une simple possibilité. Elles doivent résulter d’éléments objectifs tirés de la procédure ; de simples indices vagues et imprécis ne suffiraient pas, non plus de simples analogies ou coïncidences ;

Que par exemple, en l’absence de toute autre indication, un individu ne saurait être renvoyé en jugement, parce qu’il a été le seul vu sur les lieux de l’infraction, et parce qu’il est un repris de justice. (cf. “le juge d’instruction”, théorie et pratique de la procédure, 4e édition, page 377 n°697, Pierre Chambon) ; Attendu qu’en l’espèce, après l’inculpation de KAFANDO Marcel, le juge d’instruction procédait le 31 mai 2006 à sa confrontation avec YAMEOGO Jean Racine, celui-ci étant resté le seul témoin par lequel il a été inculpé ;

Que contre toute attente, pendant que KAFANDO Marcel réaffirmait que : « je maintiens que ma rencontre avec YAMEOGO Jean Racine a eu lieu le 13 décembre 1998 », YAMEOGO Jean Racine, lui, affirmait que : « en effet, un doute existe dans mon esprit entre les dates des 13 et 14 décembre 1998, je préfère ne pas persister dans mes déclarations antérieures. » ;

Que l’on peut remarquer que KAFANDO Marcel est resté constant dans ses déclarations depuis le début de l’enquête jusqu’au 31 mai 2006 pendant que YAMEOGO Jean Racine variait dans ses propos ;

Que KAFANDO Marcel ayant été inculpé sur la base de la seule déclaration de YAMEOGO Jean Racine (ce qui n’était d’ailleurs point suffisant pour fonder une inculpation), YAMEOGO Jean Racine, en revenant sur sa déclaration, ne laisse d’autres choix au juge d’instruction que d’ordonner le non- lieu à suivre, conformément à l’article 177 du code de procédure pénale ;

Que l’attitude du juge d’instruction est d’autant plus fondée que la légalité internationale et interne lui interdit de procéder autrement, ce, d’autant que l’auteur reste encore inconnu ;

Attendu que le juge d’instruction a pour rôle de mettre en œuvre les moyens qui permettent de réunir tous les éléments nécessaires à la manifestation de la vérité, afin que la juridiction de jugement puisse juger en connaissance de cause (information judiciaire, auditions, confrontations) et qu’il instruit à charge et à décharge ;

Qu’en l’espèce, malgré les nombreuses auditions (204 environ), les confrontations, les gardes à vue, les appels du procureur général invitant les citoyens à remplir leur devoir de dénoncer tout auteur ou complice, le juge d’instruction n’a pu obtenir des indices pouvant lui permettre de maintenir l’inculpation de KAFANDO Marcel ou d’inculper d’autres personnes pouvant être considérées comme tels ;

Qu’en ordonnant un non-lieu à suivre contre KAFANDO Marcel et X, le juge d’instruction n’a fait qu’une saine et juste application de l’article 177 du code de procédure pénale.

PAR CES MOTIFS

Et tous autres à déduire, à joindre ou à suppléer ultérieurement,

En la forme,

S’entendre déclarer l’appel de la partie civile irrecevable sur les dispositions de l’ordonnance du 18/07/2006, autres que celles relatives au non-lieu à suivre, en vertu des dispositions de l’article 186, deuxième alinéa du code de procédure pénale ;

Au fond,

S’entendre la partie civile déclarée non fondée sur le non-lieu à suivre contre KAFANDO Marcel et X ;

En conséquence,

S’entendre confirmer l’ordonnance querellée en toutes ses dispositions ;

Et ce sera justice.

SOUS TOUTES RESERVES,

POUR MEMOIRE PRESENTEE,

A Ouagadougou le 16 août 2006

Me Antoinette OUEDRAOGO
Me Anicet Pascal SOME
Me Mamadou OUATTARA
Me Abdoul OUEDRAOGO

P.-S.

Lire le dossier :Affaire Norbert Zongo

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