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Campagnes de reboisement : Il y a de l’argent dedans

Publié le jeudi 17 août 2006 à 07h58min

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"Celui qui a planté un arbre avant de mourir n’a pas vécu inutile". Cet adage, pour être complet et épouser le contexte burkinabè, pourrait être enrichi et devenir : "celui qui a planté un arbre et l’a entretenu n’a pas vécu inutile". Cela s’impose dans la mesure où depuis une vingtaine d’années, malgré d’intenses campagnes nationales de reboisement, le désert continue à avancer.

Des efforts sont constamment déployés par le gouvernement et ses partenaires au développement pour rendre au Burkina, ses arbres perdus, notamment dans les coupes abusives de bois. Des ONG et des associations sont entrées dans la danse afin de reverdir ce pays essentiellement sahélien des hommes intègres. Des projets et des initiatives soutenus par des bailleurs de fonds ont été expérimentés avec, il faut le reconnaître, peu de résultats probants au bout du compte.

Pourquoi tant d’investissements pour si peu de succès ? La réponse est toute simple : il y a, bien des fois, une absence de suivi après la plantation, doublée souvent du mauvais choix des essences mises en terre dans certaines localités. On ne saurait occulter le fait que les populations locales se sentent souvent peu impliquées dans ces opérations de reboisement. Que dire des forts relents de coloration politique qu’affichent ces campagnes de reboisement ?

Si nous voulons réellement reboiser le Burkina qui en a plus que jamais besoin, il urge de changer le fusil d’épaule, car, c’est le lieu de le dire, "l’arbre ne doit pas cacher la forêt". Il faut dépolitiser les campagnes de reboisement qui sont, pour la plupart du temps, l’occasion pour des politiciens de se taper un bon coup de pub. Les populations, de plus en plus, ne sont pas dupes et si elles ne se reconnaissent pas sous la bannière des reboiseurs-politiciens, elles ne s’impliqueront guère dans l’entretien de ces plants mis en terre sous les objectifs bien réglés des caméras.

Ensuite, il faut éviter de pratiquer de l’écotourisme en lieu et place de l’écocitoyenneté. En effet, pour nombre de planteurs, les séances de reboisement sont en fait des opportunités pour s’évader et s’offrir une bonne dose d’air pur aux frais de la princesse. Depuis Ouagadougou, de longues caravanes de véhicules, surtout des 4x4, s’ébranlent vers la campagne, avec à bord des glacières pleines de boissons et des coffres remplis de commodités dont ne saurait se passer tout bon citadin. Sur les lieux de reboisement, moyennant quelques francs, les "autochtones" servent juste à creuser les trous. Ils font donc leur travail correctement : que le plant pousse ou pas, ce n’est pas leur problème. Du reste, si on leur avait demandé leur avis, ils auraient peut-être préféré d’autres variétés d’arbres aux eucalyptus, aux nîmes, etc., que les "gens de la ville" ont apportés. C’est dire qu’il faut planter utile.

Dans cette logique, ne serait-ce pas plus raisonnable, de concert avec les populations et les techniciens de l’Environnement, de trouver les essences idoines et de les mettre à la disposition de chaque localité pour les planter au lieu d’imposer mécaniquement des variétés parfois inadaptées ? Nul doute que les populations se sentiraient plus responsables de ces arbres. Elles les protégeraient contre les animaux en divagation et les autres prédateurs, convaincues que ces arbres sont les leurs et qu’ils leur sont vraiment utiles.

Mais, opter pour cette solution, c’est quelque part priver les "gens de la ville" de leurs moments de villégiature et sevrer des affairistes de tous genres de profits faramineux qu’ils tirent de l’organisation de ces reboisements dont les ardoises, pour ne pas dire les "surfactures", sont très salées. Avec tout ce qui a été investi jusque-là, le Burkina aurait pu être déjà couvert de forêts denses ou tout au moins d’espaces verts à même d’atténuer les rigueurs du climat sahélien. Nombre de personnes se seraient, dit-on, d’ailleurs enrichies avec l’argent du reboisement, ce qui aurait découragé certains bailleurs de fonds à mettre de l’argent dans ce touneau sans fond.

Sans être désastreux, le bilan n’est pas reluisant, n’en déplaise aux "fabricants" de statistiques pour plaire aux bailleurs de fonds extérieurs. Pour recadrer les choses, il serait plus judicieux d’impliquer les populations au niveau individuel. Mieux, dans les écoles et les centres d’alphabétisation, il faut inculquer l’amour de l’arbre aux enfants et amener les apprenants à se familiariser avec ces gestes salutaires de lutte contre la désertification en plantant des arbres, beaucoup d’arbres. Dès le CP1 par exemple, chaque enfant pourrait planter un arbre dont il prendrait soin durant tout son cursus scolaire. Ce système a le double avantage d’assurer aux arbres une croissance certaine et d’inculquer aux enfants, c’est-à-dire les adultes de demain, l’importance capitale de cette pratique.

Peut-être que la communalisation intégrale constituera une alternative pour des reboisements efficaces. Ceci devrait même constituer un défi majeur pour les nouvelles communes, qu’elles soient rurales ou urbaines, car c’est un pas important pour le développement à la base.

Le Pays

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