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Aboubacar Fofana : De Sya à Hambourg, un footballeur comblé

Publié le lundi 21 août 2006 à 07h37min

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Aboubacar Fofana

Mexico, 1986. L’élite mondiale du football a rendez-vous pour disputer la phase finale de la coupe de la Fédération internationale de football association (FIFA). L’Afrique qui n’avait que deux places est représentée par le Maroc et Algérie, deux sélections nationales qui suscitent des espoirs mesurés auprès des amoureux du ballon rond.

Certes, les Lions de l’Atlas et les Fennecs ont déjà disputé la coupe du monde, respectivement en 1970 au Mexique et en 1982 en Espagne, mais aucun n’avait réussi à franchir le premier tour.

Pour la 13e édition au Mexique, les choses allaient cependant se passer autrement. Alors que l’Algérie est éliminée dès le premier tour, le Maroc, déjouant tous les pronostics, sort premier de son groupe composé de l’Angleterre, du Portugal et de la Pologne. Pour la première fois, une équipe africaine accède au deuxième tour, un exploit réédité par les Lions indomptables du Cameroun en 1990 en Italie, éliminés en quart de finale par l’Angleterre.

Adolescent de 16 ans, Aboubacar Fofana est enthousiasmé, mieux il est conquis par le jeu de la bande de Zaki Badou et ses coéquipiers tels El Biyaz Mustapha, Aziz Bouderbala ou encore Khairi Abderrazad, auteur d’un doublé contre le Portugal. La qualification des Lions de l’Atlas pour les huitièmes de finale a sans doute beaucoup compté dans le choix définitif d’Aboubacar Fofana d’embrasser le métier de footballeur.

« Mon rêve était de ressembler à ces joueurs marocains. Je voulais devenir un footballeur professionnel et jouer dans le championnat de ce pays », confie t-il. Un double rêve qu’il réalisera près de 16 ans avant de prendre sa retraite précoce en 2000, suite à une blessure au genou.

Né dans le Sya en 1967, Aboubacar Fofana s’est fait rapidement remarqué à Bobo-Dioulasso, la deuxième ville du Burkina Faso, précisement au Centre d’études universelles de l’Immaculée conception, un établissement d’enseignement général et technique qui accorde beaucoup d’attention au recrutement d’élèves chez qui on croit déceler des potentialités fooballistiques.

Au cours des compétitions scolaires, il croise les crampons avec un certain Kassoum Ouédraogo, plus tard connu sous le surnom de « Zico », un des meilleurs attaquants de sa génération. Ces deux auront l’occasion de se frotter à plusieurs reprises sur les stades. Vite repéré par les grands clubs, Aboubacar Fofana est recruté par le Racing club de Bobo (RCB), évoluant en première division. C’est le début d’une belle carrière professionnelle qui le conduira jusqu’en Allemagne en passant par le Maroc.

Avec le RCB, il est vainqueur de la première édition de la coupe du Faso en 1986-87, avant d’être transféré la saison suivant à l’ASFA-Y grâce aux bons offices de Côme Gnimassou, un « ami, un frère » aujourd’hui décédé. Le public découvre un joueur talentueux, au pieds gauche magique, capable d’affoler n’importe qu’elle défense. Un vrai cauchemar pour les gardiens de but. Rien de surprenant s’il termine deuxième meilleur buteur avec 8 réalisations derrière Zico qui en totalise 9 à la fin de la saison 1987-88.

Son salaire est nettement en deçà de ce qu’il espérait en signant à l’ASFA-Y, mais Aboubacar Fofana n’est pas du genre à pleurnicher. Conscient de ses talents, il sait que sa prestation obligera ses patrons à revoir à la hausse ses émoluments. Chose faite dès la saison 1988-89 au terme de laquelle il fut sacré meilleur buteur avec 16 réalisations tandis que l’ASFA-Y termine premier du championnat. Au plan africain l’ASFA-Y effectue un parcours honorable en 1991, en se qualifiant pour la première fois de son histoire en quart de finale de la coupe d’Afrique des clubs champions.

Pisté depuis quelque temps par des clubs étrangers, Aboubacar Fofana réalise son deuxième rêve en 1991 en rejoignant le championnat marocain où il monnaie ses talents successivement au Chabab et au Hassania, deux clubs de première division.

De retour au pays en 1994, il intègre, au grand mécontentement des supporters de l’ASFA-Y, les rangs de l’Etoile filante de Ouagadougou (EFO), grande rivale de l’ASFA-Y, « non pas parce que j’avais quelque chose à reprocher à mon ancien club, mais tout simplement parce que l’EFO était engagée dans des compétitions africaines et m’offrait une vitrine pour être vu par les clubs européens », se justifie t-il. Le mariage avec l’EFO ne dure cependant pas longtemps, Fofana ayant décidé de repartir dans l’ASFA-Y, retrouvant ainsi ses premiers amours.

En 2000, sans club, il tente l’aventure en Allemagne avec pour seul contact, l’adresse d’un ami pas particulièrement introduit dans la Bundesliga. Volontariste, il se présente aux dirigeants d’un club de la ville d’Hambourg, leur explique qu’il n’est pas si mauvais sur un terrain de foot, notamment comme attaquant et réussit à les convaincre de l’essayer.

Son audace est payante et le voilà sociétaire du Blankernise Siferstuken, une formation de troisième division. Malgré la barrière de la langue et un climat froid auquel il n’est pas habitué, Aboubacar Fofana s’épanouit sportivement dans ce club « qui m’a rapidement adopté ».

Sa carrière aurait pu prendre une tout autre dimension si une vilaine blessure au genou qu’il traîne depuis des années ne l’avait contraint à l’écourter. « Le club était prêt à me faire opérer, mais psychologiquement, je n’étais plus assez solide pour affronter ces moments difficiles » explique t-il.

La page sportive de sa vie ainsi tournée, reste à réussir la reconversion. Grâce à un carnet d’adresse minutieusement constitué au fil des ans, il se lance dans le commerce de véhicules neufs et d’occasion entre l’Europe et l’Afrique. Ses premiers clients sont en majorité des diplomates accrédités à Paris et qui lui font confiance.

De Cologne, Dusoldorf ou Dusburg, Aboubacar Fofana ne compte pas son temps pour dénicher la bonne affaire qui fera le bonheur de ses clients. « Dieu merci, car pour l’instant ils sont tous satisfaits » se réjouit-il tout en reconnaissant que c’est une activité qui lui permet de gagner honnêtement sa vie, mais qu’il ne souhaite pas mener longtemps car confrontée à de multiples aléas et assez précaire. A commencer par l’insécurité dans les ports d’arrivée. Il a ainsi tourner le dos au port de Lomé au Togo où, se désole t-il « on déshabille fréquemment les véhicules de leurs accessoires », au profit du port de Téma, au Ghana « où la sécurité des marchandises est mieux assurée ».

Souhaite t-il occuper des responsabilités dans les différentes structures du football burkinabè ? La question n’a jamais effleuré son esprit car, à 39 ans, marié et père de deux enfants, celui qui totalise une vingtaine de sélections en équipe nationale ne garde pas de bons souvenirs du « milieu footeux ». « Il n’y a pas de respect ni pour les entraîneurs ni pour les joueurs. Voyez comment souffrent les anciens internationaux au pays », fulmine t-il. Sachant que la reconversion est toujours difficile, « pourquoi un club n’organiserait-il pas un match de bienfaisance au profit d’un joueur, ce qui l’aiderait à mieux démarrer une nouvelle vie ? » s’interroge t-il, manifestement écœuré de constater le dénuement dans lequel se trouvent certains de ses anciens collègues.

Content du choix de « Saboteur » comme entraîneur des Etalons, « un homme rigoureux », Aboubacar Fofana « sportivement comblé », se dit néanmoins disposé à donner son avis sur les footballeurs burkinabè évoluant en Europe ; « si on me le demande ».

Par Joachim Vokouma
Lefaso.net

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