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CENI : Les élections houleuses de samedi soir

Publié le lundi 14 août 2006 à 08h09min

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Les organisations de défense des droits humains et des libertés ont procédé, le 12 août 2006 à Ouagadougou, à la désignation de leur représentant à la Commission électorale nationale indépendante.

Au terme d’une séance houleuse, c’est à Moussa Michel Tapsoba, président sortant de cette institution électorale, qu’elles ont réitéré leur confiance, après que ses concurrents eurent claqué la porte.

Après la rencontre préliminaire du 9 août 2006, la composante droits humains des organisations de la société civile (OSC) s’est donné rendez-vous le samedi 12 août 2006 pour la désignation de son représentant à la CENI. C’était dans la salle de conférences du ministère des Affaires étrangères. Les candidats au départ étaient : Mme Traoré Somkinda, Ouédraogo Hamado, Moussa Michel Tapsoba, Samandoulougou Lokré Célestin et Nacro Ousmane. Ils étaient respectivement issus de l’Association des femmes juristes du Burkina (AFJB), de la Fondation suivi de l’enfant en Afrique, du Groupe d’étude et de recherche pour la démocratie et le développement (GERDDES), du Mouvement pour la défense des personnes sans voix (MDPV) et de la Ligue pour la défense de la justice et de la liberté (LIDEJEL).

A 15 heures, les candidats sont entrés en concertation, à huis clos, sur certains aspects du vote. Pendant ce temps, dehors, une longue file d’électeurs délégués par 516 associations dont la liste était affichée dans le hall procédaient à la vérification de leur mandat. La presse aussi faisait le pied de grue, quand soudain, surgit du portique l’un des prétendants, en l’occurrence Ousmane Nacro, avec une mine des mauvais jours.

Il traversa la foule puis, à pas pressés, se retrouva de l’autre côté de la voie en face du ministère. Lorsque nous l’y rejoignons, sans trop le prier, il nous confie : "...Nous avons reçu hier (Ndlr : le 11 août 2006) à 17 heures 30, heure limite pour le dépôt des candidatures, un répertoire élevé de 516 associations, où l’on retrouve par exemple des structures de reporters photographes du Houet, d’éleveurs de volaille, de retraités du Faso, ... bref un fichier qui est tout sauf un fichier de défenseurs des droits humains".

Suite à ce constat, a-t-il poursuivi, 4 des 5 candidats ont formulé des recommandations visant à l’assainissement du fichier électoral sur la base uniquement des récépissés délivrés par le MATD ; à ne retenir que les associations de défense des droits humains et à revendication spécifiques ; à « un traitement diligent du fichier électoral par le CGD à proposer aux candidats pour appréciation et vérification, le lundi 14 août 2006 à 18 heures si possible » ; au regard de ce qui précède, « un report pur et simple de ces élections en vue de créer les conditions minimales acceptables de leur tenue le jeudi 17 août 2006." Par ces recommandations, les 4 candidats, selon lui, refusent d’être « les fossoyeurs de la base de la démocratie ».

Des querelles de clochers

Nonobstant cette position, poursuit-il, ceux qu’ils ont désigné, le 9 août dernier, le CGD, représenté par Augustin Loada, et la Cellule nationale de renforcement des capacités des OSC par Hien Jonas maintiennent leur position en arguant que comme toute élection au Burkina, rien n’est parfait. Sur les 5 candidats, il y a, dit-il, un seul qui persiste et signe que rien n’est parfait ici, que tout le monde fait droits de l’homme et qu’on ne peut pas soutenir qu’un groupement villageois ne fait pas droits de l’homme. Si d’aventure, clame-t-il, les partis politiques acceptent de porter à la tête de la CENI Moussa Michel Tapsoba, son association tirera toutes les conséquences de droit.

Mais plutôt que de débarrasser le plancher, il retourna dans la salle avec ses acolytes pour empêcher que ce qu’il appelle la mascarade n’ait pas lieu. Balayer du répertoire les associations des éleveurs, des bouchers, des « dolotières », de commerçants import-export,...telle était sa préoccupation. De retour dans la salle, Ousmane Nacro et ses inconditionnels tenteront vainement de faire échec au scrutin.

Toutefois, ils auront réussi à mettre dans l’embarras le directoire, surtout le professeur Loada, dont l’organisation avait la lourde mission de superviser le vote. Ce dernier, faut-il le dire, est néanmoins parvenu, non sans faire violence sur lui-même, à tirer son épingle du jeu en essayant de ménager tout le monde. En effet, il a peiné pendant plus de trois heures avant de pouvoir classer les querelles de clochers pour passer au vote. Les débats ont surtout piétiné sur la spécificité des organisations de bouchers, de « dolotières » de quartiers ou de provinces...Le camp d’Ousmane Nacro soutenant que celles-ci ne sauraient se réclamer des défenseurs des droits humains, et les autres, le contraire.

Au terme de débats houleux, les candidats contestataires claquèrent la porte après s’être exprimés. Le scrutin, qui s’est déroulé selon le mode de bulletin secret, a pris fin après 21h en faveur de Moussa Michel Tapsoba, le président sortant, avec 226 voix contre 1 à Mme Traoré, 0 à Hamado Ouédraogo, 4 à Samandoulougou Lokré, 9 à Ousmane Nacro.

Le vainqueur a dit mesurer l’ampleur de la tâche qui l’attend. D’ailleurs, ce n’est pas, à ses dires, de gaieté de coeur qu’il s’est porté candidat. C’est le souci de la professionnalisation de la CENI qui l’a motivé. S’agissant de la position de ses adversaires sur la spécificité des associations, pour sa part, chacune d’elles, qu’elle soit nationale ou locale, fait des droits humains. Il dit préférer d’ailleurs l’association qui agit dans son petit terroir que celle qui n’a de nationale que de nom.

Les regards sont maintenant tournés vers les partis politiques de l’opposition qui désigneront leurs mandataires le 16 août prochain. Un nouveau rendez-vous d’empoignades, peut-être plus scandaleuses que celles que les candidats frondeurs des organisations des droits humains nous ont servies.

Hamidou Ouédraogo
Observateur Paalga

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