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Commission d’enquête indépendante (CEI) : On la savait manipulée

Publié le vendredi 11 août 2006 à 07h34min

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Mise en place pour faire la lumière sur l’assassinat de Norbert ZONGO, la Commission d’enquête indépendante (CEI) n’a pu se défaire en son temps de la mainmise du MBDHP et de Reporters Sans Frontières (RSF) au point de quitter la route pour foncer dans le décor.

De manipulations en manipulations, elle avait abouti à des conclusions biaisées qui ont consisté en la désignation de six "suspects sérieux" tous membres du Régiment de Sécurité Présidentielle (RSP). Mais huit ans après, la justice dans sa raideur ramène tout le monde à la réalité : les faits et rien que les faits doivent guider le dossier. "Basta" les machinations et autres échafaudages à dessein !

La mise en place de la Commission d’enquête indépendante (CEI) le 18 décembre 1998 après le drame de Sapouy avait été saluée par tout le monde. Toutes les conditions étaient réunies pour qu’elle réussisse sa mission. En effet, son indépendance était garantie - 10 membres sur 14 étaient de la société civile - et les moyens étaient mis à sa disposition pour qu’elle puisse se mettre à la tâche en toute sérénité pour arriver à des résultats contribuant à la manifestation de la vérité. Beaucoup d’observateurs n’avaient pas manqué de le souligner à l’époque.

Dans son souci légitime de montrer et sa bonne foi et son innocence dans ce drame, le Pouvoir avait accédé à toutes les revendications du Collectif, jusqu’aux plus saugrenues.
Mais l’important n’était pas là. Ce dont les gens avaient surtout besoin, c’était de voir enfin le dossier pris en charge par qui de droit et que cette indépendance tant attendue puisse servir les objectifs sinon l’objectif principal de la CEI, à savoir la lumière, toute la lumière sur le drame de Sapouy.

Autrement dit et c’est une évidence, c’est parce que Sapouy n’avait pas révélé l’identité des auteurs de cet acte crapuleux que la nécessité de mettre sur pied cette commission s’était imposée à tous. Mais très vite, il est apparu des menaces à même d’affecter son fonctionnement. L’impression que nombre de gens ont eue, c’est qu’en fait, la CEI en s’émancipant de la tutelle du Pouvoir s’était mieux aliénée au collectif son inspirateur et avait hypothéqué son indépendance chèrement acquise.

Déjà sa composition faisait la part belle à un aréopage d’opposants déclarés ou virtuels du pouvoir qui ne rêvaient que d’en découdre et qui ont vite fait de trouver là matière à exercer leurs talents de manipulateurs.
On s’était donc rendu compte que le bébé accouché dans la douleur traînait des tares congénitales liées à sa composition, portant ainsi en lui-même les germes de la dérive partisane.

Le ver était dans le fruit

En bonne conséquence l’attitude de ces messieurs et dames qui se faisaient les champions de la croisade pour l’indépendance de la structure n’a pas réellement surpris.
Dans leur vision trop opportuniste des choses, l’indépendance signifiait l’occasion donnée à eux de peser sur la commission dans le sens de leurs intérêts.

Ils ont d’abord réussi à créer un climat malsain autour et au sein de la commission en maintenant une commission parallèle réduite pratiquement à un individu, Halidou OUEDRAOGO, ci-devant président du Collectif qui, non content d’avoir placé son homme, le juge Kassoum KAMBOU à la tête de la CEI, a passé tout son temps du dehors, à exercer sur celui-ci et sur les autres des pressions indécentes de sorte à faire avaliser leurs vues.

Cette attitude laissait apparaître que la CEI était l’objet d’attentes contradictoires. Pour le Collectif, le coupable était tout indiqué : c’était le Pouvoir et la Commission devait le confirmer. Et pour mieux la prendre en otage le Collectif avait occasionné un rapport d’enquête parallèle, inondait le pays de tracts et initiait des "témoignages" complices.

C’était une course à la fabrication de « preuves » et scénarii jusqu’aux plus farfelus pour faire porter le chapeau au Pouvoir. S’était joint à ce sport favori, un certain Robert MENARD, le « tout-puissant » SG de RSF qui à la tête d’une mission de son organisation avait déjà abouti à une conclusion, aux allures de sentence, « la thèse du meurtre lié au journalisme d’investigation pratiqué par Norbert ZONGO, et plus particulièrement à ses enquêtes sur la mort du chauffeur de François COMPAORE, et les passe-droits dont bénéficiait le frère du Chef de l’Etat dans cette affaire ».

Un parti pris qui en plus du fait de menacer en son temps la paix sociale avait porté un sérieux coup à la crédibilité de la CEI dont était membre ledit MENARD. Cette enquête de salon menée par un social anarchiste teinté d’un "sankarisme" de circonstance n’a donc pas manqué d’influencer la CEI dans son travail. On avait ainsi réussi à inverser l’ordre des choses dans le travail de la Commission. On ne cherchait plus de coupable mais à réunir des preuves contre un coupable tout désigné. Et la moisson fut mauvaise.

D’ailleurs, lorsque le lien entre les affaires « David OUEDRAOGO » et « Norbert ZONGO » que l’échafaudage commandait d’établir avait été battu en brèche par les faits, les « conditionnés » de la CEI qui avaient plus d’un tour dans leur sac, avaient tenté une démission spectacle dont l’objectif était de provoquer le chaos. Manifestement, quelque part, l’on sentait l’affaire déviée de la trajectoire que l’on tentait de lui imposer.

L’inculpation de Marcel ou l’assouvissement d’un dessein
La seule certitude à laquelle la CEI est parvenue est le meurtre.

Ainsi, à la recherche des auteurs du crime, elle a avoué son désarroi : « il a été plus difficile en revanche, de trouver les auteurs du crime. D’autant que les témoins oculaires n’ont pu identifier formellement les hommes et les véhicules incriminés et que ni les armes, ni les véhicules utilisés par les auteurs du crime n’ont pu être découverts à ce jour. Mais d’autres éléments ont permis d’avancer dans l’identification des meurtriers ».

Et ces fameux éléments sont ce que nous savons tous : les problèmes de concordance des emplois de temps de six Burkinabè. Comme si dans tout le pays ce sont les seuls à être, quatre mois après les faits, dans l’incapacité de dire à l’heure près ce qu’ils faisaient ce dimanche 13 décembre 1998.

A défaut de preuves matérielles, la commission a privilégié l’hypothèse d’un crime commis par le Pouvoir en mentionnant qu’« au vu de la logistique et des moyens utilisés, on se rend compte que l’opposition ne dispose pas de tels moyens pour réussir une telle opération ».

Qu’en sait-elle ? A titre d’exemple connaît-elle d’où un Hermann YAMEOGO tire ses ressources pour mener sa vie de pacha, lui dont on ne connaît aucune activité rémunératrice connue ? Connaît-elle les connexions et les alliances extérieures de tous les membres de cette opposition et a-t-elle évalué leurs capacités de mobiliser les moyens dont elle suppose qu’il a fallu disposer pour commettre les crimes ?

Elle ne s’appuie sur aucun fait tangible, se contentant de tirer des conclusions à partir des convictions ou de la manipulation de certains de ses membres, en renvoyant tout le monde sur la piste longtemps tracée par le tandem collectif/RSF. En réalité, en épinglant les « boucs émissaires » que sont des éléments de la sécurité présidentielle cités comme des « sérieux suspects », la CEI remplissait parfaitement son rôle. Rien de plus, rien de moins.

Elle pouvait donc passer le témoin sous l’œil intéressé de son mentor, le Collectif.
C’est au juge d’instruction Wenceslas ILBOUDO que la patate chaude a été refilée à charge pour lui de légitimer et de légaliser les échafaudages orchestrés.
Ainsi commençait une autre affaire dans l’affaire.

Par DRISSA Traoré

L’Opinion

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