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Renouvellement de la CENI : La bagarre est ailleurs

Publié le vendredi 11 août 2006 à 07h58min

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Le 16 août 2006 sera déterminant dans l’histoire électorale au Burkina, car, c’est à cette date que la Commission électorale nationale indépendante (CENI) fera peau neuve. En effet, le mandat des membres actuels de cette structure arrive à expiration. Il faudra donc, dans le respect de l’article 5 de la loi électorale, trouver 5 représentants issus de la majorité présidentielle, 5 de l’opposition et 5 autres de la société civile.

Désigner des gens, cela n’a rien de sorcier, pourrait-on dire. Seulement, la donne est tout autre du côté de l’opposition où un grief important est fait à l’Alliance pour la démocratie et la fédération - Rassemblement démocratique africain.

En effet, "ceux qui s’opposent" n’entendent plus voir dans leurs rangs l’ADF-RDA, au motif que le parti et son leader, Me Gilbert N. Ouédraogo, lors de la présidentielle de novembre 2005, s’étaient débarrassés du titre de chef de file de l’opposition pour soutenir Blaise Compaoré, le candidat du CDP, le parti au pouvoir. Des opposants enfoncent le clou en relevant que l’ADF-RDA participe d’ailleurs au gouvernement de Blaise Compaoré dont il applique le programme.

Bien évidemment, avec ces arguments qui sont loin d’être de moindre portée, le parti de l’éléphant dit être bel et bien de l’opposition. Bien malin, celui qui dénouera cet écheveau avant le 16 août prochain, le jour J de la désignation des nouveaux membres de la CENI. Assistera-t-on à de chaudes empoignades, comme nous l’annoncions dans notre édition d’hier ? Il faut espérer le contraire, car il y a plus urgent à faire. Pourquoi tirer à hue et à dia sur une question qui, sans être "sans objet", n’est pas la plus fondamentale des priorités ? Et si, qu’on soit de la majorité, de l’opposition ou de la société civile, ou encore du gouvernement, on cherchait à rendre davantage cette CENI plus fiable ?

Pour la transparence des élections et la beauté de la démocratie, le problème de fond reste entier et nécessite la mise en train d’un appareil électoral en mesure d’organiser les élections les moins contestables. Il urge de mettre à profit l’accalmie postélections présidentielle et municipales pour purger la CENI de toutes ses lacunes qui lui ont, de tout temps, été reprochées.

Certes, c’est important de savoir qui est qui, et qui fait quoi dans notre jungle politique où l’idéal et la foi idéologique n’ont jamais été les vertus cardinales. Mais, avant même les bagarres pour le positionnement à la CENI, a-t-on réellement jamais su qui est de l’opposition ou qui ne l’est pas ? Finalement, l’ADF-RDA et d’autres partis qui ont soutenu la candidature de Blaise Compaoré ne sont-ils pas ceux qui reçoivent le plus de coups de la part du parti au pouvoir ?

L’après-présidentielle, les joutes et les crocs-en-jambe des municipales, la mise en place et le fonctionnement chaotiques de certains conseils municipaux ont été effectivement très éprouvants pour ces partis qui "aiment" Blaise Compaoré mais "détestent" le CDP qui le leur rend également très bien.

Le Burkina est, sans doute, l’un de ces pays où l’opposition a contribué, par divers actes posés par nombre de ses leaders, à se décrédibiliser constamment. C’est vrai que c’est un pays de savane où tout se voit, mais, la nuit, tous les chats sont gris, ce qui rend difficile la distinction des couleurs politiques.

Tout se confond et seuls les plus habiles arrivent à tirer leur épingle du jeu en "s’opposant" le jour et en servant les intérêts du pouvoir la nuit. Sinon, comment comprendre tous ces grands écarts de langage de certains leaders de l’opposition, et ces alliances contre nature qui se nouent, se dénouent et se renouent, le tout dans le but ultime de conforter le pouvoir en place ? Le peuple, qui, chaque fois, fait les frais de ces revirements, ne sait plus où donner de la tête, ne réussissant presque jamais à distinguer la ligne de démarcation entre les partis qui s’opposent vraiment et ceux qui font semblant de le faire.

In fine, la charte qui régit les partis politiques et range certains dans l’opposition, et d’autres dans le pouvoir apparaît inopérante. Sur le terrain, la réalité est autre, et la politique semble se réduire à un tremplin rapide et sûr pour accéder au mieux-être social. Ainsi, la course à la CENI prend des allures d’un marathon au bout duquel on ne vise que les avantages matériels que le statut de commissaire procure.

Il nous semble qu’une CENI bien élaborée, animée par des membres honnêtes, ne pourrait être l’objet d’une quelconque manipulation par un représentant, qu’il soit de l’opposition ou du pouvoir. Il ne faudrait pas occulter le fait que l’actuelle CENI, vouée aux gémonies, soit également composée de délégués du pouvoir, de l’opposition et de la société civile. Malheureusement, il semble qu’au Burkina, chaque parti s’accroche à la défense de sa chapelle, et toutes les formations politiques savent aussi fédérer leurs énergies quand l’intérêt "commun" est menacé. Il suffit de voir comment les uns et les autres combattent les candidatures indépendantes !

Une chose est certaine, en lieu et place des querelles divisionnistes, il est temps d’oeuvrer pour une CENI crédible. Etant donné qu’il est difficile, voire impossible, pour la majorité des partis politiques, de s’ériger en donneurs de leçons.

Le Pays

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