LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Pr. Joseph KI-Zerbo, lauréat du prix RFI-Témoin du monde : « L’afro-pessimisme est un affreux-pessimisme »

Publié le vendredi 19 mars 2004 à 06h55min

PARTAGER :                          

L’amphithéâtre Louis Liard de l’université Paris-Sorbonne était plein comme un œuf le mercredi 17 mars 2004. Raison, un colloque sur le thème « Mondialisation : l’Afrique, une identité en question », organisé par Radio France International (RFI), en marge de la remise du prix « RFI-Témoin du monde » décerné à Joseph Ki-Zerbo, historien, intellectuel, homme politique de l’Afrique du XXè siècle.

Deux temps forts ont marqué ce colloque. D’abord une première partie intitulée « Joseph Ki-Zerbo dans le siècle » a réuni autour de Gilles Schneider de RFI, modérateur, quatre chercheurs et professeurs que sont Jean-Pierre Chrétien (directeur de recherches émérite au CNRS), Elikia M’Bokolo (directeur d’études à l’EHESS), Pierre Kipré (professeur à l’université d’Abidjan) et Mwayila TShiyemdé (Directeur de l’Institut panafricain de géopolitique de Nancy).

Pendant plus d’une heure, ces sommités ont tenté de mettre en perspective l’engagement du Pr. Joseph Ki-Zerbo et la place du continent africain dans la mondialisation. Jean-Pierre Chrétien a axé sa réflexion autour du métier d’historien en Afrique où une place de choix a été accordée aux sources orales. Ki-Zerbo a réussi, dira-t-il, à restituer une identité aux Africains par un travail de mise en valeur des dynamiques des sociétés africaines.
Par ce travail titanesque, Ki-Zerbo, historien africain, a réécrit l’histoire de l’Afrique dans une perspective de rectification des clichés. Aussi, partage-t-il l’affirmation de Ki-Zerbo, lorsque celui-ci déclare que « la mondialisation existait en Afrique depuis le 16è siècle » par les techniques de transport des plantes agricoles d’Amérique vers l’Afrique, les différentes séries de révolution agricole dans les régions des Grands Lacs, etc.

Quant à Elikia M’Bokolo, il a essayé de restituer la genèse de la pensée chez Ki-Zerbo, un historien qui s’est inscrit dans un combat politique à sa sortie d’université dans les années 1950. Premier agrégé africain d’histoire, Joseph Ki-Zerbo était marqué par deux tentations propres aux intellectuels de l’époque : la première était d’affirmer et de proclamer ses origines africaines, et la seconde, de trouver des pistes de solution pour sortir l’Afrique du joug de la colonisation et du sous-développement.

Pierre Kipré s’est appesanti sur « Joseph Ki-Zerbo et la question de l’Etat-nation en Afrique ». De par sa dimension d’intellectuel spécifique, affirme-t-il, Ki-Zerbo s’est servi de l’histoire comme un moyen de combat. En Afrique, il n’existe pas d’Etat-nation comme en Occident mais plutôt un enchevêtrement de citoyens. Depuis le 16è siècle, souligne Kipré, quelque chose s’est cassée en Afrique par le fait colonial, et il est difficile de le reconstituer aujourd’hui. Avec la colonisation ; il y a eu une décapitation des anciens empires africains, qui, loin de constituer des Etats-nations, avaient une vision de gouvernement fédéral avec un emboîtement des peuples. Ces peuples avaient une ouverture vers l’étranger malgré le système de développement endogène, cher au Pr. Ki-zerbo.

J. Ki-Zerbo (boubou bleu)
à l’hémicycle burkinabè

Enfin, Mwayila Tshiyembé a exposé sa conception de la refondation de l’Etat africain et la mondialisation pour dire que les erreurs commises proviennent des « Pères africains » des indépendances qui n’avaient aucun projet de société au départ ; certains avaient opté pour le communisme comme solution facile ; d’autres s’étaient focalisés sur le panafricanisme. Dans les deux cas, les "Pères des indépendances", n’avaient rien prévu comme projet de société.

La seconde partie a été un échange autour de la mondialisation et des mondialisés. Sur ce thème d’actualité, les animateurs, Issaka Mandé (maître de conférence à l’université Paris VII et chercheur au CNRS), Romuald Fomkua (maître de conférence à l’université Cergy-Pontoise), Tanela Boni (professeur de philosophie à l’université d’Abidjan), Roland Colin (président de l’IRFERD) et Henri Rouillé d’Orfeuil (président de Coordination Sud de la fédération française des ONG de solidarité internationale) ont mis en exergue les différentes facettes de la mondialisation qui n’est pas seulement économique, mais aussi culturelle, sociale, politique et se présente de nos jours comme une médaille et son revers.

Au terme de près de trois heures d’échanges, le mot de la fin est revenu à Joseph Ki-Zerbo, qui a eu une pensée pour les disparus en empruntant à Birago Diop la formule célèbre « Les morts ne sont pas morts ». Réagissant aux propos tenus à son égard, il a déclaré qu’en écoutant « ses cadets », il s’est senti ressuscité, avec beaucoup d’espoir.

Son livre « A quand l’Afrique ? » est-il une réplique à René Dumont, auteur de « L’Afrique noire est mal partie » et à Stephen Smith avec « Négrologie » ? Ki-Zerbo répond que son ouvrage est un message d’espoir et d’interprétation. « La mondialisation, c’est le clonage culturel, le sacrifice humain ». Il s’inscrit vigoureusement contre l’afro-pessimisme, parce que c’est de « l’affreux-pessimisme ». « Ce qui manque à l’Afrique, c’est une pensée stratégique et globale avec des objectifs précis », a conclu le professeur Joseph Ki-Zerbo.

Lefaso.net


« A quand l’Afrique ? »

Tel est le titre de l’ouvrage primé par RFI. Et pour paraphraser Georges Balandier*, ce livre « révèle une interrogation longtemps répétée, et une attente devenue plus impatiente par la force des choses ».

Produit d’un historien hors pair, doublé de l’intellectuel engagé, « qui montre, dénonce et appelle inlassablement à l’action », ce livre se résume en un appel à la jeunesse africaine, et d’abord à celle du Burkina (la patrie du Pr. Ki Zerbo) avec la célèbre formule « Si nous nous couchons, nous sommes morts ».

Ki-Zerbo dénonce, tantôt avec une réserve indulgente lorsqu’il regrette le désengagement des jeunes, tantôt avec une vigueur accusatrice, lorsqu’il interpelle les dirigeants africains en connivence avec ceux qui contribuent à l’exploitation cynique et éhontée du continent. Ki-Zerbo reconnaît que la croissance économique n’est pas le développement, que la mondialisation, sous l’effet des grandes institutions financières n’a pu être équitablement partagée, etc. C’est pourquoi, il souhaite la formation d’une société civile internationale largement ouverte, et l’émergence de solidarité panafricaine propice à un développement endogène.

Le combat de Ki-Zerbo est double. D’abord en tant qu’intellectuel, il en appelle à une Afrique des cultures utilisant le potentiel de ses industries culturelles, et soustraite au risque de cloisonnement par des échanges culturels équitables avec les pays du Nord. En tant que pédagogue, ou plutôt éducateur, il reprend, en l’enrichissant, son plaidoyer pour une éducation prioritaire. Sans cet appui, la transformation de la société est illusoire, car celle-ci ne peut accéder à la réelle maîtrise de son histoire. Une affirmation qui est sans doute la marque d’une haute conception de l’action politique. Elle fait de KI-Zerbo, comme écrit Georges Balandier, « un acteur politique sans complaisance, qui s’est présenté ironiquement comme l’opposant de toujours au Burkina Faso. Il est, tout en maintenant sa vigueur critique et autocritique, celui qui propose inlassablement, celui qui agit pour ne plus avoir à se poser cette question : à quand l’Afrique ? »

Lefaso.net

* Communication de Georges Balandier (Centre d’études africaines/ Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales).

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 6 août 2004 à 20:29, par Collectif des étudiants archivistes stagiaires En réponse à : > Pr. Joseph KI-Zerbo, lauréat du prix RFI-Témoin du monde : « L’afro-pessimisme est un affreux-pessimisme »

    BONJOUR MONSIEUR KI -ZERBO

    Nous sommes un groupe d’étudiants archivistes en stage à la Direction des Archives Nationales du Bénin.C’est au cours dudit stage
    qu’on constata la disparition de votre ouvrage intitulé << HISTOIRE DE L’AFRIQUE NOIRE>>.Malheureusement après maintes recherches
    sur le marché béninois du livre , nous n’avons pas pu le retrouver.
    Sur ce,nous vous supplions de bien vouloir nous aider à acquérir
    ce document dont la disparition pose préjudice à notre stage.
    Veuillez nous indiquer auprès de qui ou comment nous en procurer ; si possible nous l’expédier à BP990 ENAM/COTONOU/ BENIN en prisant les conditions de paiement ou de remboursement.
    Dans l’espoir d’une suite favorable à notre requête,veuillez agréer
    Monsieur l’écrivain l’expression de notre très haute considération.
    pour le collectif des étudiants et po
    Le responsable
    VINAGBE A. Britanicus

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique