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Décès du père de Thomas Sankara : Il y avait du monde à Paspanga

Publié le lundi 7 août 2006 à 08h04min

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Admis à la clinique Saint Jean, il y a environ cinq jours de cela, Sambo Joseph Sankara, le père du père de la Révolution démocratique et populaire (RDP), le capitaine Thomas Sankara, est décédé le 4 août 2006. Né vers 1919, à Sitoèga (Bokin), c’est une famille attristée que le "vieux" laisse derrière lui.

Sambo Joseph Sankara est décédé aux environs de 7h, à la clinique Saint Jean. C’est dans cette même clinique qu’il a toujours été hospitalisé chaque fois qu’un malaise le prenait. Toutes les fois où il y était admis, le "vieux", comme l’appelle la grande majorité, recouvrait toujours la santé avant de rejoindre son domicile. Quand le mal l’a donc pris, son entourage s’attendait à le revoir au bout de quelques jours. Mais le ciel en a décidé autrement cette fois-ci.

C’est plus la force de l’âge que la maladie qui l’a emporté, ont affirmé certains proches de la famille. Sambo Joseph Sankara avait à ce jour 87 ans, et était père de 9 enfants. Son enterrement aura probablement lieu le mercredi 9 août 2006, dans l’après-midi. "Nous avons reçu des coups de fil de nos frères et soeurs qui sont en Europe, nous demandant de les attendre pour l’enterrement du vieux", nous a confié un des fils du défunt, Valentin Sankara. La famille a donc décidé de conserver le corps dans une chambre froide en attendant cette date. Pour l’heure, on s’active à préparer la tombe, à son domicile, aux côtés de son épouse.

Sambo Joseph Sankara a été gendarme de profession. C’est en février 1967 qu’il prit sa retraite. Le fait qu’il soit mort un 4 août, date anniversaire de la Révolution, est un signe fort pour beaucoup.

La tristesse se lisait sur les visages lorsque nous sommes arrivés dans la famille du défunt. Un de ses frères, certainement le doyen, après Sambo Joseph Sankara, tout comme deux des enfants du défunt n’ont pas voulu s’exprimer.

"Ce n’est pas le moment. Excusez-nous s’il vous plaît, mais vous pourriez revenir plus tard. Le moment n’est pas propice pour parler", nous a lancé une femme, certainement une proche de la famille. Néanmoins, nous avons voulu insister. C’était peine perdue. On croirait que tous s’étaient passés le mot.

Des jeunes gens, sûrement des voisins, des amis, des parents de la famille s’affairaient à creuser la tombe où sera inhumé le vieux Sankara.

En attendant de revenir sur ce triste événement, les Editions "Le Pays" présentent à la famille éplorée, leurs condoléances les plus attristés.

Par Christine SAWADOGO


Réactions de proches et de partis politiques

Mousbila Sankara, parent du défunt : Le sentiment qui m’anime présentement est celui d’un homme qui perd un proche parent auquel il était habitué. Nous évoquions avec lui, un certain nombre de sujets, et c’est un grand vide qu’il laisse dans notre vie. Comme je suis de la famille, il m’est difficile de vanter ses mérites. Il a été un gendarme et c’était quelqu’un de très actif. Il s’occupait des problèmes sociaux qui survenaient dans la famille. Il n’était pas difficile d’obtenir son aide, quelle que soit la situation. Le 4 août est une date historique pour nous. Le fait qu’il soit mort aujourd’hui est un signe fort. Moi, j’aurais souhaité que l’on soit en train de fêter actuellement une naissance pour renforcer la Révolution.

La mort du vieux un 4 août constitue un symbole. C’est l’âge qui l’a emporté. Nous pensions qu’il allait revenir de la clinique encore une fois. Cela n’a pas été le cas. Il y avait des moments où ça allait mais parfois aussi, il souffrait. Il a d’abord fait un accident où il a eu une fracture au pied. Il a été soigné en Europe et il est revenu. Entre-temps, les séquelles de cet accident le faisaient souffrir encore, et après, ce sont les signes de la vieillesse qui ont commencé à se manifester.

Norbert Tiendrébéogo, FFS : "Le Vieux est décédé aux environs de 7h30, à la clinique Saint Jean, où il a été admis depuis cinq jours. Ce n’était pas la première fois qu’il était admis à cette clinique. Bien au contraire, cela faisait plus d’une dizaine de fois. Je crois que c’est l’âge qui l’a emporté, plus que la maladie. C’est quelqu’un qui a plus de 80 ans. Cette mort est donc un voyage qu’il effectue. Le vieux Sankara représentait pour moi un papa. Il a été un rassembleur. Il acceptait tout le monde, y compris ceux qui se cachaient derrière des parents pour se réclamer amis de son fils, Thomas Sankara. Il n’a jamais eu de haine dans son coeur. Il est mort en bon chrétien et a vécu une vie d’homme plein. Je pense qu’il a été le digne père de son fils.

Compte tenu de son grand âge, nous ne nous mettrons pas à pleurer. Mais lorsque quelqu’un nous quitte, on ressent toujours un mal profond. C’est cela aussi la vie. On vient sur terre un jour et on en repart un autre jour. Chacun de nous souhaiterait atteindre l’âge qu’il a atteint avant de repartir vers l’Eternel.

Le fait qu’il soit mort un 4 août est la grâce de Dieu. Pour nous, c’est un grand signe.

Me Bénéwendé Stanislas Sankara, UNIR/MS : Ce sont des sentiments de tristesse qui m’animent comme à chaque fois que l’on perd un être cher. C’est également un sentiment de vide qu’il laisse, parce que papa Joseph était un patriarche autour duquel convergeaient, non seulement, la famille au sens étymologique du terme, mais aussi la famille sankariste. Ce vide ne peut jamais être comblé et nous pleurons véritablement la mort de celui qui a été le père du père de la Révolution, Thomas Sankara.

Nous ne pouvons qu’avoir des pensées et une prière à son endroit, pour que la terre libre du Burkina lui soit légère. Il est resté un homme digne, intègre, un exemple que l’on ne trouve pas facilement au Burkina Faso. Nous souhaitons que de là où il sera, il puisse veiller sur nous. La vie est ainsi faite. La mort est incontournable.

Sa mort un 4 août est un signe fort pour l’ensemble des Burkinabè. Il a choisi une date symbolique et historique pour partir. Au-delà de l’unité familiale, il faisait l’unité de tout le peuple burkinabè.

Le départ du vieux est une interpellation, une invite au peuple burkinabè à avoir un sursaut et à considérer la Révolution démocratique et populaire comme une pérennité de valeurs que nous devons défendre en tant qu’idéal, à travers papa Joseph. Ce départ marque d’une pierre ce que la Révolution a été pour les Burkinabè.


Des dates qui ne mentent pas

En Afrique, on dit que les morts ne sont pas morts. En Afrique aussi, on dit qu’un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle. En Afrique encore, on dit que toute mort a une signification et on sait toujours qui a tué qui, même si certaines affirmations et cérémonies ont démontré leurs limites objectives.

Au Burkina, Joseph Sankara vient de prouver que la date d’un décès peut être également lourde de sens. En effet, c’est le 4 août, c’est-à-dire date anniversaire de l’avènement de la Révolution burkinabè dont son fils Thomas Isidore Sankara est le père, que Sambo Joseph a choisi pour partir.

Le vieux a rejoint son fils dans le royaume des ancêtres à 87 ans. Ne sont-ce pas ces deux chiffres qui représentent 1987, année qui a connu la disparition tragique de Thomas, emporté par un coup d’Etat, un certain 15 octobre 1987 ? En tout cas, l’Afrique peut toujours garder avec fierté son qualificatif de "continent des mystères".

Propos recueillis par Christine SAWADOGO

Le Pays

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