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Jean Hubert Yaméogo (SONABHY) : « Aucune perspective de baisse de prix des hydrocarbures en vue »

Publié le vendredi 4 août 2006 à 07h56min

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Jean Hubert Yaméogo

Tandaogo Jean Hubert Yaméogo, directeur général (DG) de la Société nationale burkinabé des hydrocarbures (SONABHY) sort de son mutisme. Le « Monsieur Carburant » du Faso se confie de tout cœur et donne sa lecture de la hausse des prix, se prononce sur la grogne sociale, dévoile le plan stratégique de sa société, évoque le détournement au Bénin de produits pétroliers destinés au Burkina Faso...

Entre impuisance, aveux, incertiudes et solutions possibles, le DG de la SONABHY, comme pris dans la turbulence du marché pétrolier, s’accroche à tout pour éviter toute pénurie.

Sidwaya (S.) : La hausse du prix du carburant est au cœur de la grogne sociale contre la vie chère au Burkina Faso. Quelle est votre lecture de la situation ?

Tandaogo Jean Hubert Yaméogo (T.J.H.Y.) : La SONABHY jouit d’un monopole de droit pour l’approvisionnement du pays en hydrocarbures. De ce fait, tout ce qui se rapporte aux prix du carburant en bien ou en mal interpelle cette société. Ainsi, la grogne sociale autour de la vie chère nous concerne tous. D’abord en tant que citoyen burkinabè, car notre pouvoir d’achat s’en ressent. Ensuite, en tant que structure chargée de l’approvisionnement du pays, la SONABHY se sent au cœur de tout ce qui se passe sans être responsable. Il convient alors à un moment ou à un autre, de donner l’information vraie sur cette question afin d’éclairer l’opinion publique.

Le Burkina Faso n’est pas un pays producteur de pétrole. Et les prix des produits pétroliers varient tous les jours sur le marché international. Les prix sont fixés et connus. Pour la SONABHY, sa responsabilité se situe dans le fait qu’elle déploie tous les moyens aux fins d’acquérir sur le marché international, les produits pétroliers au moindre coût. Elle le fait avec suffisamment de succès. Car lorsqu’on compare les prix d’acquisition de nos produits rendus dépôt côtier au prix des autres pays, ceux de la SONABHY sont très compétitifs. Ils sont même en deçà de ceux d’un certain nombre de pays voisins.

Nos prix sont compétitifs du fait que nous nous approvisionnons par appel d’offre ou à partir de contrats à terme. Nous diversifions nos sources d’approvisionnement afin d’avoir des produits à des prix intéressants pour le pays. Nous nous sentons certes concerné par la grogne sociale notamment sur la vie chère. Mais nous ne pouvons pas grand chose pour ce qui concerne les prix. Pour ce qui est de la sécurité énergétique du pays, nous faisons le maximum pour qu’à aucun moment de la vie de notre pays, le citoyen burkinabè, le consommateur burkinabè ne soit privé de carburant alors qu’il a la possibilité d’en acquérir. C’est pour cela que la SONABHY a prévu un stock de sécurité pour assurer la continuité de l’approvisionnement dans tous les cas au Burkina Faso. Lorsque les prix montent, des efforts sont faits de part et d’autres.

S. : Quelles sont les mesures d’urgence prises pour pallier une telle situation de hausse de prix qui perdure ?

T.J.H.Y. : En dehors de la recherche des produits pétroliers à moindre coût, sur le marché international par la SONABHY, le gouvernement burkinabè a consenti des efforts depuis la flambée des prix. Une Commission interministérielle de conjoncture a été mise en place. Cette commission après avoir réfléchi sur la situation qui prévaut, a fait des propositions au gouvernement. La structure des prix a été passée au peigne fin afin de voir à quel niveau on pouvait faire des aménagements afin de rendre le produit accessible au consommateur. A ce propos, notre ministre des Finances a adressé une correspondance à son homologue béninois pour attirer son attention sur le fait que ce pays nous applique des taxes qu’il n’aurait pas dû, compte tenu de notre situation de pays de l’hinterland. Suite à cette correspondance, le Bénin a réagi positivement à tel point que nous avons pu réaliser de petites économies dans la structure des prix.

En 2000, la SONABHY a connu des moments très durs du fait d’un blocage des prix malgré des hausses au plan international. Il était prévu que la SONABHY récupère progressivement ce qu’elle a perdu. Mais compte tenu de la situation actuelle, les autorités ont décidé de mettre un terme à cela. Cela a contribué énormément à amoindrir le coût des hydrocarbures. Dans la recherche toujours de facilités pour le consommateur, nous avons négocié et obtenu auprès de la Société ivoirienne de raffinage (SIR) des prix que les autres clients n’ont pas à ce jour.

D’autre part, au plan régional, la SONABHY est partie prenante avec d’autres sociétés sœurs à la recherche de solutions pour mettre des produits pétroliers à moindre coût à la disposition du consommateur. A ce titre, notre pays a abrité en début du mois de juillet une rencontre de l’ensemble des directeurs généraux des sociétés chargées de la question des hydrocarbures dans l’espace UEMOA. Etaient présents le Bénin, le Sénégal, le Niger, le Mali, le Togo, le Burkina Faso. Nous nous sommes retrouvés pour évaluer la situation qui inquiète plus d’un et formuler des propositions à nos autorités. Il s’agit notamment d’envisager des importations groupées de sorte à avoir des produits à des prix intéressants liés aux quantités importantes que nous allons acheter.

Nous avons aussi réfléchi et envisager des réponses sur l’insuffisance des capacités de stockage de nos différents pays. Sur ce volet, l’exemple du Burkina est assez édifiant. Car si à l’instant « T », un trader quelconque qui dispose d’un bateau d’hydrocarbures sur la côte nous propose des produits à des prix intéressants, nous pouvons ne pas être en mesure de l’acquérir puisque nous ne disposons pas d’une grande capacité de stockage.

Quand nous achetons les produits sur le marché international, nous devons négocier les creux au niveau de la côte pour y stocker nos produits. Généralement, nous stockons nos produits à la Société togolaise de stockage de Lomé (STSL) au Togo. Pour le loyer, nous payons entre 7 et 8 F CFA le litre stocké avant de convoyer le produit au Burkina Faso. Il s’agit là de contraintes dues à notre situation de pays enclavé que le consommateur ne maîtrise forcement pas à première vue. En somme, chaque pays de la sous-région, dans sa singularité rencontre des difficultés quant à l’approvisionnement en produits pétroliers.

Au cours du forum de Ouagadougou, nous avons ensemble interpellé nos autorités sur la préoccupation de manque de capacité de stockage. L’espace UEMOA compte deux importantes raffineries sur la côte. Il s’agit de la SIR en Côte d’Ivoire et de la Société africaine de raffinage (SAR) au Sénégal. Si on convenait d’acheter du brut ou de faire toutes nos commandes à partir de ces deux raffineries, cela leur permettraient en retour d’augmenter leur capacité pour satisfaire notre marché. Peut-être, une telle mesure permettra de diminuer les prix des hydrocarbures auprès du consommateur.

A l’échelle de la CEN-SAD également, des solutions sont recherchées pour pallier la cherté des prix des produits pétroliers. Sur la question, il y a eu des rencontres à Ouagadougou, à Rabat au Maroc et à Tripoli en Libye. Proposition a été faite de créer un fonds d’appui qui sera alimenté par les gains dégagés par les pays producteurs de pétrole de la CEN-SAD du fait de la montée des prix. L’idée est qu’une partie de ces gains serve à financer le gap créé par les surcoûts au niveau des consommateurs des pays importateurs.

Cette idée a été acceptée au plus haut niveau et fait son chemin. Il a aussi été suggéré au niveau de la CEN-SAD, la création d’une raffinerie sur la côte. Un pays comme la Libye peut accorder des prix intéressants depuis Tripoli ou depuis les côtes où sont implantés les raffineries libyennes, mais ces produits, une fois transportés jusqu’ici ne seront plus compétitif côté prix car le coût du transport annihile les avantages qu’on pouvait tirer. Or, si on avait une grande raffinerie dans la sous-région, de grosses cargaisons de brut pourraient quitter les puits libyennes pour y être raffinées.

Cela soulagerait énormément les pays importateurs de l’hinterland à savoir le Mali, le Niger, le Burkina Faso... En tant qu’importateur de pétrole, nous ne sommes pas indifférents aux différentes frondes. Ce n’est pas seulement au Burkina Faso que le problème se pose. Tous les pays importateurs, en Afrique ou ailleurs sont confrontés à des difficultés suite à la montée vertigineuse du prix du baril de pétrole sur le marché international.

Nous, nous faisons de notre mieux en déployant des efforts pour mettre le produit à la disposition des consommateurs et à un moindre coût.

S. : Que répondez-vous aux spécialistes du secteur des hydrocarbures qui soutiennent au regard des taxes et des intervenants dans la structure des prix que le Burkina Faso se comporte en termes de recettes comme un pays producteur de pétrole ?

T.J.H.Y. : C’est une conclusion un peu hâtive. Le Burkina Faso n’est pas un grand consommateur de produits pétroliers. C’est d’ailleurs une des raisons qui justifient la cherté des prix dans notre pays. Etant donné que nous n’en consommons pas beaucoup, les commandes se font en petites quantités. Le Burkina Faso, de ce fait ne peut pas tirer plus d’avantages sur le pétrole qu’un pays qui en produit. Mais, on ne peut pas empêcher les gens de penser, d’analyser, de dire ce qu’ils veulent. Il y a des taxes qui sont appliquées sur les produits pétroliers comme c’est le cas pour toute importation. Ce que le Burkina perçoit comme taxes sur les produits pétroliers ne sont pas supérieures à celles appliquées aux autres produits.

Le Burkina Faso n’est pas le pays qui taxe le plus les hydrocarbures. Aujourd’hui, l’Etat perçoit des recettes brutes sur les produits pétroliers qui peuvent se chiffrer à des milliards par an. Notre activité génère près de 50 milliards de F CFA de recettes brutes par an. Il faut noter cependant qu’une grande partie de ces recettes soit environ 20 à 22 milliards de F CFA par an sert à subventionner les mêmes produits pétroliers notamment le Fuel et le DDO utilisés par la SONABEL pour la production d’énergie.

Aussi, la subvention du gaz butane - un produit dont la vulgarisation préoccupe le gouvernement dans sa politique contre la désertification - varie entre 3 à 5 milliards de F CFA par an. Ainsi sur des recettes brutes de 50 milliards de F CFA environ, 27 milliards de F CFA sont utilisées pour subventionner la production de l’énergie ou le gaz, c’est un peu comme un retour au consommateur. Mais bien entendu, ce ne sont pas tous les Burkinabè qui utilisent le gaz ou l’électricité. On peut alors penser que c’est discriminatoire. Mais si la SONABEL devait vendre l’électricité à son juste prix, ce sera très très difficile pour le commun des Burkinabè. On peut penser que l’Etat engrange énormément de recettes sur les produits pétroliers.

Mais, il s’agit de recettes fictives dans la mesure où plus de la moitié de ces recettes est reutilisée pour subventionner les produits pétroliers. L’Etat renonce aussi à des recettes sur d’autres produits pétroliers. L’Etat ne perçoit pratiquement pas de recettes sur le pétrole lampant parce que ce produit est utilisé par la majorité des couches sociales les plus défavorisées de notre pays. Beaucoup d’efforts sont consentis pour mettre des produits moins chers à la disposition du consommateur. Mais cela n’a pas toujours été porté à la connaissance du grand public. C’est sans doute pour cela que certaines personnes apprécient mal ou surévalue la pression fiscale de l’Etat sur les produits pétroliers. Nos produits ne sont pas surtaxées comme on pourrait le penser.

S. : Si l’idée qui a prévalu à la création de la SONABHY en 1985 reste la constitution d’un stock de sécurité pour éviter les pénuries, n’y a-t-il pas lieu d’envisager au stade actuel une caisse de péréquation afin de maintenir les prix à un niveau raisonnable en cas de flambée du cours du baril au plan international ?

T.J.H.Y. : De nos jours, ni pour le riz, ni pour le sucre, on ne parle plus de péréquation. A la création de la SONABHY, il y avait une péréquation qui consistait à fixer un prix et à vendre les produits à ce prix quels que soient les mouvements au plan international. La structure chargée de la commercialisation payait en réalité, une somme à la caisse générale de péréquation (la CGP) pour constituer une cagnotte. Cela a duré un bout de temps jusqu’en 1994. A partir de cette date, l’option a changé. On a supprimé la CGP en tant qu’instrument national chargé de péréquer. Alors, au niveau de la SONABHY, on a choisi d’appliquer la vérité des prix sur le marché. Mais, depuis quelques temps lorsque le prix monte sur le marché international, le consommateur paie le coût. Et quand le prix baisse, le consommateur paie également le coût. Malheureusement, depuis pratiquement trois ans, les prix ne baissent plus. Ils ne font que monter au détriment des pays importateurs.

S. : Comme le Burkina Faso, le Mali est un pays enclavé et plus éloigné du littoral. Il arrive même que les Maliens s’approvisionnent en carburant à Bobo-Dioulasso. Alors, comment expliquez-vous le fait que le carburant coûte moins cher au Mali qu’au Burkina Faso ?

T.J.H.Y. : Le carburant coûte plus cher au Burkina Faso qu’au Mali pour plusieurs raisons. Au Mali, dans la chaîne de distribution, il n’existe pas de structure comme la SONABHY. Là-bas, l’importateur est en même temps propriétaire de la station et du camion qui va chercher les produits pétroliers depuis la côte ou à Bobo-Dioulasso. Le chauffeur du camion est peut-être son fils ou dans d’autres cas, un parent. Au Burkina Faso également, il était demandé au départ à la SONHABHY d’être l’importateur, le stockeur, le transporteurs et le distributeur. Mais nous avons choisi de confier les volets transport et distribution au secteur privé qui le fait très bien. La SONABHY n’a pas toujours existé. A sa création, il y avait déjà des privés qui avaient des camions, des stations, etc. Décider de ne pas tenir compte de toutes ces personnes, c’est les mettre dans une situation inconfortable.

Alors, la SONABHY a choisi d’être importateur et stockeur. La réalisation des capacités de stockage revient très cher et le privé n’est pas prêt à investir dans ce genre d’infrastructures d’où le risque de pénurie. Cette option sécuritaire de la SONABHY a un coût. L’existence d’un stock de sécurité et la capacité de stockage de produits permettant de vendre pendant 50 voire 60 jours a un coût. L’importateur malien qui prend son camion pour aller acheter du carburant et venir mettre dans sa station ne connaît pas cela. C’est la raison pour laquelle au Mali, on trouve du carburant moins cher qu’au Burkina Faso.

Le fait pour la SONABHY d’être structurée, d’importer en grandes quantités que les privés maliens et d’avoir un entrepôt fictif sous douane qui dédouane tous les produits qui rentrent, augmente les coûts. La façon de procéder au Burkina Faso est totalement différente du marché malien où une quarantaine d’importateurs peuvent même s’arranger pour ne pas payer ce qu’il faut à la douane. Chez nous, le douanier est assis à la SONABHY. Et le moindre produit qui sort de là est dédouané.

L’existence de la SONABHY permet à l’Etat burkinabè d’engranger l’intégralité, sinon la majeur partie des recettes liées à l’activité pétrolière. En multipliant le nombre d’opérateurs, l’Etat malien court un risque majeur : l’évasion fiscale. Parce qu’il n’y a pas de structures comme la SONABHY chez eux. Des opérateurs maliens viennent s’approvisionner dans notre dépôt régional à Bobo-Dioulasso. Pour d’autres c’est à la SIR.

Ils viennent ensuite stocker chez nous. Dans ce cas de figure, la SONABHY perçoit 5 F CFA sur chaque litre de produits pétroliers en transit. Comment un opérateur qui achète un produit à la SIR plus cher que nous (nous, en tant qu’actionnaire à la SIR bénéficions de prix intéressants), le stocke dans notre dépôt, où il paie des frais de location, transporte le produit au Mali, peut-il il le vendre moins cher que la SONABHY ? Il y a quelque chose de bizarre. Au niveau du Burkina Faso, l’accent est mis sur la qualité du produit.

A l’importation, il y a une société de surveillance qui intervient au chargement du camion au dépôt côtier vers le Burkina Faso. La SONABHY dispose d’un laboratoire chargé de s’assurer de la qualité des produits reçus. La qualité est une préoccupation majeure à la SONABHY. Alors que dans le cas malien, ce sont des particuliers qui jouent le rôle de la SONABHY. Peut-on avoir la même rigueur de contrôle des produits ?

Est-ce les mêmes produits de qualité qu’ils achètent à la STSL ou à Bobo qu’on retrouve dans les stations au Mali ? Il y a plusieurs raisons, comme vous le voyez, qui justifient le fait qu’au Mali le carburant est vendu moins cher qu’au Burkina Faso...

S. : La différence des prix entre les deux pays ne peut-elle pas aussi s’expliquer par la renonciation de certaines taxes par l’Etat malien ?

T.J.H.Y. : C’est possible ! Chaque pays est organisé à sa façon. Chaque pays gère son budget à sa convenance. Au Burkina Faso, le ministère des Finances gère les finances publiques et fait tout pour que chaque fonctionnaire ait son salaire régulièrement le 25 de chaque mois.

Il ne suffit pas de se lancer sur des comparaisons uniquement sur le prix du carburant. Il faut aller au-delà et s’intéresser à l’organisation en vigueur dans les différents pays. Dans le domaine de la gestion des finances publiques, il n’y a pas de secret. Lorsqu’on renonce à une recette, il faut supprimer une dépense ou un autre créneau pour créer une nouvelle ressource pour compenser celle à laquelle on a renoncé.

S. : Vous avez tantôt insisté sur la qualité des produits pétroliers au Burkina Faso. Mais il n’en demeure pas moins que des cas de produits pétroliers frelatés ont été mis à nu dans certaines stations service au Burkina. Quelles explications donnez-vous à cette situation ?

T.J.H.Y. : Entre les dépôts de la SONABHY et les stations, interviennent ceux chargés du transport des produits. La responsabilité de la SONABHY cesse dès que le produit quitte ses dépôts. Généralement, la station est sous la responsabilité de la marque qu’elle représente. Par exemple, Total veillera à ce que dans toutes les stations Total, les produits vendus soient conformes de A à Z aux produits de la SONABHY. Pour chacun des groupes qui gèrent les stations, il y a une image de marque à préserver. Nul ne peut s’amuser à développer des pratiques de nature à nuire à son image. Au Burkina Faso, depuis un certain temps, le secteur de la distribution des produits pétroliers a été libéralisé.

Maintenant en plus des marques traditionnelles comme Total, Shell... de nouvelles marques ont fait leur apparition dans le domaine. La concurrence est donc devenue plus accentuée. Alors, certains gérants qui, voulant se faire une grande marge peuvent être tentés de mélanger du gas-oil au pétrole pour gonfler les quantités et le vendre au prix du gas-oil. Ou alors, ils prennent le DDO (un produit largement subventionné parce que rentrant dans l’industrie) pour le vendre comme du gas-oil... Si on parle aujourd’hui de carburant frelatés ou de mauvaise qualité dans les stations, c’est que des contrôles ont permis de déceler les mauvaises pratiques de certains gérants. Il y a au Burkina des services qui contrôlent, qui rassurent et qui protègent le consommateur.

Au Burkina, chaque gérant de station sait qu’il peut être contrôlé à tout moment par l’Inspection générale des affaires économiques (IGAE), il peut faire l’objet de sanctions graves pouvant aller jusqu’à la fermeture de la station ou au retrait du registre de commerce. Malgré toutes ces précautions prises pour mettre le consommateur à l’abri de mauvaises pratiques, il y a des délinquants, des personnes sans scrupules qui ne reculent devant rien pour se faire de l’argent. Mais le consommateur doit savoir que dès qu’il est victime de carburant de mauvaise qualité, il peut saisir l’IGAE.

S. : Qu’en est-il s’il s’avère que le carburant servi par une station est de mauvaise qualité ?

T.J.H.Y. : La responsabilité de la SONABHY cesse quand le produit sort de ses dépôts. Le produit qui sort de nos dépôt est de qualité et répond aux spécifications du carburant autorisé à être commercialisé au Burkina Faso. Ce n’est pas notre rôle de suivre le carburant depuis nos dépôts jusqu’à la station. La responsabilité de la SONABHY est suppléé par la responsabilité de celui qui vient acheter le carburant à la SONABHY. Ce ne sont pas les gérants qui achètent à la SONABHY mais les groupes tels que Total, Shell, Tamoil, Petrofa, etc.

Nous communiquons les caractéristiques de nos produits aux sociétés de distribution qui sont nos clientes.

S. : Le marché pétrolier traverse une turbulence depuis un certain temps. Face à cela, comment se porte la SONABHY ?

T.J.H.Y. : Face aux turbulences du marché international, la SONABHY n’est pas en forme. Nous avons une marge fixe et lorsque les prix montent, la marge ne monte pas ; mais les charges financières augmentent, puisqu’il faut dépenser plus d’argent pour acquérir le même litre ; si au début de l’année le litre coûtait 240 F CFA et que maintenant il nous revient à 250 F CFA, voire 300 F CFA, il faut que la SONABHY trouve les moyens pour financer le surplus...

S. : Serait-ce pour cela que vous avez contracté un prêt de 4 milliards de F CFA ?

T.J.H.Y. : En partie cela se justifie. Et comme vous le savez aussi, nous approvisionnons directement la SONABEL qui utilise pour la production de l’énergie des produits largement subventionnés. Le traitement par le Trésor public des subventions suit un cours qui n’est pas aussi rapide que l’exigent nos fournisseurs.

Par exemple, lorsque nous achetons les produits, il arrive que nous négocions avec certains fournisseurs pour payer 25% à la livraison et les 75%, 30 ou 45 jours plus tard.

Lorsque ce produit est fourni à la SONABEL, nous, nous devons envoyer les bulletins au Trésor pour réclamer le paiement de la subvention. Ce reliquat met du temps avant de nous être reversé. Le rythme auquel nos fournisseurs nous soumettent pour le règlement de leur facture est tel que si nous attendons ce qui doit arriver du trésor, la SONABEL ne sera pas approvisionnée.

Donc, il nous faut trouver une solution pour pouvoir jongler et parvenir à satisfaire des clients particuliers comme la SONABEL sans compromettre l’approvisionnement du client régulier qui prend son produit à la station. Nous recourons beaucoup à l’assistance de nos banques locales, qui nous financent ; mais, avoir recours à une banque comme la Banque régionale d’investissement de la CEDEAO (BRIC) à d’autres avantages. La BRIC règle systématiquement nos fournisseurs. Ce que nous devions prendre avec nos banques pour payer les produits pétroliers est de ce fait utilisé par les autres secteurs de l’économie nationale. Cela donne des chances de financement aux autres secteurs de l’économie.

Nous essayons de jongler pour que la masse d’argent disponible soit profitable à l’ensemble de l’économie burkinabè et non à la seule entreprise importatrice d’hydrocarbures. Car la SONABHY déséquilibre considérablement la balance commerciale de notre pays. Aujourd’hui, notre facture pétrolière peut s’élever à 150 milliards par an. C’est énorme !

S. : D’aucuns soutiennent pourtant que le prêt contracté serait une astuce pour insinuer un manque de fonds et freiner la grogne sociale...

T.J.H.Y. : La SONABHY n’a pas besoin d’expliquer à qui que ce soit qu’elle a des problème d’argent avant d’en emprunter. Une entreprise ne s’endette pas inutilement.

S. : Pourtant la SONABHY a toujours été présentée comme une société jouissant d’une bonne santé financière.

T.J.H.Y. : Oui ! il y a eu des moments où la SONABHY était très riche. Elle avait un matelas financier assez impressionnant. Quand on parle de la SONABHY, les gens se contentent de regarder les produits qu’elle vend. Ils ne s’intéressent pas aux investissements qu’elle réalise. A Bingo, la SONABHY est en train de réaliser une sphère de gaz de 4 000 m3 pour satisfaire aux besoins des consommateurs et répondre à une politique nationale de vulgarisation du gaz butane et de préservation de l’environnement. Il s’agit là d’investissements dans l’intérêt de tous.

S. : La protection de l’environnement intervient dans tous les projets de développement en ce 21e siècle. Pourtant le prix du gaz reste inaccessible à beaucoup de Burkinabè. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?

T.J.H.Y. : L’Etat subventionne le gaz à hauteur d’environ 5 milliards de F CFA par an. Les bouteilles de 2,75 kg sont subventionnées à plus de 100%. C’est-à-dire que sur l’achat de ce genre de bouteille, l’Etat ne gagne rien. Il s’agit de mettre le gaz à la disposition du consommateur afin qu’il n’aille pas couper le bois et détruire le couvert végétal. Les bouteilles de 6 kg sont subventionnées à hauteur de 60%. Les bouteilles de 12 kg sont subventionnées à 5% . Il n’y a que la bouteille de plus de 25 kg qui n’est pas subventionnées. Beaucoup d’efforts sont faits en matière de gaz.

Le Burkina Faso est un pays très pauvre dont la principale énergie reste le bois de chauffe, les tiges, la paille. Cette forme d’énergie représente environ 91% des comestibles utilisés au Burkina Faso. Il y a aussi le solaire, une énergie de substitution qui représente environ 1% des énergies utilisées au Burkina Faso. Le gaz pour sa part, représente environ 8% de l’ensemble de l’énergie utilisée au plan national. Depuis 1987, l’Etat a développé une politique de vulgarisation du gaz. Hors des frontières du Burkina, l’Etat, en partenariat avec d’autres pays de la sous-région développe une stratégie commune de lutte contre la désertification.

Au Burkina Faso de 1987 à 1994, on est passé d’un niveau de consommation de 1000 à 3 500 m3/an. Au bilan, on s’est rendu compte que c’est le manque d’emballage qui freinait la consommation du gaz. Alors la SONABHY a choisi d’accompagner la STD SODIGAZ (une structure nationale qui s’est beaucoup illustrée dans la vulgarisation du gaz) quant à l’acquisition des emballages, et au coût de la conséquence. C’est alors que des compagnies comme Shell, Total qui avaient abandonné la commercialisation du gaz sont revenus. Aujourd’hui la consommation nationale annuelle de gaz se situe autour de 13 000 tonnes.

S. : Quel est le processus d’approvisionnement et de commercialisation des produits pétroliers au Burkina Faso en rappelant si possible les différents intervenants et la structure des prix ?

T.J.H.Y. : La SONABHY s’approvisionne soit par appel d’offres soit par contrat à terme auprès d’un certain nombre de fournisseurs. La stratégie de base est la diversification des sources d’approvisionnement. Si nous nous sommes ensemble rejouis du fait que la crise ivoirienne n’a pas eu d’impact sur le secteur pétrolier burkinabè, c’est parce que bien avant qu’elle ne survienne, la SONABHY a pris des dispositions pour diversifier ses sources. Elle prend 35% de ses produits à partir de la Société ivoirienne de raffinage (SIR) à Abidjan en Côte d’Ivoire à des prix très intéressants par rapport aux nouveaux prix, car le Burkina Faso est actionnaire à hauteur de 5,33% à la SIR. Il y a aussi 28% des commandes acquises par appel d’offres et stockées à Lomé au Togo. Aujourd’hui, le contexte de flambée du prix du baril fait qu’elles reviennent chères. Sans oublier les contrats à terme qui lient la SONABHY à Oryx du côté de Cotonou (Bénin) pour environ 32% de ses besoins et auprès de Trigone du côté de Tèma au Ghana pour environ 4%.

Comparés aux prix des appels d’offres, ceux des contrats à terme sont les plus intéressants. Mais nous continuons à lancer des appels d’offres parce que ceux-ci nous permettent de suivre l’évolution du marché international. Si nous nous arrêtons aux seuls contrats à terme, ils sont certes intéressants mais cela veut dire qu’un jour, le cours du baril peut baisser mais la SONABHY va continuer à payer ses produits à des prix élevés. En s’approvisionnant par ces deux canaux, si la SONABHY se rend compte à travers ses appels d’offres que les prix sont bas que ceux des contrats à terme, elle peut négocier pour les réajuster.

Ainsi bien que nous importons d’Abidjan à bon marché, nous maintenons nos commandes à Lomé, à Cotonou et à Tèma. A l’arrivée du bateau dans un de ces ports, le produit devient la propriété de la SONABHY. Et elle commence à payer les taxes afférentes. La structure des prix met en exergue la part de tous les intervenants dans la chaîne depuis l’approvisionnement des hydrocarbures par la SONABHY jusqu’à la commercialisation au consommateur dans les stations service. Il y a les taxes ordinaires, les frais de location ou de transport, les marges et les pénalités. Assez de facteurs entrent dans la détermination du prix du litre.

Quand le produit est convoyé par train ou par camion citerne des côtes (débouchés maritimes) au Burkina Faso, la SONABHY le vend aux différentes sociétés pétrolières : Total, Tamoil, Shell, Petrofa, etc. Auparavant elle calcule l’ensemble des charges qui ont permis d’amener les hydrocarbures à ses dépôts. Elle y ajoute sa marge. Les sociétés pétrolières achètent les hydrocarbures en hors taxes qu’elles dédouanent sur place à la SONABHY avant de les amener vers les stations services. Elles les vendent aux gérants à travers leurs réseaux de distribution. Les stations tout comme les sociétés pétrolières répercutent chacune, une marge sur le litre du produit. Ainsi, si on dresse une comptabilité analytique, les différentes charges apparaissent pour chaque litre qui sort à la pompe.

En somme, la structure des prix est constituée comme suit : prix CAF dépôts côtiers, charges dépôts côtiers, transport et transit, frais et marge importateur, prix de vente sortie dépôt HT, droits et taxes de douanes, taxe/produits pétroliers, taxe sur la valeur ajoutée, prix de vente sortie dépôt TTC, subvention, frais et marges marketers, frais et marges détaillants, prix de vente au détail...

S. : N’y a-t-il pas d’autres taxes en dehors de celles contenues dans la structure des prix car un des reproches formulés à l’Etat, c’est de surtaxer les hydrocarbures ?

T.J.H.Y. : Les différentes taxes figurent sur la structure des prix. Mais puisque les hydrocarbures sont transportés de la côte au Burkina Faso, la base taxable est celle du produit rendu ici. Plus le prix du baril monte sur le marché international, plus les taxes sur les produits pétroliers augmentent. Donc celui qui n’est pas renseigné va croire tout de suite que les hydrocarbures sont surtaxés.

Alors que ce n’est pas le cas. Leurs prix sont tributaires des fluctuations du marché international. La structure des prix part des baux côtiers à la marge des stations services. La taxe sur les produits pétroliers (TPP) reste la seule qui soit fixe. Le taux de prélèvement communautaire (TPC) est arrêté à 0,5% Et les droits et taxes sur les produits pétroliers sont valables pour tous les pays de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA). Dans le cas du Mali, l’importateur, le transporteur, le distributeur et le détaillant constitue la seule et même personne.

Quatre intervenants regroupés en un, on peut comprendre aisément que le carburant coûte moins cher au Mali.

S. : Une des recommandations du dernier forum initié par la Fondation de l’Unité africaine sur les hydrocarbures est l’harmonisation des taxes. Quelle est la position de la SONABHY sur la question ?

T.J.H.Y. : La SONABHY est partie prenante du Forum. C’est elle qui a accueilli la rencontre. Pour ce faire, elle ne peut pas avoir une autre attitude que celle qui a été acceptée et adoptée lors de ce forum sur les hydrocarbures. Il s’agit d’uniformiser les taxes et de trouver une formule pour combler le manque à gagner.

Car il ne suffit pas seulement d’uniformiser. Si on demande à un pays côtier, à un Etat disposant de raffinerie ou à un pays non producteur d’uniformiser ses taxes sur les hydrocarbures, il faut songer aux problèmes de recettes que cette proposition peut créer. La mise en place du fonds dont on a parlé lors du Forum peut constituer une solution à la question. C’est une formule qui vise à mettre tout le monde à l’aise. Comme les Etats sont en situation de communauté économique, tôt ou tard, si l’UEMOA doit exister et les sociétés d’hydrocarbures de continuer leurs activités, on arrivera à un moment où tout sera harmonisé. Mais il faut trouver des systèmes de compensation pour permettre à chaque pays de survivre. C’est cela aussi vivre dans une communauté économique.

S. : La SONABHY dispose-t-elle d’un plan stratégique pour juguler aussi longtemps les effets pervers de la flambée du baril et contenir la hausse des prix et la grogne sociale ?

T.J.H.Y. : Les prix ne peuvent baisser au plan national que lorsqu’ils diminuent sur le marché international. Des efforts sont déjà consentis pour comprimer les charges internes de la SONABHY afin d’offrir un produit à la portée du consommateur. Voici un an et demi, que la société est en train de mettre en œuvre son plan stratégique 2004-2008.

D’abord, quand nous parlons de sécurisation de l’approvisionnement dans notre plan, cela s’appelle « Objectif zéro rupture ». Pour une raison quelconque, aucun consommateur ne doit manquer d’hydrocarbures quand il se rend dans une station. Nous avons le souci de rendre disponibles les produits de la SONABHY en tout temps et en tout lieu sur le territoire national. Ensuite, nous nous sommes déjà inscrits dans une perspective de mutations pour nous adapter à une éventuelle ouverture du capital de la société ou à la libéralisation du secteur des hydrocarbures. Qu’en tous les cas de figure, la SONABHY puisse trouver les moyens de continuer ses activités, rendre le même service à ses clients, être rentable vis-à-vis de ses actionnaires et intéresser d’autres partenaires. Notre savoir-faire dans le domaine des hydrocarbures évitera la pagaille dans le secteur comme c’est le cas ailleurs. C’est de notre devoir de faire en sorte qu’on n’importe pas pour aller mettre directement dans les cuves au niveau des stations. Telle est la vision de la SONABHY.

Nous nourrissons l’ambition d’être un spécialiste régional de l’approvisionnement en hydrocarbures. Nous nous donnons les moyens d’être un véritable spécialiste de la gestion logistique grâce à la mise en place d’une stratégie optimisée des produits au plan sous-régional depuis les dépôts côtiers jusqu’aux distributeurs.

Car il doit y avoir une politique étroite de partenariat avec les différents acteurs de la chaîne. Notre plan stratégique n’est pas isolé. Il prend en compte l’ensemble des acteurs tant au niveau régional que sous-régional.

Aussi, pour quelques mutations que ce soit, la SONABHY ne doit pas se retrouver seule. Elle doit pouvoir continuer à rendre les hydrocarbures disponibles pour les distributeurs (Shell, Total...), les détaillants (stations service) et les consommateurs. Avec un tel plan intégré, l’avenir de la société ne peut pas être hypothéqué. Car s’il arrive un jour où il n’y a plus de carburant au dépôt, le pays ne pourra plus assurer son stock de sécurité puisque chaque distributeur peut importer directement avec ses camions. Il faut éviter cela. La vision stratégique de la SONABHY va faire d’elle une référence dans son secteur d’activités en Afrique de l’Ouest. Déjà, le dépôt de Bobo-Dioulasso sert comme un dépôt sous-régional.

Rien que le 27 juillet dernier, Total Mali a demandé à utiliser notre dépôt pour faire passer les 10 000 mètres cubes d’hydrocarbures qu’elle a achetés à Abidjan. Pour ce transit, Total Mali paie à la SONABHY 5 F CFA le mètre cube. Ce qui revient à 50 millions de F CFA pour les 10 000 mètres cubes. Nous voulons être incontournables. Pour cela, un parking a été construit hors de la ville de Bobo-Dioulasso pour le stationnement des camions maliens, attendant leur chargement au dépôt de la SONABHY. Dans notre plan stratégique, Bobo-Dioulasso doit devenir un centre important qui évitera aux Maliens de traverser tout le Burkina Faso pour aller chercher des hydrocarbures à Lomé. La SONABHY va jouer un double rôle important. Dans la sous-région en tant que carrefour de stockage des hydrocarbures.

Au niveau national en tant qu’entreprise au service de l’économie et du consommateur burkinabè. Nous recherchons en permanence une énergie à moindre coût pour le consommateur et un produit de qualité préservant son environnement. La SONABHY garantit également à l’Etat sa contribution d’entreprise citoyenne par un respect scrupuleux des procurations légales et sa participation active au développement économique et social du pays. Etant seul importateur d’hydrocarbures au Burkina Faso, elle assure les recettes fiscales et figure parmi les entreprises en règles vis-à-vis de leurs obligations légales. La SONABHY veut demeurer l’une des sociétés d’Etat les plus sûres au Burkina Faso.

S. : Où vous en êtes avec votre contentieux avec la société nationale de commercialisation des produits pétroliers (SONACOPP) qui a utilisé frauduleusement une commande de la SONABHY ?

T.J.H.Y. : Depuis ma nomination à la tête de la SONABHY, c’est le premier incident que nous avons connu. La société nationale de commercialisation de produits pétroliers (SONACOPP) est une société similaire au Bénin. Elle a l’avantage de disposer de grandes capacités de stockage que la SONABHY loue pour ses produits commandés sur le marché international. Ainsi, il est arrivé qu’elle stocke dans les bacs de la SONACOPP onze mille (11 000) mètres cubes (m3) de produits pétroliers toutes natures confondues d’une valeur d’environ deux (2) milliards de F CFA. Au même moment, le secteur des hydrocarbures a connu une libéralisation au Bénin et l’opérateur qui a repris la SONACOPP n’a pas respecté les règles de la profession.

Parce que dans le domaine pétrolier, personne (même pas celle qui a loué les bacs) n’a le droit de toucher le produit d’autrui sans son autorisation écrite. Et aucune raison n’est valable pour justifier la violation de cette règle. Pour quelque prétexte que ce soit, il faut au préalable songer à obtenir du propriétaire des hydrocarbures une autorisation écrite avant d’utiliser son produit et le remplacer plus tard. Mais le nouveau repreneur de la SONACOPP est passé outre ces mesures. Quand la SONABHY a envoyé des camions à Cotonou pour chercher ses produits, ils sont revenus vides bien que sur les fiches, elle dispose d’un stock de 11 000 mètres cubes au Bénin. Et jusqu’à l’heure actuelle, elle n’en a rien reçu de cette commande. En dehors de la SONABHY, d’autres opérateurs africains et des traders tels TEXACO ont subi le même sort.

Aujourd’hui, l’Etat béninois a pris le dossier en main. Il a réquisitionné toutes les infrastructures de la SONACOPP. La privatisation est en train d’être remise en cause. Le responsable des malversations est sous les verrous. Une mission de la SONABHY s’est rendue à Cotonou. Elle a pu rencontrer les autorités béninoises et le procureur en charge du dossier. L’Etat béninois est en train de prendre ses responsabilités pour trouver une solution à ce problème. Un administrateur provisoire a été nommé à la tête de la SONACOPP. Il est venu à Ouagadougou nous rencontrer. Nous avons échangé et souhaitons une suite favorable à cette affaire. Nous supposons que le nouveau président aura conscience de l’importance d’un tel forfait et fera tout pour y remédier. D’ores et déjà, nous ne rencontrons plus de difficultés à s’approvisionner à partir du marché béninois.

S. : Pourquoi les différentes sociétés pétrolières de la sous-région ne mettent-elles pas en place une centrale d’achat afin d’obtenir des produits moins chers sur le marché ?

T.J.H.Y. : C’est la proposition des directeurs généraux des sociétés en charge des importations des hydrocarbures dans l’espace UEMOA à l’issue du forum de Ouagadougou. Nous croyons qu’une telle initiative est possible. Mais la contrainte majeur repose sur les capacités de stockage. Les différentes sociétés peuvent se mettre ensemble pour acheter mais où vont-elles stocker les produits ?

Il y a donc des préalables qu’il faut nécessairement résoudre en termes de réalisation de dépôts de stockage sur la côte. Ainsi, les sociétés pétrolières peuvent importer des produits pour toute l’année. On peut aussi accroître les capacités des structures existantes comme la SONACOPP au Bénin, la STSL au Togo pour leur conférer une dimension sous-régionale.Toutefois ces propositions relèvent des politiques communautaires. Elles dépassent la seule volonté de directeurs généraux en charge de sociétés d’importation d’hydrocarbures.

S. : Quelles sont les perspectives en terme de baisse du prix du carburant dans les jours à venir au Burkina Faso ?

T.J.H.Y. : Aucune perspective de baisse de prix ne pointe à l’horizon. Pour ce qui concerne le mois d’août, les prix doivent encore grimper au regard des dernières hausses du coûts du baril sur le marché international. Il faut probablement s’attendre à une augmentation de l’ordre de 30 F CFA ce mois-ci pour le litre d’essence, tandis que celui du gas-oil restera stationnaire. Néanmoins, nous voudrions rassurer l’ensemble des consommateurs que des efforts sont consentis pour atténuer au tant que faire se peut les répercussions réelles sur le prix du litre à la pompe. Contrairement à ce que l’on peut croire, l’Etat n’exerce pas une fiscalité exorbitante sur les produits pétroliers.

Mieux, il subventionne à coût de milliards le fuel et le DDO destinés à la SONABEL et le gaz butane pour atténuer le coût de l’électricité. L’Etat renonce aussi à un certain nombre de taxes sur des produits tels le pétrole lampant utilisé par de nombreux burkinabè. Donc les pouvoirs publics ont conscience des difficultés que les consommateurs rencontrent face à la hausse du prix des hydrocarbures. Seulement nous ne pouvons pas grand chose contre ce qui se passe actuellement sur le marché pétrolier international.

Il appartient à toutes les parties prenantes (Etat, syndicats...) de fédérer leurs forces et se solidariser pour une quête durable de solutions plutôt que de se lancer des pierres. Car comme le dit un proverbe de chez nous, la grogne actuelle vis-à-vis de l’Etat s’apparente à une situation où des personnes refusent de se mettre à l’abri de la pluie qui les bat et commencent à se frapper. La pluie peut être representée ici comme le marché mondial qui est en train de taper tout le monde.

Il faut ensemble chercher des solutions. La détaxation totale des produits pétroliers n’est pas la mieux indiquée pour sortir de l’ornière. Parce qu’il va falloir trouver le manque à gagner ailleurs pour le fonctionnement de l’Etat (salaires, équipements...), les investissements (routes, écoles, hôpitaux...) et les quote part dans les initiatives de développement avec les partenaires. La détaxation peut d’emblée paraître comme une bonne chose pour le consommateur mais celui-ci ne doit pas perdre de vue qu’une telle option portera un coup à l’avenir du pays.

La hausse du prix des hydrocarbures n’est pas propre au Burkina Faso. C’est un phénomène général auquel sont confrontés pays riches et pauvres. Tout consommateur, toute partie prenante de la société burkinabè doit comprendre cela pour que la recherche de solutions à cette situation se fasse dans la sérénité et la tranquillité. Les crises sociales ne favorisent pas l’émergence d’un environnement économique propice. Elles ne rassurent pas non plus les bailleurs de fonds.

Interview réalisée par Rabankhi Abou Bâkr ZIDA (rabankhi@yahoo.fr)
Jolivet Emmaüs (Joliv_et@yahoo.fr)

Sidwaya

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