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Affaire Norbert Zongo : Manipulations à outrance

Publié le jeudi 3 août 2006 à 07h30min

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Norbert Zongo

L’assassinat de Norbert ZONGO garde tout son mystère au jour d’aujourd’hui mais il ne fait pas de mystère que l’affaire qu’il est devenu et qui a secoué le pays entier est depuis l’entame un tissu de manipulations diverses. Après le non-lieu prononcé le 18 juillet dernier en faveur de Marcel KAFANDO et qui fait le sujet de la polémique du moment, un regard rétrospectif sur certains faits permet de voir pourquoi un tel dénouement ne devrait surprendre.

On le sait, la Commission d’enquête indépendante (CEI) instaurée pour mener le travail de police judiciaire à la place des organes habilités à le faire fut la conséquence d’un climat de suspicion qui s’était installé après l’odieux acte du 13 décembre 1998. La gestion de cette structure ne fut pas sans difficulté et sa composition on ne peut le nier était une alchimie incongrue, pourrait-on dire, d’éléments antagonistes puisque des représentants de l’Etat que certains indexaient comme coupable ne pouvant bénéficier de la présomption d’innocence devaient cohabiter avec ceux d’organisations de la société civile dont nombre ne faisaient pas mystère de leur "opposition" au pouvoir car "assiégées" par des politiciens gagoulés.

Il faut dire que la deuxième entité y était en puissance et imposait ses vues ce qui n’a pas manqué de créer un malaise quand on sait que les deux représentants de l’Etat avaient rechigné à parapher les conclusions des travaux qui n’avaient pas leur approbation en des points majeurs.
Par après, à travers des sorties médiatiques, on a vu comment cette CEI a travaillé et comment elle a pu extorquer des déclarations à des témoins ; déclarations qui ont permis en grande partie de conforter sa conviction que des éléments du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) au nombre de six étaient les "suspects sérieux" dans la commission du crime.

Le juge d’instruction Wenceslas ILBOUDO qui a hérité des conclusions de la CEI n’a pu prononcer d’inculpation que celle à l’encontre de l’adjudant Marcel KAFANDO dont un témoignage contradictoire, celui de Jean-Racine YAMEOGO, venait détruire l’alibi permettant de justifier de son emploi du temps au jour fatidique du 13 novembre 1998. Par la suite, les confrontations entre les deux hommes ont donné ce que l’on sait : le doute chez Jean-Racine YAMEOGO. Le témoin, qui était revenu sur sa déclaration qui dédouanait Marcel KAFANDO provoquant son inculpation, se rétracte devant le juge d’instruction car n’étant plus sûr de rien !

Un travail digne de la Camora sicilienne !

La CEI noyautée pouvait-elle vraiment faire un travail dans les règles de l’art en matière de police judiciaire ? Le doute était permis quand on voyait comment certains y évoluaient, jouant les rôles de juge et partie. Leur conviction étant faite sur les coupables avant même la création de la structure qu’ils ont réclamée, il leur fallait simplement réunir les éléments pour les confondre. C’était dans cet optique qu’ils travaillaient et ils s’en donnaient les moyens.

Ainsi, la manipulation a été érigée en méthode pour provoquer les témoignages souhaités. Pendant que de l’extérieur de la CEI, des acteurs bien identifiés maintenaient surchauffée l’ambiance sociopolitique pour exercer la pression sur les institutions de l’Etat, de l’intérieur, leurs pendants préparaient l’autel pour le sacrifice. La légèreté avec laquelle la CEI a écarté certaines hypothèses pouvant la guider vers d’autres pistes dans la recherche des assassins est déconcertante. De même que le fait d’occulter l’acte d’empoisonnement constaté sur la personne de Norbert ZONGO à Kaya après un repas pris avec des "amis sûrs" quelques jours avant que son sort ne soit scellé reste suspect. N’y a-t-il pas manifestement eu manipulation pour imprimer une trajectoire à l’enquête ?

Le réquisitoire définitif du non-lieu prononcé pour Marcel KAFANDO nous livre un exemple concret des procédés pas du tout orthodoxes de la CEI pendant ses investigations. En effet, il revient que des membres de la CEI ont pris un témoin dénommé Abou NANA dans un véhicule et l’ont conduit en brousse. Là, celui-ci a été déshabillé et sa tête recouverte avec sa chemise. Un pistolet sur la trempe, le témoin a été intimé d’avouer qu’il avait entendu le crépitement des armes lorsqu’il avait remarqué le véhicule de Norbert ZONGO en flamme. L’un des enquêteurs a même giflé le pauvre. Pourquoi une telle pression sur un témoin ? Malheureusement pour ces enquêteurs et heureusement pour la justice, cette tentative d’aveux complices n’a pas aboutit puisque le sieur Abou NANA est resté constant dans ses propos malgré la menace de l’arme et les tortures qu’on lui a infligées. L’homme devient ainsi un témoin pas digne d’intérêts.

La pression a aussi été faite sur le juge d’instruction, Wenceslas ILBOUDO qui a dû inculper Marcel KAFANDO pour manifestement répondre à la volonté du Collectif et de RSF, les galvanisateurs d’un "pays réel" artificiellement crée pour l’occurrence et qu’on poussait à volonté dans la rue pour maintenir la pression qu’on avait décidée sur l’Etat vu comme frein à la manifestation de la vérité, leur vérité !

On l’aura remarqué, dès que la nouvelle de l’inculpation fut connue, les ténors du Collectif et RSF leur caisse de résonance sur le vieux continent par les soins de son atypique secrétaire général, Robert MENARD venu de sa Gaule natale assister sinon piloter le mouvement, sont aussitôt montés au créneau pour jeter des fleurs à la justice burkinabè et au juge instructeur pour leur courage dans un acte qu’ils attendaient. N’était-ce pas pour eux un pas décisif vers cette vérité qu’ils ont déjà trouvée ?

Dans cette galaxie, la fébrilité sur le moindre doute sur leur conclusion avalisée par cette CEI taillée à leur convenance poussait à des sorties médiatiques inconsidérées. Si le juge instructeur dans les règles de l’art se laissait conduire par son dossier, nul doute que le pot aux roses aurait facilement été découvert, voilà pourquoi il fallait l’empêcher de travailler dans la sérénité par l’orchestration d’un boucan où on ne s’entend pas parler.

L’homme en était conscient et tout compte fait, a voulu se sortir cette épine du pied dans un climat général qui laissait entrevoir le signe que tout un chacun souhaitait qu’un acte soit posé dans un sens ou dans un autre. Tout au long de l’instruction, la pression a toujours été présente, orchestrée par les mêmes personnes, aux seules fins de pousser à aller dans le sens qu’elles voulaient. Le juge ILBOUDO était donc dans un dilemme.

Quelle alternative à défaut d’avoir réellement trouvé quelque chose de consistant, dans une dynamique où il faut absolument en trouver, si ce n’est de revenir au gisement de la CEI. Ce filon exploité par "complaisance", ne pouvait évidemment rien offrir de probant ainsi, au bout des courses, la loi ne lui présente que la seule issue : le non-lieu pour son inculpé.

Peut-on alors douter que le seul témoin à décharge puis à charge et finalement indécis ait été sous le "charme" de la manipulation ?

En tout cas, M. Jean Racine YAMEOGO, ce témoins sur qui reposait l’espoir de Marcel KAFANDO, semble avoir consciemment ou inconsciemment joué un rôle dont il ne mesurait pas l’importance dans cette cabale politico-judiciaire. Revenant à la réalité, l’homme a comme craché dans la soupe. Peut-on encore la consommer ?
A vouloir donc à tout prix faire porter le chapeau au pouvoir à travers un échafaudage de certitudes, les "bras droits" du feu Norbert ZONGO ont tout fait sauf contribué à la manifestation de la vérité sur son assassinat.

Par des méthodes dignes des années de feu de la Camora sicilienne (maffia), des gens qui se prétendent défenseurs de la justice et de toutes les libertés humaines ont couvert l’assassinat de notre confrère d’un voile encore plus épaix. Gageons toutefois que la vérité coûte que coûte un jour jaillira.

Par Drissa TRAORE

L’Opinion

P.-S.

Lire le dossier :
Affaire Norbert Zongo

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Vos commentaires

  • Le 3 août 2006 à 12:27 En réponse à : > Affaire Norbert Zongo : Manipulations à outrance

    Dans la même lancée, la mort de David Ouédraogo n’a été qu’une fable, l’accusation de Marcel et des autres tortionnaires du conseil une pure invention de l’esprit, le dos grillé d’Hamidou une affabulation. Pourtant au procès (même arrangé), Marcel et les autres ont reconnu leurs actes. La réalité est qu’il a été condamné à 20 ans de prison, même si on le laisse actuellement chez lui pour toutes les raisons qu’on connaît, sauf vous bien sûr.

    • Le 4 août 2006 à 11:59, par Armando En réponse à : > Affaire Norbert Zongo : Manipulations à outrance

      J’ai commencé mais je n’ai pas pu finir la lecture de cette article.Y’a-t-il des gens qui achètent et qui lisent L’OPINION ?C’est écoeurant de voir jusqu’à quel point quand on est griot du pouvoir on n’est plus libre.

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