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Non-lieu dans l’affaire Norbert Zongo : Koudougou dit non

Publié le mardi 1er août 2006 à 07h40min

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La première manifestation de rue contre le non-lieu accordé à Marcel Kafando dans l’affaire Norbert Zongo, a eu lieu le dimanche 30 juillet à Koudougou. Elle s’est traduite par une marche suivie d’un meeting au théâtre populaire de Koudougou, animés par des partis politiques et quelques organisations de la société civile. Il s’agit de l’UNDD, du PDP/PS, de la LIATD, du CHERYAM (Cercle Hermann Yaméogo) et de l’UNIR/MS.

Le rendez-vous du théâtre populaire était prévu pour 9 h. Le rassemblement a été timide, même s’il y a eu une relative affluence. En tout cas, il n’a pas connu une mobilisation des grands jours. Est-ce par lassitude ou inorganisation ? Les organisateurs disent avoir utilisé tous les moyens pour informer la population. Peu avant l’heure, un DJ (Disc Jocker), avait improvisé un chant en l’honneur de Norbert Zongo et le public a pris du plaisir à l’écouter. Sur fond musical, cet artiste disait en substance : « Il est parti, on ne pourra plus le revoir. Norbert Zongo est parti on ne pourra plus le revoir. Avant-hier, on nous a dit qu’il y aurait jugement. Hier matin, on nous a dit non-lieu. Pourquoi on nous dit non-lieu »

Les manifestants arboraient des T-shirts. Sur ces T-shirts à l’effigie du journaliste, on pouvait lire : « Le pire, ce n’est pas la méchanceté des gens mauvais mais le silence des gens bien. » Sur le dos, on pouvait apercevoir une croix rouge sur une balance symbolisant la justice avec en dessous, « Non à l’impunité ».

Les conseillers UNDD sont venus à la marche avec leur écharpe de conseillers municipaux. A 10 h 10, Hermann Yaméogo et la délégation venue de Ouaga arrivent et la marche peut commencer.

Direction, le haut-commissariat. Au premier plan, deux filles tenant une grosse banderole noire. Après elles, deux autres banderoles où on pouvait lire : « Koudougou dit non au non-lieu accordé à Marcel Kafando » ; « Sauvons la démocratie ». Juste derrière les banderoles, Me Hermann et d’autres leaders. Me Farama, un des avocats, était aussi là.

Au cours de la marche, étaient scandés des slogans hostiles à la ministre de la Promotion des droits humains, Monique Ilboudo, et au procureur général, Abdoulaye Barry. « Justice pour Norbert Zongo », « Impunité à bas ! »

A l’entrée du haut-commissariat, les manifestants sont reçus par le Secrétaire général de la province du Boulkiemdé. Poignées de mains entre les responsables des manifestants et le secrétaire général. S’en suivit la lecture d’une déclaration que les marcheurs veulent faire transmettre au premier magistrat du pays, le Président Blaise Compaoré.

Cette déclaration concernait l’historique de l’affaire Norbert Zongo et le refus du non-lieu. « Koudougou refusera toujours le déni de justice et restera mobilisée contre l’insulte à la vérité... », pouvait-on entendre en substance. Les manifestants ont aussi demandé au président de « redonner vie » au dossier du journaliste et de donner des instructions pour que « le juge d’instruction entende tous les suspects sérieux identifiés par la commission d’enquête indépendante ».

Ils ont aussi demandé au président de « balayer devant sa porte avant d’aller balayer devant celle des autres ». Ils faisaient ainsi allusion au problème togolais dont la médiation a été confiée à Blaise Compaoré.

Au théâtre populaire, le meeting a été ponctué de plusieurs interventions : la famille du journaliste, la coordination du Groupe d’Initiative de l’Opposition (GIO) et la coordination de Koudougou.

Au nom de la famille Zongo, c’est Antoine Zongo, un des petits frères du journaliste, qui a pris la parole. Il a salué la détermination des manifestants. Il leur a simplement signifié que c’est celui qui n’a pas pris conscience du drame qui frappe la famille et la souffrance que celle-ci endure qui peut rester indifférent à cette affaire.

Christian Koné, lui, n’a pas manqué de tirer à boulets rouges sur le régime Compaoré. Avant, il a affirmé que le GIO se joignait à la lutte de Koudougou, pour exprimer le refus de se taire et d’« entériner le non-lieu décidé par la justice de Blaise Compaoré ».

Abordant les questions politiques, il a affirmé que le président Compaoré avait été mal élu. Sur les 13 millions de Burkinabè, seulement 1,3 million ont voté pour lui. Blaise Compaoré, pour cette raison, selon lui, n’a pas la légitimité. Mamadou Lamizana, un autre membre du GIO, a affirmé qu’il (Blaise Compaoré) « a les suffrages mais pas l’opinion nationale, contrairement à Yayi Boni du Bénin, qui selon lui, a été élu par au moins 5 millions d’électeurs sur les 8 que compte son pays".

Il faut donc que Blaise « démissionne », s’est écrié le coordonnateur de GIO. Il a, pour cela, lancé un appel à l’opposition. Mais à une opposition vraie. Celle qui cesse d’être un fourre-tout, « ce serpent à multiples têtes ». Il faut un front commun de l’opposition. M.Lamizana en a appellé à une refondation des partis de l’opposition. Il faut repartir sur de nouvelles bases pour une opposition plus démocratique. Pour les organisateurs, cette marche est le début d’une série de manifestations, qui doivent aboutir à la vérité sur l’assassinat de Norbert Zongo.

Noraggo Paul HIRY


Réaction de Me Prosper Farama (avocat dans le dossier)

"Il me semble que c’est la seule réaction qui vaille face à la situation que vit aujourd’hui le peuple burkinabè. Face à ce déni de justice, il n’y a que la réaction populaire qui peut amener un tant soit peu le pouvoir, à mon sens, à revoir sa position dans ce dossier. Cette marche, à mon avis, est la bienvenue et il faut souhaiter que le peuple ait le courage de ses opinions et fasse le pas qu’il faut pour dire non à cette impunité, la plus grave qui soit dans l’histoire de notre pays.

A mon sens, ce n’est pas tout à fait l’ampleur de la manifestation qui compte. C’est le principe même de la manifestation, parce que si dans chaque hameau du Burkina, même deux personnes, sortaient pour dire non à ce déni de justice, l’essentiel serait déjà fait. Quant à la mobilisation, je pense q’elle viendra avec le travail.

En ce qui concerne l’appel que nous avons interjeté, pour le moment, nous attendons que le délai de procédure soit respecté et que nous recevions, comme le dit la loi, les avis de comparution devant la chambre d’accusation avant d’aller plaider notre dossier.

Je pense que la justice burkinabè fera ce que le peuple voudra qu’elle fasse. La justice, quoi qu’on dise, appartient au peuple. Il appartient au peuple de donner cette impulsion parce que, malheureusement, nous avons constaté que pour ce qui est de la justice burkinabè, tant qu’il n’y a pas une sorte d’impulsion, elle ne marche pas. Je pense que le peuple doit le comprendre et se réveiller à temps pour que la justice fasse son travail. Maintenant, quant à avoir foi en cette justice en l’état actuel, je m’excuse de dire non".


Paroles de Christian Koné du GIO

"C’est un premier pas pour dire que le peuple reste mobilisé. Le pouvoir a pensé briser son élan mais se trouve pris dans son propre piège. Vous voyez la mobilisation d’aujourd’hui ! Ce n’est qu’un départ et nous continuerons comme cela jusqu’à la reprise de nos activités sur toute l’étendue du territoire. Nous voulons rappeler à ce pouvoir qu’il ne peut plus continuer à abuser des gens. Il nous a demandé de baisser la température et de laisser la justice faire son travail. On lui a donné l’occasion de faire parler la justice. Voilà ce qu’il nous a réservé.

Si nous n’y prenons garde, ce que le pouvoir avait l’habitude de faire, il va le recommencer. Tout ce qu’on a pu arracher en 2000, le pouvoir a tout repris. Mais cette fois, le pouvoir aura en face de lui des gens déterminés. Ou ils font le jeu de la démocratie et de la justice, ou ils s’en iront. Vous demandez si le Collectif a été invité à cette manifestation.

Le Collectif, c’est une autre histoire. Il a été invité. Quoi qu’on dise, l’affaire Norbert Zongo est juridique mais elle est fondamentalement politique. Donc, les partis politiques doivent se mobiliser autour de cette affaire. Etant entendu et connaissant la nature du Collectif qui est un regroupement des partis politiques et de la société civile, la machine est un peu lente, mais elle va démarrer. Mais en attendant, les partis politiques doivent agir. Nous ne devons pas laisser les choses traîner".

Propos recueillis par NPH

LE Pays

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