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IVè République : Blaise Compaoré prépare sa succession

Publié le lundi 31 juillet 2006 à 07h22min

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La piste des tueurs qui mène à la présidence ! C’est du bluff selon le juge Ilboudo ! Malgré le travail de la Commission d’enquête indépendante (CEI) qui a eu la chance de faire ses investigations aux premières heures du drame de Sapouy et qui est quand-même tombée sur des témoignages qui montraient bien que sa piste était loin d’être farfelue.

Les premières auditions de certains militaires du « Conseil de l’Entente » prouvaient clairement que les assassins de Norbert Zongo viennent bien de cette caserne militaire.

Si les éléments du « Conseil » ne se reprochaient rien dans ce meurtre, pourquoi avoir séquestré certains militaires qui avaient fait des déclarations pendant leurs premières dépositions et les obliger à se contredire dans les auditions ultérieures ? L’expertise ballistique également l’a prouvé que les armes utilisées pour tuer Norbert et ses compagnons sont des armes de guerre et que seul le Régiment de sécurité présidentiel détenait lesdites armes.

Le rapport de la CEI, malgré ses conclusions qui n’ont pas pu mettre le doigt sur les assassins de Norbert (à cause des pressions diverses que les membres de la commission ont subies à la fin des travaux) a quand même émis des hypothèses plausibles qui montrent que l’assassinat du journaliste a été préparé au « Conseil de l’Entente » et que c’est parce que Norbert enquêtait sur la mort par torture de David Ouédraogo qu’il a été assassiné.

Cette piste relève désormais du passé. Marcel Kafando n’étant plus inculpé, les soupçons qui pesaient sur les autres suspects sérieux et bien sûr sur le probable commanditaire, François Compaoré prennent aussi fin. Il ne serait pas étonnant de voir bientôt le frère cadet du président jouer des rôles éminemment plus politiques comme se présenter aux législatives de 2007 dans sa province (l’Oubritenga).

L’alternance démocratique, une ligne d’horizon

La succession de Blaise Compaoré à la tête du Burkina, personne au sein de son propre parti le CDP, n’y réfléchit pour le moment. Personne n’ose le faire. Même au sein de l’opposition qu’il manipule à souhait depuis 1998. Sa faiblesse et son extrême dénuement fait qu’elle ne peut pas espérer réaliser l’alternance d’ici une vingtaine d’années. L’ADF/RDA qui avait pu émerger lors des dernières élections législatives n’est plus que l’ombre d’elle-même avec la scission de 2003 qui a vu le départ de Hermann Yaméogo et ses compagnons.

Ce qui veut dire que c’est Blaise seul qui peut décider de sa succession. Et personne ne pourra contester sa décision. Un cacique du régime de la IVè République nous avait confié ceci il y a deux ans : « La question de la succession du Président du Faso ne se discute pas actuellement ; il n’en sera toujours pas question en 2010, il faudra peut-être attendre en 2015 ».

Mais qui peut prendre le pouvoir et surtout préserver intact les intérêts de ceux qui sont actuellement aux affaires ? C’est la grande question que tout le monde se pose. Pour ceux qui connaissent bien le milieu économique du Burkina savent qu’il est profondément miné par le milieu politique à tel point qu’une nouvelle équipe qui viendrait remplacer celle qui est actuellement au pouvoir devra, si elle veut l’épanouissement du peuple burkinabé, devrait s’atteler à démanteler les cartels créés dans le domaine économique. Le remplacement des dirigeants actuels est même une vue de l’esprit.

Norbert Zongo avait raison

Maintenant la Constitution limite à deux quinquennats le nombre de mandats successifs pour tous les Burkinabé. Forcément à partir de 2015, il y aura un problème dans la succession au sein du parti au pouvoir. Comme Blaise Compaoré est prévoyant, c’est dès maintenant qu’il commence à penser à cette succession. Demander à l’Assemblée nationale de faire sauter à nouveau le verrou constitutionnel, ça ne fera pas beaucoup sérieux de la part d’un chef d’Etat, mais imposer son frère pour le succéder après ses deux quinquennats paraît beaucoup plus réalisable. Vu que la contestation n’est pas possible au sein de son parti politique et que l’opposition n’a pas de voix pour réagir. Les condamnations d’une certaine presse n’aura aucun effet sur le pouvoir déjà vacciné contre les critiques.

Le Burkina Faso n’est pas le premier pays sur le continent à faire une gestion familiale du pouvoir d’Etat. Norbert Zongo avait raison de penser que Blaise Compaoré préparait son frère à prendre la relève. Dans son entretien qu’il a eu avec le sergent Babou Naon le 15 janvier 1999, François Compaoré a même évoqué le problème. Voici ce qu’il avait confié au sergent : « Tout a commencé avec moi en 1998, à la mort de Norbert Zongo. Les faits avaient eu lieu le 13 décembre et nous étions revenus du voyage avec le président le 14 décembre.

C’est en rentrant à la maison que j’ai appris la nouvelle à la radio. Un mois après, soit le 15 janvier 1999, je suis allé voir François Compaoré pour lui faire part de ma préoccupation. Ce jour-là je lui ai dit que si effectivement ceux-là qui avaient tué Norbert faisaient partie de la sécurité présidentielle, ils ne rendaient absolument pas service au président car le moment était mal venu dans la mesure où l’investiture se préparait. C’est alors que François m’a demandé si je connaissais Norbert Zongo. Et je lui ai répondu non.

Aussi il m’expliqua que Norbert Zongo pensait que le président du Faso était en train de le préparer afin qu’il prenne sa relève, aussi Norbert avait-il entrepris de le salir par tout moyen. Aussi, François ne comprenait pas que des éléments de la sécurité présidentielle désapprouvent ce qui est advenu à Norbert Zongo, encore moins des officiers... » Sauf que dans cette déclaration Norbert n’a jamais voulu salir François Compaoré, mais faisait son travail d’investigation dans un assassinat.

Les faits lui ont donné entièrement raison avec le procès David Ouédraogo qui a eu lieu en août 2000. Même si François Compaoré a comparu comme simple témoin, les témoignages à l’audience montrent clairement son implication dans l’affaire David Ouédraogo.

Michel Zoungrana
L’Indépendant

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