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Affaire Norbert Zongo : Les dessous d’un dossier politique

Publié le lundi 31 juillet 2006 à 12h26min

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Le dossier Norbert Zongo vient-il de connaître son épilogue avec l’ordonnance de non-lieu prise en faveur de Marcel Kafando ? Si tel était le cas, ce serait dire alors qu’en dehors de cette piste, il n’en existerait pas une autre.

Pourtant, ce dossier qui a été dès son enrolement politisé à outrance est un dossier à tiroirs, n’ayant pas fini de révéler tous ses secrets.

On peut se demander d’emblée, ce qui a bien pu conduire à cette politisation à outrance du dossier Norbert Zongo.

Facile d’y répondre parce que dès l’annonce de sa mort, que d’associations dites de la société civile, de partis politiques en ont tout de suite fait leur fonds de commerce, une sorte de manne venue du ciel à exploiter sans vergogne jusqu’à plus soif.

Il est en effet aujourd’hui facile d’accuser le juge instructeur de tous les péchés. Mais à l’époque de ces événements tragiques, le mouton de sacrifice que fut Norbert Zongo était censé mettre le Burkina à feu et à sang et il s’en est fallu de peu.

C’est dans cette ambiance surchauffée, quasi insurrectionnelle que la Commission d’enquête indépendante sera instituée, avec sur ses solides épaules, le rôle de trouver les coupables, quoi qu’il puisse en coûter après à la quiétude et à l’harmonie sociales.

Composée dans sa grande majorité d’éléments notoirement connus comme étant opposés au pouvoir en place, il n’est pas étonnant qu’elle aboutisse à la logique conclusion, celle que les analystes lucides subodoraient à son investiture. Cette conclusion qui dit clairement dans son rapport que : "si pour la Commission d’enquête indépendante, il a été relativement simple de déterminer dans quelles circonstances Norbert Zongo et ses compagnons sont morts à Sapouy le 13 décembre 1998, il a été plus difficile, en revanche de trouver les auteurs du crime. D’autant que les témoins oculaires n’ont pu identifier formellement les hommes et les véhicules incriminés et que ni les armes ni les véhicules utilisés par les auteurs du crime n’ont pu être découverts".

Alors que faire ? Question à un milliard n’est-ce pas ?

Par une gymnastique intellectuelle, digne d’un vrai Sherlock Holmes spaghetti, elle va opérer par hypothèses, "en passant en revue les bandits de grand chemin, les chasseurs et les braconniers, les éleveurs, la main, étrangère, l’opposition ou le pouvoir d’Etat pour aboutir au dernier cité". Vous avez dit surprise ou plutôt conclusion inéluctable d’une farce conçue de fil blanc !

Fameuse retrouvaille

Pour ne pas être gros jean comme devant, la Commission aura le génie de dénicher six "suspects sérieux" parmi lesquels Marcel Kafando, dorénavant lavé de tout soupçon. Selon sa vision des faits, le juge d’instruction avait lui aussi l’obligation de transformer ses "suspects sérieux" en de "sérieux coupables" parce qu’il ne saurait en être autrement. Comment pour reprendre le bon mot de l’activiste Robert Ménard, "on sait qui sont les coupables" aboutir à un non-lieu pour Marcel Kafando.

Dans leur esprit formaté par leur "intime conviction", ils ne peuvent accepter que le juge d’instruction à défaut de se fonder lui, sur son intime conviction, puisse par des faits matériels dire le droit, en lieu et place d’une désignation de coupables sur mesure.

Car si Marcel Kafando qui est resté constant dans ses déclarations est accusé à la suite de quelques défaillances de mémoire, que penser du sieur Racine Yaméogo et de ses contradictions à faire perdre le Nord au plus patient des juges.

Devant la Commission d’enquête, il confirmait les dires de Marcel Kafando, soit seulement au plus un à deux mois après les faits. Mais subitement deux ans après en 2000, sa mémoire lui revient puisqu’il va alors se rappeler que leur rencontre datait du 14 décembre au lieu du 13.

A qui des deux protagonistes donner du crédit dans ce qui se conçoit en droit comme "une parole contre une autre" ? Fort simple, rien que du point de vue de la logique. En se rendant compte que le 13 décembre fut un dimanche et le 14 un lundi et suivant l’habitude connue des Burkinabè, lequel des deux jours est favorable pour aller passer du bon temps dans un débit de boisson ?

La réponse coule de source, le dimanche bien sûr !

Qui alors de Marcel et de Racine partant de cette logique biblique dit la vérité ?

Autant pour tout citoyen honnête, d’admettre que si manipulation ou pression, il y a eu sur Racine, elle ne peut venir que du camp des accusateurs forcenés de Marcel Kafando. Et lorsqu’on sait que Racine est l’oncle maternel de Norbert Zongo, cette manipulation devient un jeu d’enfant pour ceux d’en face. Et c’est-là où, depuis la désignation du pouvoir d’Etat comme le coupable parfait par la Commission d’enquête indépendante, jusqu’à l’acharnement de l’opposition, du Collectif, des avocats et de la famille pour valider cette thèse, on peut comprendre que dès l’entame, le piège s’était refermé sur le juge Wenceslas Ilboudo.

La politique dans le prétoire

Faut-il le rappeler ici que la Commission d’enquête indépendante est née parce que tous ceux qui s’agitent aujourd’hui ont signé à l’époque l’arrêt de mort de la justice ? Pour eux, il n’était pas question que le dossier soit enrolé par la justice, arguant pour ce faire qu’elle n’avait aucune qualification, notamment celle devant conduire à accuser in fine le pouvoir.

Alors à la va vite, le MBDHP, Robert Ménard et tous les plumitifs spécialistes des enquêtes policières ont sorti le résultat de leurs investigations en deux temps trois mouvements. Tout fut bouclé, l’espace d’un clignement de cils, une prouesse qui ne s’explique que par cette volonté d’orienter l’enquête, d’accréditer des thèses toutes faites, de contrôler les choses pour un dessein avoué : la conquête du pouvoir d’Etat.

Première rampe de lancement, la Commission d’enquête indépendante transformée en la justice burkinabè, pendant que la réelle devrait faire profit bas et avaler la grosse couleuvre sans un murmure. Comment alors s’étonner aujourd’hui que cette justice traitée comme du Kleenex hier bénéficie d’un autre traitement après le non-lieu ?

Si la politique est entrée dans le prétoire du dossier, c’est le Collectif et l’opposition qui l’y ont conduite, en marginalisant l’institution judiciaire, en la traitant d’incapable et en se rendant compte mais trop tard que c’est elle qui est malgré tout en charge.

Tous ces donneurs de leçon, notamment en orthodoxie d’enquête judiciaire sont mal fondés à se plaindre quand ce sont eux qui ont politisé ce dossier.

Ils en viennent à être réduits à sériner des déclarations péremptoires du type, "je pense donc j’ai raison". Morceau prisé parmi cette flopée de déclarations d’impuissance : "Ce dossier est hautement politique. Norbert Zongo a été tué par des membres de la garde présidentielle et le frère du chef de l’Etat, François Compaoré est impliqué dans cette affaire". C’est ce qu’ils servent depuis toujours et ils ont fini à force de s’écouter le répéter, par s’en convaincre et persistent à la faire avaler par tout le monde comme parole d’évangile.

Il en faudra faire beaucoup plus, et désormais la voie est ouverte devant ceux qui disaient urbi et orbi connaître les auteurs, les véhicules ayant servi, les armes itou, de savoir le pourquoi du comment de relancer le dossier et de nous apporter enfin toutes ses preuves qu’ils détiennent et que personne ne voit.

Parce qu’il revient que tous ces omniscients dotés du don d’ubiquité se sont dégonflés devant le juge instructeur et n’ont trouvé pour seule justification à leurs affirmations gratuites, qu’un acte de légèreté dicté par l’ambiance à balancer sans réfléchir de l’époque.

Devant la réalité que l’instruction judiciaire se démarque du fait de sortir des sottises de son cerveau, ces connaisseurs ont disparu de la circulation et espèrent même qu’on en oublie jusqu’à leur existence.

Pourtant, il va bien falloir qu’ils se réveillent car le juge attend et espère de nouveaux éléments pour relancer le dossier. Ces fins limiers qui n’ont pas perdu leur talent, ne vont pas manquer d’amener ces éléments et ils ont devant eux dix ans pour cela.

Ils n’auront donc aucune excuse en se contentant d’indignation, "honte, scandale et tutti quanti", mais d’agir pour respecter leur serment qui est que "ce dossier ne sera jamais définitivement clos" et rangé aux oubliettes. Alors tous les Hercule Poirot d’ici et d’ailleurs : "A vos marques, prêts, parlez".

Souleymane KONE

L’Hebdo

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