LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Affaire Norbert Zongo : Entre délation et droit

Publié le jeudi 27 juillet 2006 à 08h42min

PARTAGER :                          

L’affaire Norbert ZONGO vient de prendre un tournant décisif avec la conférence de presse du procureur général, Abdoulaye BARRY et du procureur du Faso Adama SAGNON. De cette conférence du 19 juillet dernier, il est ressorti une information capitale : la prononciation d’un non lieu pour le seul inculpé dans cette affaire, Marcel KAFANDO.

"Dura lex sed lex", la loi est dure, souvent même cruelle, mais c’est la loi. Une vérité difficilement acceptable au Burkina Faso pour des gens qui ont fait d’un dossier judiciaire, une affaire politique, un fond de commerce. Pour dire avec Thibaut NANA, le dossier Norbert ZONGO est devenu "une plantation de café" qu’on exploite à souhait avec le secret espoir qu’il ne connaisse jamais un aboutissement.

Si le dossier Norbert ZONGO a longtemps piétiné et peiné à évoluer sereinement, la faute est en partie imputable à la Commission d’enquête indépendante (CEI) qu’avait dirigée le juge Kassoum KAMBOU. Cette CEI, dotée de moyens conséquents et de pouvoirs énormes pour faire un travail de "fourmi" afin de trouver les coupables des assassinats de notre confrère et de ses compagnons de voyage a fini par "fabriquer" des "suspects sérieux" sur la base de suppositions, conditionnant ainsi l’opinion publique nationale et internationale.

Un vocable qui en lui-même est suspect et plein de dangers tant il n’aide nullement le juge d’instruction à bien faire son travail et oriente l’opinion ainsi dirigée sur une piste que rien de tangible ne matérialise alors que plusieurs autres avaient été soupçonnées. Les développements qui s’en sont suivis ont plus qu’éclairé l’observateur de la scène sociopolitique du pays sur les tenants et aboutissants d’une conclusion aussi hâtive que hasardeuse qui a embarqué le pays entier dans une spirale d’actions déstabilisatrices.

L’opinion publique nationale et internationale conditionnée, la CEI viciait une procédure que le juge d’instruction ne pouvait qu’avoir toutes les peines du monde à conduire à bon port. Toute autre piste qui se présenterait à lui et qu’il voudrait exploiter ne pouvait d’ore et déjà qu’être vue comme une volonté manifeste d’aboutir à autre chose et alors à tordre le cou à la vérité ! Le juge d’instruction n’avait pratiquement donc plus le choix. Il devait consacrer ses énergies et ses recherches pour ne pas dire son instruction sur ces fameux suspects sérieux du reste présentés à l’opinion comme de véritables coupables puisque la présomption d’innocence leur était même déniée par les meneurs de la fronde sociale.

Conclusion, plutôt que d’être mené par son dossier, le juge Wenceslas ILBOUDO sous la pression de la rue ou plus exactement de ceux qui prétendaient exercer "la pression" sur la justice burkinabè pour qu’elle dise le droit était comme piégé.

Laisser filer la proie pour l’ombre !

Ainsi, pour un "problème de calendrier" de Marcel KAFANDO entre le 13 et le 14 décembre 1998, ce dernier sera désigné par la CEI comme un suspect sérieux puis inculpé par le juge le 2 février 2001. Les déclarations d’un témoin, Racine YAMEOGO, qui est revenu sur ses premières déclarations pour infirmer celles de M. KAFANDO soutenant qu’ils étaient ensemble le 13 décembre ont suffi à établir la conviction du juge que la CEI avait raison de "suspecter sérieusement" sa participation à la funeste besogne des assassins du 13 décembre 1998.

Il faut dire que, après avoir pris le dossier, le juge d’instruction a auditionné sans grand succès une centaine de personnes (105 personnes) dont des militaires et même les suspects sérieux de la CEI. Incontestablement, le juge Wenceslas que l’on a aiguillonné sur la piste tracée par la CEI n’avait d’autre matière que la seule charge contre Marcel KAFANDO. Il ne pouvait qu’y "mettre l’accent" si fait que celui-ci sera le seul inculpé des six suspects sérieux désignés par la CEI ayant des alibis solides.

Une inculpation qui ressemblait bien à la satisfaction d’une demande, celle du collectif qui a œuvré pour cela. A ce propos nous écrivions dans L’Opinion N°176 du 14 au 20 février 2001 : "Après plusieurs mois d’hibernation, le juge d’instruction Wensceslas ILBOUDO est sorti de sa réserve en inculpant Marcel KAFANDO un des six "suspects sérieux" de la CEI du juge Kassoum KAMBOU.

Cette décision, beaucoup d’observateurs la voyaient venir, pour la bonne et simple raison que, tout au long de l’instruction, la pression a toujours été présente, orchestrée par les mêmes personnes, aux seules fins de pousser à aller dans le sens qu’elles voulaient... Manifestement, le juge voulait accéder à une demande. Il l’a fait en choissant, après certainement un constat d’impasse, la solution la plus facile : le gisement laissé par la CEI. Est-on pour autant sorti de l’auberge ?".

Cette interrogation beaucoup l’ont raillée au moment des faits, mais aujourd’hui elle leur revient à la face. Nous avions donc raison car le juge fait l’aveu de son échec sur une piste que l’on a choisie (à dessein) pour lui. Le seul témoin à charge, Racine YAMEOGO, s’étant rétracté toute la cabale est tombée à l’eau, le doute profitant à l’accusé. Un non-lieu ne pouvait qu’être prononcé au profit de Marcel KAFANDO puisqu’aucun autre fait ne permettait de l’incriminer.

Tout l’échafaudage conçu par certaines officines dont cette affaire est l’espoir pour un renouveau ou une existence meilleure est miné dans ses fondements.
On comprend alors aisément pourquoi ceux qui ont applaudi (collectif, RSF...) l’inculpation de Marcel KAFANDO se retrouvent aujourd’hui à dénoncer le non lieu et à pourfendre le juge Wensceslas à qui ils avaient entre temps tressé des couronnes de lauriers.

L’Opinion

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique