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Affaire Norbert ZONGO : Le doute qui profite à l’accusé

Publié le jeudi 27 juillet 2006 à 08h36min

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Inculpé le 2 février 2001 pour "assassinat et destruction de biens mobiliers" dans l’affaire Norbert ZONGO, Marcel KAFANDO a bénéficié d’un non-lieu le mardi 18 juillet 2006.

Cette décision du juge d’instruction Wenceslas ILBOUDO (doyen des juges d’instruction) a été motivée par le fait que le seul témoin à charge du dossier, Jean Racine YAMEOGO, se soit dédit lors d’une confrontation avec l’inculpé le 31 mai dernier. L’information a été donnée le mercredi 19 juillet 2006 au palais de justice de Ouagadougou par le Procureur général Abdoulaye BARRY et le Procureur du Faso Adama SAGNON. Sauf donc faits nouveaux, le dossier est déposé désormais au greffe du Tribunal de grande instance de Ouagadougou, et le juge ILBOUDO dessaisi de l’affaire.

Marcel KAFANDO était, jusqu’au 18 juillet 2006, le seul inculpé dans l’affaire Norbert ZONGO. Cette inculpation faisait suite aux déclarations de Jean Racine YAMEOGO. Déclarations faites devant le juge Wenceslas ILBOUDO et qui étaient en totale contradiction avec celles de Marcel KAFANDO relatives à son emploi de temps du 13 décembre 1998. En effet, l’adjudant Marcel KAFANDO avait déjà été mis en cause par la CEI qui s’était basée sur des contradictions relevées dans ses déclarations et surtout son positionnement en un lieu donné pendant un espace temporel précis.

Marcel KAFANDO expliquait que dans la matinée du 13 décembre 1998, il était resté au bureau jusqu’à 11 heures, heure à laquelle, il s’était rendu chez lui à domicile et qu’ensuite il était parti au restaurant "la Source" situé à la cité AN II, où il rencontrait son "ami", l’ex-sergent-chef Racine YAMEOGO de la Base aérienne. Racine YAMEOGO faisait savoir devant le magistrat instructeur que lors de sa déposition devant la CEI, il avait affirmé avoir rencontré Marcel KAFANDO dans la matinée et la soirée du 13 décembre 1998, mais que cela était dû à un triple facteur.

Il expliquait cet aquiescement de l’alibi de Marcel KAFANDO que sa situation n’était pas clarifiée sur le plan professionnel car il avait toujours un pied dans l’armée, que deuxièmement il avait été déféré manu-militari devant la CEI alors qu’il se trouvait en pleine cérémonie d’obsèques de son père, lorsque les gendarmes de la brigade de Koudougou l’avaient pratiquement arrêté sur la tombe de son père pour le conduire à Ouagadougou. Pour finir, Racine YAMEOGO soutient qu’il y avait la peur du moment, car à la veille de son audition, il avait été reçu par Marcel KAFANDO au Conseil de l’Entente aux environs de 23 heures afin qu’il confirmât son alibi et que lui était formel quant au fait que Marcel KAFANDO et lui ne s’étaient point rencontrés le dimanche 13 décembre 1998.

Face à ces contradictions constatées et consécutives à la déposition de Racine, compte tenu du fait qu’en matière de procédure d’information aucune confrontation n’est autorisée entre témoins, le juge Wenceslas se devait donc d’inculper Marcel KAFANDO pour clarifier "le hic" par une confrontation. Selon l’ordonnance de non-lieu lue par le Procureur du Faso Adama SAGNON, il ressort que l’inculpation de Marcel KAFANDO ne tirait pas son fondement de la matérialité des faits comme il est de coutume, mais des déclarations de Racine YAMEOGO.

Le 15 mai 2001 le juge instructeur procédait à une première confrontation du témoin Racine YAMEOGO et de l’inculpé Marcel KAFANDO. Confrontation au cours de laquelle Racine YAMEOGO s’en tenait à sa déposition du 29 février 2000 dans laquelle, il déclarait n’avoir pas été en compagnie de Marcel KAFANDO le 13 décembre 1998. Le 31 mai 2006, deuxième confrontation entre les deux et ce dans la perspective de continuation de la confrontation du 15 mai, interrompue en raison de l’état de santé de Marcel KAFANDO. C’est lors de cette confrontation que tout bascule.

Car, si Marcel KAFANDO est resté constant dans ses déclarations devant la CEI et devant le juge instructeur, Jean Racine YAMEOGO lui relativisait ses propos tenus en première comparution et lors de la première confrontation. Il déclarait lors de cette dernière confrontation : "à ce stade des évènements, je préfère ne pas me fixer sur une date à savoir le 13 ou le 14 décembre 1998, ce dont je suis certain, c’est qu’effectivement j’ai rencontré Marcel KAFANDO à cette période. Du Conseil de l’Entente nous nous sommes successivement rendus au restaurant la "Québécoise", au restaurant la "Source" avant que Marcel ne me dépose à l’hôtel Splendide.

A présent, avec le recul, il existe un doute dans mon esprit entre la date du 13 et du 14 décembre 1998. Face donc à ce doute,je préfère ne pas persister dans mes déclarations antérieures et accuser à tort un compagnon d’arme". En droit pénal, le doute profite toujours à l’accusé et c’est ce doute de Jean Racine YAMEOGO qui a abouti aujourd’hui à ce non-lieu pour Marcel KAFANDO. Et selon le Procureur général, le magistrat instructeur a respecté le code de procédure.

Voilà les faits qui ont abouti au non-lieu, tels que rapportés par le Procureur général et le Procureur du Faso.
Après leur exposé, ils ont été harcelés de questions par les journalistes qui n’y sont pas allés avec le dos de la cuillère. Le sujet étant d’importance capitale pour les Burkinabè, les journalistes voulaient tout comprendre. Que faut-il entendre par charges nouvelles ?

A demandé notre confrère de la Radio nationale. Et les autres "suspects sérieux" indexés par la CEI ; que deviennent-il ? Interrogeait notre reporter. Messieurs les procureurs, pensez-vous vraiment que le témoin Racine YAMEOGO puisse réellement avoir confondu les dates des 13 et 14 décembre ; un dimanche et un lundi ?

A demandé le correspondant de RFI. Notre confrère de la voix de l’Amérique de demander aux conférenciers si à leur avis le sieur Racine YAMEOGO n’avait pas été "enfeuillé" entendez par là soudoyé par X au point de revenir sur sa déclaration. Ce non-lieu, n’est-il pas une honte pour la justice burkinabè ; un échec ? Et les moyens qui ont été mis à la disposition du juge d’instruction ? N’avez-vous pas l’impression que le juge a fait 7 ans dans cette affaire pour rien ?

A assené notre confrère du journal Le Citoyen. Marcel KAFANDO peut-il obtenir des réparations pour préjudices subis dans cette affaire ? etc. Autant de questions et de préoccupations qui ont trouvé oreilles attentives, et surtout réponses appropriées. A l’attention de notre confrère de la RNB, le Procureur général répondra qu’il faut entendre par charges nouvelles, toute information, toute déclaration, dont ne disposait pas le juge d’instruction, et qui est susceptible de changer le cours de l’instruction.

En l’occurrence les déclarations d’un témoin oculaire. En ce qui concerne les "suspects sérieux" Abdoulaye BARRY dira que le juge, dans son travail a auditionné des militaires du RSP. "Qu’ils soient" suspects sérieux ou pas, le juge les a entendus et les personnes qui ont été identifiées comme étant des "suspects sérieux "ont également été entendues et n’ont pas été inculpées à l’exception de Marcel KAFANDO.

Les autres pour l’instant, jusqu’à survenance de charges nouvelles, sont également hors de cause. Ils ont été entendus comme des témoins dira le Procureur général.
Pour Adama SAGNON, Procureur du Faso, ce non-lieu n’est point un échec de la justice encore moins une honte pour elle. « On n’a pas pu aboutir à la découverte des auteurs du crime et parler de honte ou d’échec, c’est comme si c’était aussi un échec de la Commission d’enquête indépendante ».

Celle-ci à travers sa rubrique consacrée à la recherche des auteurs affirmait clairement que « si pour la Commission d’enquête indépendante il a été relativement simple de déterminer dans quelles circonstances Norbert ZONGO et ses compagnons sont morts à Sapouy le 13 décembre, il a été plus difficile en revanche de trouver les auteurs du crime d’autant que les témoins oculaires n’ont pu identifier formellement les hommes et les véhicules incriminés et que ni les armes, ni les véhicules incriminés n’ont pu être retrouvés ».

Voilà pour ce qui est de la CEI. Elle procèdera par les éliminations en excluant la main étrangère, les éleveurs installés sur son ranch et qu’il allait déguerpir et, poursuivra M. SAGNON « subitement on aboutit que parce qu’il investiguerait sur l’affaire David OUEDRAOGO, donc ce sont les gens qui ont tué David OUEDRAOGO qui l’ont certainement tué. Vous voyez, c’est tellement hypothétique et empreint de doute ». Le Procureur du Faso terminera son propos en faisant comprendre qu’il ne peut nullement s’agir pour la justice d’une question d’incompétence car, même la Commission d’enquête indépendante a eu des difficultés.

Par rapport aux moyens mis à la disposition du juge, le Procureur général Abdoulaye BARRY, est formel : "le juge a bénéficié de 26 millions de FCFA, il a utilisé 6 millions dans son travail et les 20 millions sont toujours au Trésor pubic" avant d’ajouter, "comme vous le savez, ce n’est pas les moyens financiers qui vont trouver le criminel ou les criminels qui ont commis ce forfait". Pour finir, Abdoulaye BARRY dira : " dans le cas d’espèce pour moi la honte, c’est de savoir que c’est un tel, et d’avoir la preuve formelle que c’est lui et ne rien faire pour qu’il réponde de ses actes. Ça c’est une honte ! Mais quand vous cherchez et vous ne trouvez pas, il n’y a pas de honte en cela".

Par Frédéric ILBOUDO

L’Opinion

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