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Suspension de spots sur les produits dépigmentants : Les publicitaires réagissent

Publié le jeudi 27 juillet 2006 à 08h22min

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Désiré Comboïgo

Le Conseil supérieur de la communication (CSC), réuni en session ordinaire le 11 juillet 2006, a décidé de la suspension de la diffusion de spots publicitaires sur les produits dépigmentants.

A ce sujet, nous avons approché le président de la toute nouvelle association des agences conseil en publicité "Publicitaires Associés", Désiré Comboïgo. Il a également expliqué le contexte dans lequel cette association a vu le jour.

Le Pays : Comment, au niveau de votre association, vous avez ressenti la décision du CSC de suspendre la diffusion de spots publicitaires sur les produits dépigmentants ?

Désiré Comboïgo : J’ai pu échanger sur le sujet avec des membres du bureau et de l’association. Globalement, l’ensemble des membres de notre association apprécient positivement et accueillent favorablement la décision du Conseil supérieur de la communication, étant entendu que c’est juste l’application d’une loi qui existe depuis 2001 et qui a été promulguée par le décret 2001/664/pres. Je pense qu’il n’y a pas de commentaire, puisque la loi est la loi et il faut l’appliquer en attendant, qu’elle soit bonne ou pas. En notre sein, je ne crois pas qu’il y ait un seul qui désapprouve cette loi.

Doit-on comprendre que les agences de publicité qui ont réalisé ces spots publicitaires méconnaissaient cette loi ?

Je ne voudrais pas être formel en disant que c’est une agence de publicité qui a réalisé la publicité. Dans notre pays, n’importe qui peut se prévaloir du titre d’agence. Pour moi, ce n’est pas une agence, jusqu’à ce que la preuve du contraire soit établie. A notre niveau, nous avons décidé de saisir officiellement le CSC pour savoir qui sont les acteurs de ces spots. En tant qu’association, nous pensons que le CSC daignerait nous répondre de façon à ce que, si c’est un de nos membres qui l’a fait, nous puissions l’encadrer au mieux et lui apporter les outils nécessaires pour que son agence ne récidive pas sur ce point ou n’enfreigne pas la loi ultérieurement.

La responsabilité n’incombe pas seulement au fabriquant de la publicité mais aussi au diffuseur parce que l’article 41 du code de la publicité est très formel. En effet, l’article 41, en son alinéa 3, stipule : "Les produits dépigmentants ne peuvent en aucun cas faire l’objet de publicité." De ce point de vue, le support qui accepte de diffuser est tout aussi coupable que le producteur. Ce dernier, pour avoir produit, n’est pas encore coupable, puisqu’il n’y a pas de culpabilité tant que la publicité n’est pas encore vue.

On peut penser que le commanditaire pouvait décider de diffuser sa publicité dans un pays où c’est permis. A l’état actuel des choses, la maison qui a apporté la publicité pour diffusion à la télévision aura failli au respect de la loi, de même que la télévision qui l’a diffusée. Les régies d’affiches publicitaires qui acceptent de louer leurs réseaux sont aussi coupables.

La mise en place de votre association fait-elle suite au constat d’un manque d’organisation et à ce type de dérive ?

Ce qui nous a motivé, c’est la perennisation de notre profession. Nous souhaitons apporter des prestations encore plus efficientes, mieux appréciées par nos clients. C’est aussi pour nous préparer à affronter l’élargissement de notre marché national. N’oublions pas que nous sommes dans un processus de mondialisation, et nous ne pouvons pas nous isoler de ce qui se passe ailleurs dans le monde. Plus près de nous, l’UEMOA n’est plus l’espace de référence. Maintenant c’est la CEDEAO, selon les derniers accords qui viennent d’être signés par les chefs d’Etat. Si au Burkina nous ne sommes pas organisés, ce sont les mieux organisés qui vont nous phagocyter, et donc, dans l’échange, nous risquons de sortir perdants.

Ce ne sont pas les aspects dérives ou quelques manquements que l’on a pu constater par-ci, par-là qui ont conduit à l’érection de l’association, mais nous avons surtout pensé aux autres enjeux pour l’ensemble de la profession. Il y a certes des manquements, mais il y a aussi un manque d’application de la loi qui dit que "les dirigeants d’agences conseil en publicité doivent justifier du titre universitaire ou équivalent ou se prévaloir d’une expérience professionnelle de cinq ans au moins dans les domaines de la communication, du marketing ou des relations publiques".

Aujourd’hui, ce n’est pas le cas puisqu’on ne vous exige pas cela pour avoir un registre de commerce. Nous voulons donc veiller à l’application de cette loi et l’amélioration du code de la publicité. Il y a aussi l’article 11 qui dit : "Toute agence conseil doit disposer d’un local commercial et être domiciliée au Burkina." Mais nous savons qu’il y a des agences dont le local commercial se résume à un sac que les responsables traînent partout.

Cette décision constitue sans doute un manque à gagner pour les publicitaires !

Il est certain que dans l’immédiat, la structure qui a donné l’ordre de diffusion aura perdu un marché. La télévision aura également perdu si elle n’a pas été payée entièrement, de même que les propriétaires des réseaux d’affichage, mais je n’en sais rien. S’ils n’ont pas perdu sur ce coup, il n’y aura plus de marché à obtenir dans l’avenir. N’oublions pas que nous sommes des acteurs dans un monde d’inter-relations. Une agence ou un acteur qui travaille à détruire la santé de son espace économique risque de ne pas être pérenne dans son activité. Il faut savoir que s’il n’y a pas de santé, il n’y a pas de production de bien ni de consommation, donc pas d’économie. C’est un tout qu’il faut savoir équilibrer, et je pense que la santé publique est extrêmement importante. Nous protégeons des milliers et des milliers de personnes qui, sous l’influence de la publicité, auraient pu se dépigmenter et constituer, à terme, un problème de santé publique parce que généralisée avec les multiples complications.

Je voudrais surtout féliciter une fois de plus le CSC pour sa décision, mais oser espérer que des mécanismes de prévention soient mis en place de façon à ce qu’on ne soit pas obligé de jouer au pompier comme on vient de le faire. Ces mécanismes peuvent s’élaborer en concertation avec l’ensemble des acteurs de la communication, et nous sommes un partenaire tout à fait disponible pour peu que le CSC veuille nous associer à cette réflexion. Nous voulons prendre des mesures de surveillance de foyers, pour que la moindre petite étincelle soit étouffée avant qu’elle ne se propage.

Propos recueillis par Antoine BATTIONO

Le Pays

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