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District sanitaire de Pissy-Médecins sans frontières (MSF) : un partenariat pour le bonheur des séropositifs

Publié le mardi 11 juillet 2006 à 06h53min

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Le Sida fait des ravages. C’est un truisme que de l’affirmer. A défaut de vaccin et de traitement curatif, les Antirétroviraux (ARV) constituent le seul espoir pour les millions de personnes infectées dans le monde. Vivre avec le Virus de l’immunodéficience humaine (VIH) n’est cependant pas une fatalité.

Avec les connaissances scientifiques sur la maladie, il y a la possibilité d’une prise en charge efficace des victimes dans des structures "spécialisées". C’est le cas du Centre médical avec antenne chirurgicale (CMA) de Pissy, où des milliers de malades ont retrouvé la joie de vivre grâce au partenariat entre le district sanitaire et l’ONG Médecins Sans Frontières (MSF).

Le monde s’écroule quand on apprend que son test de dépistage du VIH a donné un résultat positif. Pourtant, de nos jours, une personne contaminée par le VIH a des chances d’espérer. « Il est important que les personnes ayant reçu un diagnostic de séropositivité ne désespèrent pas », déclare le Dr Michèle Para, spécialiste du Sida de l’Ohio State University Hospital. « Avec l’aide de leurs médecins, poursuit-il, elles ont une bonne chance de combattre le virus et d’augmenter leur longévité ainsi que leur qualité de vie. Mais elles doivent vouloir le faire, elles doivent croire que l’on peut faire quelque chose ».

Oui, on peut faire quelque chose pour les personnes vivant avec le VIH (PVVIH). La plupart des séropositifs peuvent rester relativement en bonne santé pendant en moyenne dix ans après le diagnostic de l’infection, à la condition de trouver un médecin expérimenté et de travailler avec lui.

Comme c’est le cas, au CMA de Pissy, du jeune médecin Alain Diédon Hien, entièrement formé au Burkina. Pour avoir travaillé sur la tuberculose de l’enfant et sur l’association « tuberculose et VIH », sans oublier son parcours dans le dépistage volontaire, il a été recruté en 2002 par Médecins Sans Frontières, dans le cadre de son projet Sida. Avec d’autres collègues du district sanitaire, il s’occupe de la prise en charge des PVVIH pour leur redonner l’espoir de vivre.

Florence Zombré ne dira pas le contraire. En effet, cette dame qui a connu sa séropositivité en 2002, après le décès de son mari en 1999 du fait de cette pandémie, est suivie au CMA, et elle respire la forme. « Quand j’ai su que j’avais le virus, j’ai eu un choc psychologique. Sur les conseils de mes proches, je suis allée au CMA de Pissy. Je ne voulais pas des ARV. Mais lorsqu’on m’a présenté des gens qui suivaient ce traitement, j’ai accepté et aujourd’hui, je ne suis plus malade. Je suis les conseils du médecin, je respecte les rendez-vous et à la fin du mois, j’y vais pour mon ravitaillement gratuit en médicaments », raconte-t-elle.

En avril 2006, ils étaient 3 705 patients a être suivis au CMA de Pissy, dont 2 056 sous traitement ARV. Dans le lot de patients, on dénombre 205 enfants, parmi lesquels 88 sont sous ARV.

A écouter Florence Zombré, la prise en charge est une réalité et un succès dans ce district, d’où son message : « Faites le test. Le Sida n’est pas une maladie. Le cancer est pire que lui ». « Savoir que l’on a le virus dans le corps est déjà un grand pas », explique le Dr Hien. « On peut l’avoir, poursuit-il, sans le savoir et être en parfaite santé (asymptomatique), mais les forces de l’organisme diminuent au fil des années. Il s’affaiblira si profondément qu’il laissera la porte ouverte aux maladies opportunistes ».

Le VIH positif n’induit pas forcément un traitement ARV

Le test, suivi de la prise en charge, permet de prévenir et/ou de traiter les infections opportunistes ; le traitement ARV, lui, empêche le virus de continuer à détruire la personne. Les antirétroviraux bloquent la progression du virus et les forces de l’organisme remontent, ce qui permet au séropositif de rester en bonne santé, à condition de prendre correctement et régulièrement les produits.

Un autre avantage du test est de protéger le malade contre une autre infection qui entraîne des complications : « Il y a deux types de virus du Sida, le VIH1 et le VIH2. Lorsqu’on ne connaît pas son statut sérologique, l’on peut faire des rapports sexuels non protégés et être infecté par les deux types à la fois ». En plus, fait remarquer le médecin, connaître sa sérologie évite de "propager" le virus dans la communauté. Mais à condition que la personne infectée ait un comportement assez responsable pour ne pas contaminer les autres. En le faisant, vous n’éliminez pas le virus en vous...

"Cela ne vous donnera pas la paix du cœur pour supporter et vivre sereinement avec le VIH. A quoi sert-il d’occuper votre temps à chercher à nuire au lieu de chercher à comprendre comment gérer efficacement votre santé ?" Ce sont là les propos de Jacqueline Nacoulma dans "Lettre à ceux qui infectent les autres", parue dans le bulletin du CICDOC de janvier à mars 2006. Il faut alors davantage de sensibilisation pour amener l’infecté à comprendre la prise en charge et ses enjeux. Une personne séropositive, contrairement à ce que l’on pense souvent, n’est pas automatiquement mise sous ARV.

« Nous faisons un point clinique et biologique pour voir l’état des forces de son organisme. C’est lorsque la situation l’exige qu’on les lui donne. Sinon, l’on ne fait que prévenir et/ou traiter les maladies opportunistes. Le malade doit suivre des mesures d’hygiène, s’alimenter correctement et éviter l’alcool et le tabac, qui l’affaiblissent davantage », dixit le Dr Hien.

Au district de Pissy, il y a tout un circuit de préparation du porteur du virus à travers les causeries, pour lui donner le maximum d’informations (sur le VIH, le but et les contraintes du traitement ARV). « Le malade est au cœur du traitement, un traitement pour la vie. La réussite dépend de lui et aussi de sa famille et de la communauté », ajoute le Dr Hien.

De façon générale, les grands axes de la prise en charge sont identiques chez les enfants comme chez les adultes. Cependant, il y a des particularités dans le premier cas.

« Ce sont les parents, déjà malades ou non, qui amènent l’enfant en consultation et c’est à eux d’appliquer scrupuleusement les conseils du médecin. Ensuite, les médicaments ne sont pas les mêmes. Les plus jeunes ne peuvent pas prendre les gros comprimés, mais les formes en sirop. C’est ce qu’on appelle les présentations pédiatriques, qui ne sont pas toujours disponibles. Ce qui ne facilite pas notre tâche ».

Ce qu’il ne faut jamais faire, conseille notre interlocuteur, c’est de cacher la vérité à son enfant alors qu’il est en mesure de comprendre ce qui se passe (maladie, traitement, etc.). « Aujourd’hui, avec les technologies de l’information, les enfants sont souvent plus informés que leurs parents. Il ne faut pas alors les laisser découvrir eux-mêmes qu’ils sont infectés. On doit les mettre au courant, prendre bien soin d’eux. Cela a l’avantage de les amener à accepter la maladie et d’être autonome par la suite dans la prise en charge ». Certes, l’annonce d’une séropositivité à un enfant se fait au cas par cas et requiert des compétences.

Au CMA de Pissy, les femmes enceintes séropositives sont également suivies pour éviter que l’enfant soit contaminé par la maman. Il y a une antenne de la prévention de la transmission mère-enfant (PTME). La somme des efforts (ARV, suivi de la grossesse, façon de nourrir le bébé) donne de bons résultats. « Le bilan de la PTME fait par la sage-femme montre que sur 60 nouveau-nés, 59 sont séronégatifs ». D’où la nécessité selon le Dr Hien, de généraliser ce procédé jusque que dans les Centres de santé et de promotion sociale (CSPS).

Rapprocher le traitement du malade

Le district exprime les besoins, et les médicaments sont livrés par la CAMEG. « De plus en plus, explique le médecin de MSF, avec les différentes initiatives, l’Etat burkinabé appuie le Centre médical, à travers le district sanitaire. Avant, c’était MSF qui le faisait seul ».

Tout baigne certes, mais des difficultés subsistent. Pour y remédier, le Dr Hien lance un appel pour le soutien des adultes aux enfants, la simplification des protocoles de traitement, la disponibilité des présentations pédiatriques adaptées et l’amélioration du diagnostic précoce dans les formations sanitaires. Pour ce dernier point, il n’y a que l’hôpital Yalgado, l’hôpital pédiatrique et le Centre Muraz de Bobo-Dioulasso qui offrent des prestations. « Si les formations sanitaires ont des techniques de diagnostic précoce, on peut améliorer la prise en charge de milliers d’enfants. Nous voudrions que le traitement soit à coté de leurs lieux de résidence Il faut alors décentraliser la prise en charge ».

« Le Sida n’est plus une maladie », a déclaré la séropositive Florence Zombré. Pour que cela soit une réalité, M. Diédon Alain Hien, au nom de sa structure, conseille aux gens de se soumettre au dépistage, aux parents infectés d’amener leurs enfants dans les formations sanitaires, aux autres membres de la famille de les aider quand ils sont sous traitement, pour améliorer l’observance.

Aux nombreux couples séropositifs désireux d’avoir un enfant, il conseille de discuter avec l’équipe de prise en charge. « La grossesse ne fait pas progresser le virus, mais plutôt les manifestations liées à la grossesse. Il y a beaucoup de choses que l’on peut faire pour éviter les difficultés de la prise en charge ».

Adama Ouédraogo

Projet Sida de MSF

L’Observateur

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