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Coopération décentralisée : du théâtre forum pour impulser les reflexions

Publié le vendredi 7 juillet 2006 à 08h28min

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Il y a quelques semaines déjà, au mois de mai dernier le président du Faso, Blaise COMPAORE a effectué une tournée dans les territoires décentralisés de France, au moment où son pays a amorcé son processus de décentralisation intégrale.

A l’occasion, la troupe de l’Atelier-Théâtre Burkinabè était de la campagne du 23 mai au 07 juin, avec sa pièce théâtrale « Un espoir pour Falamatia », pour montrer les difficultés que le pays rencontre dans ce processus.

La troupe en a également profité pour donner des représentations de « L’Etranger », une pièce qui traite de l’épineuse question de l’immigration. Nous avons rencontré le directeur de l’ATB Prosper KOMPAORE revenu de France, pour qu’il nous parle de cette autre expérience internationale de sa troupe.

Comment cette sortie internationale de la troupe a-t-elle été possible ?

L’ATB et Pierre Michaillard à Belfort

Prosper KOMPAORE (PK) : Cette tournée a pu se faire grace au dynamisme de M. Pierre MICHALLARD, qui a réussi à convaincre le Conseil Général du territoire de Belfort, de bien vouloir inviter la troupe ATB à s’y produire ; et ceux dans le cadre de l’accueil de la visite de la délégation présidentielle dans cette localité et dans d’autres de la région. C’est ainsi qu’avec l’appui financier du Conseil Général, la troupe a pu effectuer le déplacement en France.

Vous y êtes allé avec deux pièces théâtrales à savoir « L’Etranger » qui traite de la question actuelle de l’immigration, et « Un espoir pour Falamatia » sur la décentralisation. Comment les représentations ont-elles été organisées sur place ?

PK : Dans un premier temps l’idée était de jouer une pièce sur la décentralisation, en l’occurrence « Un espoir pour Falamatia », parce qu’à l’occasion de la visite du chef de l’Etat, des rencontres au très haut niveau devaient se tenir entre les responsables des collectivités locales de France et ceux du Burkina.

Alors il était apparu que la pièce « Un espoir pour Falamatia », ayant servi ici à la Maison de la Coopération Décentralisée pour mener une campagne de sensibilisation à l’occasion des élections municipales avec le soutien du territoire de Belfort, il est apparu donc que c’était une bonne chose que cette pièce soit présentée au public français. Cela pour qu’il voit un peu comment dans un contexte africain, à travers le cas du Burkina Faso, le théâtre pouvait servir à sensibiliser les populations sur leur responsabilité dans le succès de la décentralisation.

Par la suite, nous avons proposé à nos amis d’accueillir également la pièce « L’Etranger », dont la problématique avait une certaine actualité dans les contextes français et africains, avec tout ce que nous entendons dans les médias sur la question de l’immigration. Ils ont manifesté un intérêt pour ce sujet et c’est ainsi que qu’il a été convenu qu’à Belfort, nous jouerions les deux pièces. Quant aux autres localités, elles avaient le choix entre l’une ou l’autre des deux.

Au total, il y a eu quatre représentations de la pièce « L’Etranger » et deux de la pièce « Un espoir pour Falamatia ». Cette dernière a d’abord été jouée à Belfort en prélude à la rencontre entre la délégation du Burkina Faso et celles des différentes villes, communes et territoires décentralisés de France. La même pièce a ensuite été jouée à Limoges juste à la fin de la tournée parce que le Limousin entretient également un partenariat très actif avec notre pays, notamment sur les questions de décentralisation.

La pièce « L’Etranger » a aussi été jouée à Belfort mais en deuxième temps, après les rencontres officielles qui ont fait suite à la première représentation. C’est complètement dans la nuit aux alentours de 22 heures qu’elle a été jouée devant le chef de l’Etat accompagné d’un parterre de personnalités.

Cela a été une opportunité pour nous de faire découvrir cette pièce, aussi bien aux officiels du Burkina Faso qui, pour la plupart, ne l’avaient pas vu, et aussi au public de Belfort. Par la suite la pièce a été jouée à Besançon, Touille et Gueret. Outre ces représentations, des animations scolaires ont également été assurées à Limoges, à Gueret et à Belfort, pour permettre aux élèves de découvrir le travail que nous faisons ici au pays avec le théâtre forum.

Quels sont les débats qui ont suivi la représentation de la pièce « Un espoir pour Falamatia » ?

PK : Lorsque nous avons joué à Belfort il était entendu que nous ne ferions pas de forum parce que le spectacle se situait dans une programmation très dense. Mais à l’issue de la représentation il y a eu beaucoup d’interventions des officiels dans lesquelles les uns et les autres sont revenus sur les problèmes que nous avons relevés dans la mise en œuvre de la décentralisation.

Il s’agit notamment des stratégies de recherche de financement au niveau des communes et des stratégies de motivation des populations dans les communes rurales à s’investir dans la gestion. Certaines questions ont directement été posées à nos autorités : M. Jean-Pierre CHEVENEMENT par exemple après avoir vu la pièce a demandé au ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, ainsi qu’au maire de Ouagadougou, comment ils feront pour éviter les problèmes de gestion soulevés dans la pièce.

Les uns et les autres ont répondu comme ils pouvaient en expliquant que les problèmes existent mais qu’au Burkina il y a des recherches de solutions. Ce qui est certain, c’est que pour beaucoup de gens c’était une découverte de savoir que la communalisation telle qu’elle se met progressivement en place au pays fait face à des difficultés qui sont en beaucoup de points comparables à ce que les communes connaissent également en France.

Il y a donc eu une sorte de convergence dans l’appréciation de cette pièce. Le chef de l’Etat lui-même est revenu aussi bien sur le problème de la décentralisation que celui de l’immigration. C’était comme une sorte d’amorce de la pièce « L’Etranger », parce que l’immigration a été un autre point de focalisation des discussions.

Des journalistes sont revenus plusieurs fois sur cette question, notamment ce que le chef de l’Etat pensait des dispositions prises par le ministre français de l’Intérieur pour limiter l’immigration. Le président a développé des arguments qui se sont retrouvés quelque part dans la pièce « L’Etranger ».

Au-delà des autorités qui ont vu « L’Etranger », la pièce n’a-t-elle pas suscité des réactions au sein des autres spectateurs que vous avez pu noter ?

PK : Pas vraiment ! Nous avons eu beaucoup de rencontres et de discussions après les spectacles, et je pense que tous sont unanimes que les problèmes posés par la pièce avaient une très grande violence et une très grande actualité, et que cela les interpelle évidemment quelque part. Il y en a aussi qui se sont sentis un peu avoir une mauvaise conscience après avoir vu la pièce.

Comment évaluez-vous les acquis pour la troupe ATB d’une telle tournée ?

PK : Elle a été pour l’ATB une excellente occasion pour étendre le réseau de ses contacts et connaissances, dans toutes les localités visitées. Nous avons noté le désir de beaucoup de partenaires de faire en sorte que la troupe puisse revenir pour une tournée plus importante.

A Besançon, Touille et Gueret par exemple, les gens se sont reprochés de n’avoir pas pris suffisamment de temps pour faire un battage publicitaire afin d’avoir le public que la pièce mérite. Ils souhaitent donc que la troupe puisse revenir pour qu’ils mobilisent plus de monde. Nous avons eu l’occasion de rencontrer ici à Ouagadougou une délégation venue du Limousin, avec qui nous avons longuement échangé et qui a son calendrier.

Au niveau de Belfort également il y a de bonnes perspectives. Quant à nos partenaires de Besançon, ils sont en contact avec nous pour assurer des formations ici au Burkina, en faveur de troupes qui sont dans les localités avec lesquelles ils entretiennent des relations de coopération. Je pense donc véritablement que sur tous les plans, la tournée a été une bonne amorce pour des actions futures.

Entretien réalisé par Fabrice Y. BAZIE

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