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Louis Mihyemba Armand Ouali, ancien maire de Gaoua : “Je suis un fantassin du développement”

Publié le mardi 4 juillet 2006 à 08h00min

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Louis Mihyemba Armand Ouali

Par moment, on a bien envie de dire : oh ! temps, suspends ta marche. Celui que la rédaction des Editions Sidwaya a reçu en invité le mardi 20 juin dernier, fait déjà ancien maire et ancien ministre : Louis Armand Ouali, en 1992, était ministre de l’Environnement et du Tourisme du gouvernement de transition et de 2000 à 2006, maire de la commune de plein exercice de Gaoua.

Si l’homme a été “dépouillé” de ces titres, au moins, il lui reste l’éloquence et l’élégance dans le maniement de la langue de Molière et ses idées lumineuses. Mais fait assez rare de nos jours, le camarade Ouali, qui aime affubler ses concitoyens de “brillants”, voire “grands” ou également “crapules sans scrupule” est un fervent ambassadeur des langues de son terroir. Notamment le birifor (maternel) et le gourmanchéma.

En tout cas, les trois heures qu’il a passées avec la rédaction de Sidwaya, ce 20 juin, ont été à plus d’un titre utiles. Ce fut simplement la part de vérité d’un intellectuel qui s’est retrouvé dans le landerneau politique. Un acteur du développement comme il se définit volontiers. Sa “simplicité” est si criante pour qu’on n’en parle pas. En effet, l’ancien maire qu’il a été doublé de l’ancien ministre, se déplace en Peugeot 50 (P.50).

Populisme ou contrainte financière ? Seul, lui a la réponse. Mais si l’habit ne fait pas le moine, il est aussi certain que le moyen de locomotion ne fait pas l’interloculeur. Et en la matière, la rencontre avec Ouali est assez illustrative pour qu’on ne le souligne pas.

Sidwaya (S.) : Ce matin (20 juin), il est procédé à l’installation du Conseil national du mécanisme africain d’évaluation par les pairs. Quelle est selon vous l’importance de ce genre de rencontres ?

Louis Armand Ouali (LMO) : Le monde dans lequel nous vivons est un monde d’humains. De ce point de vue, il est important que nous ayions la possibilité de pouvoir vérifier par nous-mêmes ce que nous faisons, et surtout le faire vérifier par d’autres personnes.

Le mécanisme africain d’évaluation par les pairs est à cet effet, une initiative à saluer. Il permettra aux hommes et femmes du continent, d’évaluer ce que font les chefs d’Etat africains. Au-delà des chefs d’Etat et de gouvernement, qui sont membres à titre volontaire de ce mécanisme, la possibilité est donnée au citoyen lambda, de pouvoir dire son mot sur ceux qui dirigent le continent dans un contexte particulièrement difficile. Ce mécanisme, il est vrai, est venu un peu tard mais, nous pensons que mieux vaut tard que jamais. Malheureusement, comme toute chose nouvelle, on aura toujours ceux qui sont optimistes et les afro-pessimistes, c’est-à-dire, ceux qui pensent que les Africains ne sont pas capables de mettre en place eux-mêmes, un mécanisme qui leur permette eux-mêmes de s’évaluer et de rebondir. En ce qui me concerne particulièrement, je crois que cela est bien faisable.

Beaucoup de choses évoluent sur le continent. La preuve, on a vu dans le cadre de la dernière rencontre au Rwanda, que beaucoup de choses importantes ont été dites.

Les journalistes ont posé des questions difficiles qu’ils n’auraient pas osé poser, il y a 30 ans. Pour moi, c’est la preuve que nous avons évolués. Et je crois que les chefs d’Etat ont été très clairs, en disant que les journalistes ont un grand rôle dans la mise en œuvre de ce mécanisme.

J’espère que dans les années à venir, nous aurons l’arme absolue de la gouvernance, c’est-à-dire l’opinion publique. Tant qu’il n’y aura pas d’opinion publique en Afrique, des hommes et des femmes capables de sortir de leur confort pour marcher pour ou contre une idée, nous aurons toujours du mal à nous en sortir. En tout cas, je suis heureux qu’au Burkina, on ait organisé ces trois jours, pour aller à la connaissance de ce mécanisme et en tant que citoyen, pour nous l’approprier. C’est à mon avis, notre devoir, notre mission.

S. : Pensez-vous que les peuples auront la possibilité de sanctionner les chefs d’Etat qui auront failli ?

L.M.O. : La sanction sera quinquennale, c’est-à-dire à la fin d’un mandat. Mais on a l’habitude de dire que les peuples méritent les dirigeants qu’ils ont. Sinon, je sais que nous avons la possibilité dans ce pays de sanctionner tous les responsables élus au suffrage universel direct ou indirect. Reste à savoir ce que nous, en tant qu’hommes et femmes de ce pays nous voulons pour passer du stade des simples populations, à celui de citoyens, c’est-à-dire des hommes et des femmes, qui ont d’abord des devoirs avant d’avoir des droits. La balle est dans notre camp. Telle est ma conviction profonde.

S. : Avez-vous foi en la charte pour la démocratie que l’Union africaine s’apprête à adopter lors de son prochain sommet à Banjul ?

L.M.O. : Je suis comme vous. J’ai foi en la charte, vous avez foi en la charte. Mais encore une fois, un document par lui-même n’a pas de valeur. Le document a beau être bien écrit, il n’a de valeur que s’il est porté par des femmes et des hommes conscients de leur responsabilité en tant qu’individus au sein d’une collectivité.

Dans ce sens, il faut rendre hommage à ceux qui ont créé les Nations unies en écrivant une charte qui, malgré des années et des années, est toujours valable. Cela veut dire qu’il fut une époque où le savoir était l’élément essentiel de la vie des êtres humains.

J’ai par contre le sentiment que nous vivons un temps où c’est “l’avoir” qui tend à diriger le monde d’aujourd’hui. Celui qui est nanti et qui l’ignore, ne peut pas diriger le monde. Un monde dirigé par des aveugles n’a pas d’avenir. Il faut également, bien entendu, la rencontre du savoir et de l’avoir. Vous, en tant que journalistes, vous réfléchissez tous les jours. On doit donc vous payer ce prix car la réflexion a un prix. Mais lorsque je dis cela, je ne m’adresse pas à l’Etat mais à la société, car ceux qui réfléchissent sont ceux-là qui dirigent ce monde. La charte sera sans doute un très bon document comme la charte de l’Organisation de l’unité africaine.

Si vous lisez les premiers éléments des thèses d’un de nos frères du Cameroun, vous verrez que la charte de l’Organisation de l’unité africaine, telle qu’on l’a connue, n’était pas celle-là. Il y a certains qui avaient une vision beaucoup plus claire et avaient prospecté l’avenir. Mais ceux-là ont été battus par ceux qui ont rédigé la charte de l’Organisation de l’unité africaine.

Si vous comparez encore celui qui été le premier secrétaire général administratif de l’OUA, Diallo Telli, un brillant universitaire guinéen à ce qu’ont été d’autres, vous conviendrez avec moi que “tôle c’est pas tôle” car, si le margouillat est un reptile, le caïman aussi est un reptile.

C’est dire donc que la prochaine charte sera comme toutes les autres, c’est-à-dire un très bon document. Mais si les Africains ne la connaissent pas, ne la dissèquent pas et ne la maîtrisent pas, les dirigeants feront toujours ce qu’ils veulent. Même le paysan qui se trouve dans son village doit se l’approprier et s’il le faut, dans sa langue maternelle. Nous avons le devoir de contribuer à faire connaître cette charte.

S. : Vous posez là un problème fondamental. Il s’agit de la place de l’éducation dans le développement. Comment voyez cette éducation au Burkina ?

L.M.O. : Votre question me semble difficile car il faut un tableau d’ensemble pour pouvoir y répondre. Nous parlons souvent d’un pays qui n’est pas le même pour nous.

Nous ne sommes pas comme les autres. Quand je dis nous, c’est les Burkinabè, les Voltaïques, ce n’est pas moi qui le dis, mais l’histoire de la Haute-Volta devenue Burkina Faso en 1984 qui me l’enseigne. Nous avons dans le contexte des années 70, précisément en 1978, remis en cause fondamentalement, les théories développementalistes. Nous, ce sont les dirigeants de l’époque, le général Aboubacar Sangoulé Lamizana ainsi que toute la classe politique.

Les théories développementalistes disaient à l’époque qu’un peuple qui ne sait ni lire ni écrire en français, en anglais, en arabe, en chinois, en espagnol, en russe, c’est-à-dire les 6 langues parlées aux Nations unies, que ce peuple n’a point d’avenir ; et que l’homme qui a faim et soif n’est pas en mesure de savoir ce qu’il veut. C’est en Haute-Volta, classée parmi les pays les plus pauvres et les plus analphabètes du monde, qu’un cadre supérieur de Banque, Macaire Ouédraogo, a mis en ballottage le président Sangoulé Lamizana qui venait de passer 10 ans au pouvoir.

En tant qu’officier le plus ancien dans le grade le plus élevé, il aurait pu faire comme tous ses pairs en se faisant élire avec 99,99%.

L’Europe comme l’Amérique auraient applaudi des deux mains. Mais au contraire, il a organisé de façon très courageuse, des élections libres et transparentes qui ont failli même l’emporter.

Le professeur Bernard Thérigni, que j’ai eu l’honneur d’avoir comme enseignant à Poitiers en France, a écrit un article très puissant à ce sujet : “La Haute-Volta et le luxe de la démocratie”. Ce qui, contrairement à ce qu’avait soutenu Jacques Chirac à l’époque, ne voulait pas dire que la démocratie était un luxe pour nous. Ce temps fort de notre histoire, nous devons le connaître afin de parler de la même chose.

C’est pour dire que ces histoires d’analphabètes sont de faux problèmes. D’ailleurs nous sommes tous des analphabètes d’une manière ou d’une autre. Il y a des élites religieuses, traditionnelles et des élites modernes. Et tous ceux-ci concourent au développement de la nation. Ensuite, alors que plus personne ne parlait de révolution dans le monde, des hommes et des femmes de ce pays ont dit non à l’arbitraire à travers l’avènement de la révolution en 1983 sous l’impulsion de jeunes officiers. Donc à contre temps, une seconde fois, la Haute-Volta a prouvé aux yeux du monde qu’elle n’était pas un pays comme les autres.

Pays pauvre, certes, mais digne et fier. Et c’est cela qui a contribué à faire changer le nom du pays. La terre des hommes du général De Gaule est devenue la Patrie des hommes dignes, fiers et incorruptibles : le Burkina Faso. Enfin, le troisième temps fort de l’histoire de notre peuple, c’est lorsque les gouvernants de notre pays, contrairement à ce qui se disait depuis La Baule, ont décidé que la communalisation intégrale ne serait pas nécessairement une bonne chose. Contrairement à certains pays voisins qui se sont lancés dans cette aventure, le Burkina a choisi de faire 30 communes, ensuite 33. L’expérience ayant permis d’en mesurer les insuffisances, nous sommes passés à 39 communes.

Et depuis avril 2006, nous en sommes à plus de 350. Donc ces trois temps forts, me permettent aujourd’hui d’affirmer que nous ne sommes pas comme les autres. Ma conviction profonde est qu’on peut ne pas savoir lire en français ou en anglais et bien comprendre les choses. Il suffit d’expliquer dans la langue maternelle de l’intéressé, avec les proverbes, les paraboles comme dans la Bible, le Coran ou la Tora, avec toutes les nuances de la langue, pour qu’il devienne un acteur de sa propre histoire. Cela veut dire que nous ne pourrons jamais alphabétiser en français suffisamment et à un bon niveau.

C’est vrai que des expériences de l’enseignement bilingue ont été tentées dans ce pays et n’ont pas trop marché, mais d’autres pays comme le Rwanda et la Tanzanie l’ont réussi. Il n’y a donc pas de raison que nous n’arrivions pas à trouver le chemin qui nous convient.

S. : Pourquoi dites-vous que l’enseignement bilingue n’a pas marché au Burkina alors que beaucoup d’enfants ayant bénéficié de cette formation réussissent brillamment au CEP ?

L.M.O. : Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Quand je dis qu’il n’a pas marché, c’est parce que tout simplement cet enseignement porteur, cette action salvatrice de l’OSEO, n’a pas été généralisée.

S. : Ne pensez-vous pas que l’uniformisation des modes de vie et de pensée nous ôte à nous Burkinabè, cette particularité que vous venez de décrire, surtout que les Africains, de façon générale, ne se sont pas encore appropriés leur histoire ? Vos propos nous semblent tellement aériens.

L.M.O. : Pas du tout. La réalité est implacable. Moi, je suis l’héritier d’un peuple qui, par trois fois de son histoire, a prouvé qu’il n’était pas un peuple mouton. Ce que je dis n’a rien d’aérien. Le général Lamizana a bel et bien existé, le peuple voltaïque a vécu. Vos pères et mères, analphabètes diront certains, ont mis en ballottage Lamizana qui, après, a été élu avec juste 52% de voix, un score incroyable à l’époque, au regard de ce qui se passait ailleurs. Moi je suis un fantassin, un soldat du développement. Par ma formation universitaire, je suis un général.

J’ai passé 20 ans de ma vie à parler dans les fora et dans les salles de conférence les meilleures. Le hasard de la vie, Dieu, les mânes des ancêtres, la volonté m’ont fait ministre dans ce pays. Mais en réalité, si je suis retourné au village, c’est pour ne plus faire de thèse libre. Depuis 5 ans, je réside à Gaoua. Je ne parle que des réalités au quotidien. Comme l’a dit le chef de l’Etat, celui qui n’est pas capable d’interroger l’histoire, son passé pour éclairer son présent et son avenir, est un homme sans avenir. J’ai lu dans “Sidwaya Plus” où le chef de l’Etat disait que la décentralisation est la prise en charge par les populations de leur propre destin et également la connaissance des relations internationales. Les pieds profondément enracinés dans nos traditions et la tête dans les étoiles, tel est l’équilibre difficile que nous devons faire tous les jours.

Je suis un théoricien qui ne parle que de faits concrets. Lamizana, la Révolution du 4-Août, la décentralisation sont des réalités concrètes. Le Mali, pays frère, a plus de 700 communes. Ils ont commencé par la communalisation intégrale. Mais si vous interrogez leurs responsables, ils vous diront qu’ils ont tout fait par la suite, pour essayer de recentrer, mais en vain. Nous, nous sommes partis dans une vision de communalisation par étape, avec des communes de plein exercice, des communes urbaines et ensuite des communes rurales.

Tout cela n’est pas tombé du ciel. En réalité, on veut nous forcer à porter le corset de la pensée unique. Chose à laquelle nous devons dire non. Nous ne sommes pas des Européens, ni des Américains. Nous sommes des Africains. Nous ne sommes pas non plus des Africains comme les autres, mais des Africains du Sahel, une région où il ne pleut que trois mois dans l’année et parfois même pas. C’est tout cela qui fait notre spécificité.

S. : La décentralisation intégrale pourra-t-elle mettre fin à la paupérisation croissante de nos populations ?

L.M.O. : Tout d’abord, je dirai que j’ai le sentiment qu’au lieu de lutter contre la pauvreté, nous luttons contre les pauvres.

Il n’y a pas de panacée à la lutte contre la pauvreté. L’ancien ministre français des Finances devenu président, Valérie Giscard D’Estaing a écrit à l’époque un livre où il disait ceci : “nous ne guérirons pas la misère du monde”. C’est clair comme l’eau de roche, la France ne guérira pas la misère du monde. Cet écrit est là depuis plus de 30 ans. Mais malheureusement les gens lisent très peu. La même réflexion s’applique à la décentralisation. L’époque des miracles est bel et bien finie. Jésus Christ a été crucifié, il est mort sur la croix, nous ressusciterons avec lui, nous dit la Bible. Mais en attendant, nous devons travailler. Dieu lui même l’a dit : l’homme gagnera son pain à la sueur de son front. La décentralisation est seulement l’une des réponses adéquates à la pauvreté si les partis politiques jouent leur rôle en concourant à l’éducation civique des populations.

Ainsi, elles auraient élu des hommes et femmes qu’elles connaissent parce qu’elles les ont vus à l’œuvre. C’est pourquoi je suis contre le fait qu’on peut être maire non résident. Le maire doit être résident pour vivre au quotidien les problèmes de ses administrés. Maintenant, les gens veulent être premiers à Ouagadougou, premiers à Djiga, à Kantchari ou à Sindou, ils se font deuxièmes adjoints. A mon avis, si l’on veut que la décentralisation marche réellement, les maires doivent être des élus résidents aux côtés de ceux qui les ont votés.

C’est “l’aventure ambiguë”, comme le dit Cheik Amidou Kane qui nous a coupés des populations. J’ai beaucoup voyagé. J’ai connu les décalages horaires. Je me suis dit que tout cela était bien, mais que retourner au village était encore meilleur. Contribuer et revenir s’asseoir. La trilogie du mouvement étudiant de mon âge (j’ai 53 ans) c’est d’être un cadre techniquement compétent, politiquement conscient et intégré aux masses. Techniquement compétent, beaucoup de cadres le sont. Politiquement conscients, il y en a très peu. Intégrés aux masses, on en cherche. Personne ne veut retourner au village. Les leçons que j’ai pu tirer des cinq années au village m’ont permis de catégoriser en trois les hommes de la scène politique du Burkina. Il y a d’abord, les politiciens. Ils sont les plus nombreux. Ils ne croient en rien. Ce sont des gens qui ne craignent ni diable ni Dieu. Ils ne croient qu’en leurs intérêts. Tout ce qu’ils disent est enrobé dans le discours.

Ensuite, il y a les politiques. Eux, ce sont les archéologues du savoir. Ceux qui, lorsqu’ils parlent, il faut les écouter religieusement. Enfin, il y a les acteurs politiques du développement. Moi, je suis de ceux-là. Des femmes et des hommes, peut-être pas très intelligents, qui font l’effort de réfléchir et qui ont surtout un passé sur le terrain.

Je ne suis pas devenu subitement élu local puis maire à Gaoua en 2000. Je ne suis pas tombé du ciel. Je me suis d’abord investi dans l’éducation avec une amie de Suisse. Nous avons pu construire trois écoles à trois classes. Même si cela n’était pas beaucoup, ce n’était pas mal non plus.

Nous avions donc des activités de terrain qui nous ont permis de penser que nous pouvions assumer quelques responsabilités. Celui qui ne sait pas d’où il vient, ne sait pas où il va. Malheureusement, mon sentiment après cinq ans à la mairie est qu’en réalité, les insuffisances de la loi ont concouru à faire émerger dans ce pays, des gens qui devraient être spectateurs plutôt qu’acteurs.

S. : Depuis le 2 juin dernier, le Burkina vit au rythme de l’installation des maires. Comment suivez-vous ces activités ?

L.M.O. : Je suis l’installation des nouveaux maires avec beaucoup d’intérêt. Comme je l’ai dit, je crois à la décentralisation. Raisonnablement, pour des villes comme Ouagadougou, Bobo-Dioulasso et d’autres villes moyennes, nous pouvons, dans les cinq années à venir, changer radicalement les conditions de vie des populations.

Vous le savez déjà, dans trente ans, les Africains vivront plus dans les villes. Mais malheureusement, plus de la moitié de ces personnes qui vivront dans les villes vivront dans des conditions de vie inférieures à celles des villageois. Ils vivront dans des conditions de santé moins bonnes, ils vivront surtout dans des conditions d’hygiène plus terribles.

La décentralisation pourra peut-être contrecarrer ce phénomène qui s’annonce. Je souhaite que ce qui s’est produit dans le Koulpélogo et le Boulgou n’arrive plus jamais. Nous devons véritablement aller vers un système plus apaisé. Et je suis surtout heureux d’entendre de plus en plus des déclarations d’apaisement. Etre élu conseiller est très bien. Etre élu maire, c’est encore mieux. Mais la tâche qui les attend est une tâche qui doit inclure l’ensemble des filles et fils résidants et non résidants. Le chemin de la communalisation intégrale sera sans doute très difficile. Pour cela, nous devons nous donner la main car c’est dans l’union, et surtout dans notre capacité à interroger notre passé pour créer notre présent et notre avenir, que nous pourrons réussir.

S. : Depuis le 16 juin dernier, les travaux de réhabilitation de Rood Woko ont démarré. A votre avis, quelles sont les mesures qu’il faudrait désormais prendre pour que pareille situation ne se répète plus ?

L.M.O. : Les mesures à prendre sont celles que nous connaissons tous. Nous devons être des citoyens respectueux de la légalité républicaine. S’il y a 4 800 places à Rood Woko, il doit y avoir exactement 4 800 commerçants. Les voies d’accès aux secouristes ne doivent pas être bouchées. L’anarchie, le désordre n’ont jamais permis de développer un pays. Construire par contre demande beaucoup de réflexion, beaucoup d’idées, beaucoup d’efforts physiques et intellectuels.

Il n’y aura pas de miracle, les mêmes causes produisent les mêmes effets. Si nous récréons les conditions de Rood Woko ancien, nous allons récolter les mêmes effets.

On ne peut pas laisser les citoyens gagner leur vie au risque de leur propre vie. Si ces soldats du feu n’étaient pas intervenus, certains commerçants seraient rentrés pour chercher leur argent et nous aurions eu une catastrophe. Dans une classe de 22 élèves, si vous prenez 23 élèves, il est évident que le 23e sera à terre. Respectons ce que les techniciens nous disent. Il y va de notre bien à tous.

Lorsque le marché a pris feu, j’ai pensé à toutes ces grandes sociétés qui contribuent chaque jour au développement de ce pays et qui se trouvaient autour du marché, sont de celles-là, Sidwaya, les stations d’essence, le groupe CFAO, etc. Lorsque vous êtes un responsable, vous ne pouvez qu’avoir peur.

Par exemple, nous sommes en train de construire le marché de Gaoua dans lequel il y a plusieurs milliards de marchandises et d’argent. Si ce marché prenait feu, je n’imagine même pas ce qui peut arriver. Car les sapeurs-pompiers qui couvrent la ville de Gaoua se trouvent jusqu’à Banfora (environ 200 km de Gaoua).

S. : Chaque année, on constate que beaucoup de candidats aux examens n’ont pas le niveau. Avec ces perles qu’on voit tous les ans, comment créer une conscience citoyenne forte, quand on sait que cela va de paire avec la légalité républicaine dont vous parlez ?

L.M.O. : Les perles dont vous parlez sont des perles en français. Le même enfant si vous lui posez des questions en “lobiri” sur le Djoro, il vous apprendra beaucoup de choses. Dites-lui de calculer en lobiri, de faire une rédaction en lobiri, vous serez surpris parce que c’est son fond culturel. Je ne suis pas un spécialiste de l’éducation. Mais allez surtout vers les responsables de l’enseignement d’entraide, vers les inspecteurs de l’enseignement primaire et secondaire ou encore vers n’importe quel instituteur, les fameux “IB”, ces braves instituteurs de brousse qui ont contribué à faire de nous tous ce que nous sommes, ils vous diront avec conviction que l’enseignement bilingue est l’une des solutions à l’éducation. Sinon nous continuerons toujours d’avoir des perles au CEP, au BEPC comme au BAC.

Que ce soit à Sidwaya, au ministère des Affaires étrangères dont je suis un des employés ou en médecine, on trouve de brillantes personnalités qui ne parlent pas français. Lorsque j’écoute certaines radios FM et que j’entends des journalistes s’exprimer, j’ai très peur. Lorsque j’interdis à mon fils de 8 ans d’écouter ces genres de radios, il me dit ceci : mais papa, c’est là-bas qu’on découvre les termes d’Abidjan.

La légitimité et la légalité peuvent être expliquées dans toutes les langues de ce pays aux populations. Et cela incombe à nous, qui appartenons au 1% ayant eu la chance d’arriver à l’université. Nous avons plus de responsabilité que les autres. Chacune de nos actions quotidiennes doivent contribuer d’une manière ou d’une autre à faire en sorte que nos populations quittent le stade de sujets pour accéder à celui de citoyens. En 1978, l’opposition avait 27 députés tandis que la majorité en avait 28. Maintenant, si le peuple burkinabè, héritier des traditions du peuple voltaïque, est plus incompétent en 2006 dans le choix des gouvernants que celui de 1978 qui était plus pauvre et plus analphabète, cela est inadmissible.

Nous ne devons pas en toute conscience jeter la pierre aux autres. Nous devons faire une introspection individuelle. Ai-je fait ce que le devoir m’impose ? Ai-je été jusqu’au bout des capacités que Dieu m’a données ? Telles sont parmi tant d’autres les questions que chaque intellectuel devrait se poser. Une fois que vous arrivez à répondre à toutes ces questions, vous êtes un honnête homme si vous avez huit sur dix (8/10).

Mais si vous avez quatre sur dix (4/10), cela veut dire que le chemin est encore long. Moi je suis d’abord responsable de la citoyenneté d’ignorance (au plan politique) dans laquelle se trouve mon pays.

Et avec moi, j’engage la responsabilité des autres intellectuels. En réalité, beaucoup d’entre eux ont des diplômes dont ils n’ont pas quelque fois les connaissances.

S. : Comment vous vivez la Coupe du monde, plus particulièrement la participation des Africains ?

L.M.O. : La Coupe du monde est certainement un temps fort de la vie pour tous les peuples de la planète. Que vous aimiez le football ou pas, vous êtes obligé de supporter, de ne voir que du football à la télévision pendant un mois.

En tant que dialecticien, moi je vais toujours au- delà de ce jeu pour faire ma propre analyse. Comme disent les Anglais, Soccer is a game (le football est un jeu) certes. Mais aujourd’hui, le football est avant tout un business.

La Coupe du monde est donc un business. Et en matière de business, le pauvre est toujours perdant. `

Tout comme nos braves producteurs de coton, nos footballeurs n’auront rien. Si les Black Stars du Ghana avaient marqué quatre buts à zéro contre la République Tchèque, les Tchèques auraient eu un penalty ou deux, pour sauver l’honneur. Heureusement, qu’ils n’ont marqué que deux buts.

La Coupe du monde est un business dans lequel on ne peut pas se permettre d’humilier les grands. Lorsqu’on abat un Africain dans la surface de réparation, l’arbitre ne siffle pas et personne n’en fait un problème.

Cependant, je suis optimiste quant à l’avenir du football africain. Car de plus en plus, on ne pourra pas empêcher les Africains de faire ce que les Brésiliens font.

S. : Croyez-vous à une éventuelle qualification des Etalons à une phase finale de Coupe du monde ?

L.M.O. : Bien sûr que cela est possible. Mais encore faut-il trouver des hommes ayant une probité morale, intellectuelle hors du commun. Le football ne se limite pas au simple fait de taper dans le ballon. C’est une réflexion, une capacité à communiquer à 23 joueurs, votre vision de patriote.

En d’autres termes, le Burkina peut se qualifier si nous arrivions à avoir un entraîneur qui ait véritablement la confiance des jeunes. Mais avant tout, il faut réellement que ceux qui seront choisis soient vraiment les meilleurs et qu’ils acceptent de jouer pour ce pays qui n’a pas les moyens de payer leur compétence.

Celui qui jusqu’à ce jour était l’entraîneur des Etalons (parlant de Simondi), nous a rendu un sacré service en nous abandonnant en pleine mer. Tirons toutes les leçons pour mieux avancer.

S. : Les Etalons ne sont pas orphelins que d’entraîneur. Egalement, au niveau des supporters il y a une guéguerre. Le ministre veut une structure unique. A quel niveau vous situez-vous ?

L.M.O. : A ma connaissance, je n’ai pas entendu parler de guerre. A ce que j’ai lu dans les journaux et dans ses différentes interviews, le ministre Jean-Pierre Palm disait qu’il n’a rien contre personne. Seulement, il refuse que l’argent donné pour le football puisse servir à autre chose. Une autre idée sur laquelle je suis entièrement d’accord avec le ministre, c’est qu’il y a trop de coupes. Coupe de maire par-ci, coupe du député par-là etc. Pour limiter ces dérives, le ministre a souhaité que toute compétition, quel que soit le niveau villageois, ville supérieure ou ville secondaire, puisse concourir à l’émergence d’une élite du football dans ce pays. Le ballon est rond pour tout le monde qu’on soit blanc ou noir, jaune ou rouge. Mais au-delà du ballon qui est rond, il y a le don de Dieu. C’est ce qui fait que des Africains sont parmi les meilleurs joueurs du monde.

Donc en réalité aujourd’hui, il y a une espérance nouvelle pour le Burkina. Certes, le ministre a dit des choses qui peuvent choquer, ainsi que des responsables d’une coordination, mais c’est la pure vérité. Et moi j’ai apprécié leur vérité. Maintenant, nous devons chercher la vérité et cela est bien possible. Que ce soit le ministre des Sports ou les responsables des différentes coordinations de supporters, chacun aime ce pays, aime le sport, même au-delà du football. Nous pouvons réussir dans bien d’autres sports comme le cyclisme, la boxe, etc. Mais comme je le disais, le football est un business, rien d’autre ne mobilise autant que le football.

S. : Comment expliquez-vous la situation qui prévaut en Somalie ?

L.M.O. : La corne de l’Afrique, le Proche et le Moyen-Orient sont des régions qui se ressemblent. L’Afrique est le seul continent où nous refusons de réfléchir, de remettre en cause tous ce qu’on nous fait avaler. Au-delà du terrorisme, j’ai le sentiment qu’il y a des causes économiques, que ce soit au Moyen- Orient, au Proche-Orient où dans la corne de l’Afrique. Je sais qu’il y a plein de ressources qui dorment sous terre que nous ne connaissons peut-être pas tous, mais que d’autres connaissent.

Loin de dire qu’en Somalie, il y a des ressources rares, je peux dire que le Burkina n’est pas un pays pauvre. Il y a peut-être des ressources sous le sol que nous ignorons. Egalement, en plus des raisons économiques, il y a des raisons stratégiques. Il y a des pays qui, de par leur situation géographique dans le monde, valent plus que de l’or, plus que toutes les richesses. La République démocratique du Congo est l’un de ceux-là. De nos jours, le monde est fragilisé au plan moral et spirituel. Il y a beaucoup de remises en cause.

De certaines affirmations des écritures saintes, nous sommes à ce tournant de l’histoire de la vie des peuples et des hommes. Et les différentes régions en conflit en ce moment sont des régions à forte connotation religieuse, où des hommes et des femmes se sont arc-boutés. Ils veulent mourir debout, c’est-à-dire au nom d’un idéal religieux sur lequel on peut ne pas être d’accord.

Mais, c’est leur conviction profonde. En cela, il faut les admirer. Le monde se porte mal.

S. : Tant qu’on ne se réapproprie pas notre histoire, peut-on mener à bien cette réflexion ?

L.M.O. : J’ai fait partie d’une équipe qui a accompagné le président Jerry Rawlings pour visiter le musée de Manéga. Il était particulièrement heureux de voir les balafons et tam-tams fièrement déposés, car, a-t-il affirmé, ces instruments de musique étaient considérés comme ceux du diable, dans les églises au Ghana. Il était encore plus heureux en tant que chef d’Etat, qu’on lui ait imposé de se déchausser pour rentrer à reculons. Tout ceci pour dire que nous sommes lentement mais sûrement en train de nous réapproprier notre histoire.

C’est le moment que l’Afrique doit choisir pour rebondir et se positionner définitivement comme le continent du 21e siècle avec lequel il faut compter, comme l’a dit Cheick Anta Diop, dans “Le dernier des pharaons”. Mesdames et Messieurs, faites vos jeux. Rien ne va plus.

S. : La RD-Congo s’apprête à aller aux urnes et avec elle la communauté internationale retient son souffle. Dériez -vous comme certains que nous sommes restés de grands enfants incapables de décider et d’agir par nous-même ?

L.M.O. : La Guinée-Conakry, la RD-Congo sont des scandales géologiques. Ce qui se joue dans ces pays en conflits est désolant. Nous avons des hommes et des femmes qui ont refusé de réfléchir alors qu’ils ont la même intelligence que le colonisateur. Ces hommes et ces femmes ont refusé de réfléchir au début des indépendances. Par notre silence complice, nous avons permis l’assassinat d’un grand homme tel Patrice Lumumba. Je ne sais pas si Lumumba aurait pu changer le destin du Congo, puisque je ne suis pas un prophète, mais je pense que le pays n’aurait pas été ce qu’il a été par la suite. Le Congo est un vaste pays avec de grands hommes.Il y a une renaissance de l’Afrique dont les mutations profondes peuvent être vues par le commun des mortels.

Mais les signes sont là qui nous donnent de l’espoir. Je concède le fait que plusieurs centaines de partis y existent est de l’irresponsabilité sous la forme la plus achevée. La RDC n’est pas le Burkina certes, puisque vous pouvez parcourir 1 000 km en étant toujours sur le même territoire. On ne peut pas gouverner un tel pays avec la même forme de gouvernance que la France ou la Belgique. L’Afrique est en train de renaître à partir de régions insoupçonnées telles le Congo, la Guinée, le Liberia et plus que tout le Burkina Faso. Cela peut paraître atypique mais ce sont des éléments sur lesquels je mène une réflexion difficile. Malheureusement, si vous n’avez pas un brin de savoir, vous avez du mal à exceller.

Sidwaya (S.) : Comment avez-vous vécu les événements de Komiyanga où il y a eu mort d’homme lors du choix du maire !

L.M.O. : Je rends un hommage à Sidwaya pour le compte rendu fait sur les événements de Komi-Yanga. Nous ne sommes à l’abri de rien. Nous ne nous élevons pas sur le plan spirituel et moral. Si nous continuons de refuser de réfléchir, de mener un combat d’idées en mettant en évidence la force des arguments plutôt que l’argument de la force, nous ne serons pas à l’abri des conflits qui déclinent les nations.

J’aime revenir sur des exemples concrets pour étayer mes propos. Nul ne pouvait imaginer qu’une guerre ethnique pouvait éclater au cœur de l’Europe. Mais la Bosnie-Herzégovine nous a prouvé le contraire. Les penseurs avaient opiné sur ce conflit, mais personne ne les a écoutés. Tout le monde avait cru que les conflits étaient l’affaire des pays sous-développés et des “Nègres”.

Cependant, rendons grâce à Dieu et continuons à réfléchir en implorant la lumière divine afin qu’elle continue de nous éclairer pour que nous puissions nous élever moralement. Il n’est pas évident comme l’a dit Seydou Koné appelé Alpha Blondy : “Mieux vaut entendre la réprimande du sage que d’entendre et écouter les chants et les louanges des insensés”. Pourtant, il n’est pas facile d’entendre la réprimande du sage. En tant qu’être humain, nous préférons les louanges, les chants des insensés mais lorsqu’on vous critique négativement, vous êtes moins content. Tout ce que l’on fait, doit être utile à la société. La sagesse nous recommande aussi de savoir que tout ce que nous faisons est imparfait. Seul Dieu est parfait.

S. : Pensez-vous que la Côte d’Ivoire est sur la bonne voie pour faire la paix ?

L.M.O. : La situation de la Côte d’Ivoire m’interpelle personnellement. Les événements de Tabou sont essentiellement ceux qui ont frappé des hommes et des femmes de ma région. Lorsqu’on se retrouve dans un pays, on s’installe par zone de départ, dans le pays de départ. Donc, Tabou était considéré comme la zone des tribus la moins lotie comme l’a signifié l’administrateur Henri Labouré. J’ai été particulièrement touché par ces événements. A l’époque, j’étais directeur général des affaires politiques, juridiques et consulaires au ministère des Affaires étrangères.

Lors d’une visite, les populations ont souhaité avoir une école. J’ai soumis la doléance à l’ambassadeur de Chine. L’occasion m’est offerte par vos colonnes de lui rendre hommage. Il est un grand ami et il m’a donné les moyens de construire cette école pour les enfants que les parents avaient emmenés au Burkina. Des parents millionnaires en Côte d’Ivoire se sont retrouvés mendiants à Gaoua. Ils n’ont pas pu tenir. Ils sont repartis en Côte d’Ivoire, prêts à mourir debout.

Les événements survenus il y a trois ans ont davantage sinistré ma région. La capitale de la région, Gaoua, dont j’ai été le maire pendant 67 mois a été ébranlée dans son fondement économique.

Cependant, pour répondre directement à votre question, je brosserai un tableau d’ensemble avec des faits réels. Puisque je suis un fantassin, un soldat du développement. Je sors des histoires des rapports sur le développement dans mon pays pour analyser à la base les problèmes concrets des populations. Le pire est derrière nous en ce qui concerne la Côte d’Ivoire. En tout état de cause, la classe politique de la Côte d’Ivoire renferme des hommes et des femmes qui ont une capacité de nuisance hors du commun. Ils peuvent à tout moment, remettre en cause cet équilibre fragile.

On ne sort pas d’une guerre comme on sort d’une boîte de nuit à 3 heures du matin, un peu éméché. On ne sort pas non plus d’une guerre comme on sort d’une mosquée en rendant grâce à Dieu de manière sereine. On sort d’une guerre avec des séquelles qui peuvent durer plusieurs années. Prions à cet effet Dieu, afin qu’il guide les acteurs politiques ivoiriens sur le chemin de la paix. Qu’il inspire à nous, pays voisins de ce grand pays qu’est la Côte d’Ivoire construit par des hommes et des femmes du Burkina, du Mali, du Liberia, etc., de contribuer puissamment à la renaissance de l’Afrique de l’Ouest en cours.

S. : Ségolène Royal en France sera-t-elle la Sirleaf des Français à l’élection présidentielle de 2007 ?

L.M.O. : A ce propos, j’emprunte une expression des étudiants des années 1970, “je suis fondamentalement d’accord” avec ma grande sœur, Mme Odile Nacoulma, présidente de l’Université de Ouagadougou sur le jugement qu’elle a porté à la même place dont je suis assis. L’avènement d’Ellen Johnson Sirleaf au pouvoir au Liberia restera pendant longtemps une exception. Sirleaf a été élue à la tête d’un pays qui sort de la guerre. Mais au-delà de cet aspect, Sirleaf a été élue parce qu’elle a une histoire. Elle est une grande dame, une intellectuelle africaine. Elle a remis en cause de nombreuses choses. Elle a été dans le gotha du savoir. Ellen Johnson Sirleaf a apporté une contribution décisive aux connaissances de l’humanité. Cette grande dame n’est pas sortie du néant. Si vous n’avez pas d’histoire, vous pouvez devenir responsable d’un haut niveau, mais vous allez sortir de l’histoire par la fenêtre, par la petite porte. Je suis heureux que les Libériens aient choisi de lui faire confiance. Mais en même temps, il faut que nous revenions à une vision globale du monde.

Selon moi, celui qui ne peut pas prospecter l’avenir ne peut pas réussir. Or, pour prospecter l’avenir, il faut maîtriser son présent et il faut que ce présent soit éclairé par le passé. Le passé des femmes est un sujet dont on ne parle pas assez. Une région à la frontière de l’Asie du Moyen-Orient, du monde arabe où des femmes ont été des hommes d’Etat de très grande valeur. Je cite l’Indonésie. Et, lorsque j’emprunte le phénomène de la pendule, en allant de mon pays vers le monde et du monde vers mon pays, cela fait de moi, un homme d’action et de réflexion. La princesse Yennenga est entrée dans l’histoire et y demeurera. Que vous l’aimiez ou pas, c’est ainsi. Il y a aussi la princesse dioula de la Casamance Aline Sitoé Diatta. Nous avons ainsi de grandes dames. Mais au delà de tout cela, dans “L’aventure ambiguë”, on retrouve la Grande Royale, celle qui a permis à Samba Diallo d’aller à l’école. Comme le rapporte Cheick Hamidou Kane, “ils ont été vaincus alors qu’ils avaient raison”.

Quand j’interroge l’histoire des femmes du monde en Inde, en Sri-Lanka, en Indonésie, de grandes dames ont été chefs d’Etat. Et selon ma conviction profonde, partout où vous avez de grands hommes derrière, il y a une grande dame.

Pour revenir à Ségolène Royal, je confesse que si vous faites référence à elle, c’est qu’elle est présidentiable. La France n’est pas un pays africain où du jour au lendemain, on peut jeter dans Kantigui qu’il a ouï dire que Ouali sera président. La France est une grande nation. Un penseur l’a reconnu en ces termes : “La France est un nain économique mais un géant politique”. Dans ce pays, on ne peut pas citer le nom de Ségolène Royal pour rien. Ségolène Royal a une histoire que je suis attentivement parce que j’ai fait mes études à Poitiers. Poitiers est situé à côté de Chatelereau. Chatelereau est jumelée à Kaya et Chawigny qui est non loin est jumelée à Banfora. Le président de la République, François Mitterrand (paix à son âme) a nommé Premier ministre une grande dame du nom d’Edith Cresson. Et il se trouve que Ségolène Royal est native de la même région qu’Edith Cresson.

Ségolène Royal a fondamentalement changé des données qui semblaient immuables, écrites dans le marbre. Mais, elle n’est pas seulement partie de cette région. Elle avait trouvé qu’au-delà du fait qu’elle soit une femme, elle avait une dimension d’homme d’Etat. Je constate que des trois personnalités les plus citées comme pouvant faire rebondir la République française en 2007, il y a une grande dame : Ségolène Royale. Il y a d’ailleurs de milliers d’autres femmes susceptibles d’être des hommes d’Etat. Je pense que Ségolène Royal a un parcours qui fait d’elle aujourd’hui un homme d’Etat.

S. : En se référant au Burkina Faso, quelle dame politique à votre regard, peut exercer la fonction de chef d’Etat ?

L.M.O. : Il faut toujours se référer à l’histoire lorsqu’il s’agit de parler du Burkina Faso. Le président Daniel Ouezzin Coulibaly, le lion du RDA, a été honoré par les Maliens à travers le monument d’une de ses épouses qui a été ministre. Elle s’appelait Napoko Coulibaly. Cela ne se dit pourtant pas. Je l’ai dit à Ouaga 2000 devant une centaine de personnes : “Moi je suis couché sur une natte, je ne peux pas tomber plus bas que cette position.

L’histoire de notre pays révèle que Napoko a été ministre. Cela peut vous sembler bizarre mais l’histoire montre aussi que la femme bwaba est la plus libérée. La femme voltaïque fut libérée avant la femme suisse. La femme burkinabè grâce au code des personnes et de la famille est encore plus libérée. J’ai lu ce code et je l’ai appliqué durant 67 mois, plus de 200 jours en tant que maire de la commune de Gaoua. Ce code est en avance sur nos réalités parce que la Révolution a placé l’homme au cœur d’un système en devenir. Cela a été une idée juste dans la mesure où la Révolution nous a permis de changer. Que l’on aime la Révolution ou pas, nous avons quatre de nos sœurs qui sont députées de trois partis politiques différents. Nous avons Mme Coulibaly née Condé Suzanne du PDP/PS dans la Boucle du Mouhoun. Dans la même province, nous avons Aïssata Sidibé, députée de l’ADF/RDA.

Et deux grandes dames qui sont aussi du CDP tout comme celles précitées : Sarah Sermé et Madeleine Bonzi, toutes de la Boucle du Mouhoun. De ce fait, on ne peut pas dire par rapport à cette donne qu’il n’y a pas suffisamment au Burkina Faso de femmes capables d’assumer de hautes responsabilités. Cependant, je ne peux pas répondre lorsqu’il s’agit de dire qui a la carrure d’homme d’Etat et qui ne l’a pas.

C’est aux femmes d’abord de faire la différence avec les autres femmes pour prouver qu’elles leur sont supérieures sur les plans intellectuel et moral. Elles doivent avoir une capacité intellectuelle et morale hors du commun, une capacité d’analyse, d’anticiper l’avenir, d’interroger l’histoire par une vision prospective qu’elles maîtrisent parfaitement. Voilà les qualités qu’elles doivent avoir. Et des femmes du Burkina réunissent ces qualités. Je ne les citerai pas car vous l’avez fait et donc vous ne mangerez pas votre piment dans ma bouche (rires dans la salle).

S. : Par rapport à l’immigration choisie de Nicolas Sarkozy, pensez-vous que la France est libre de choisir ceux qu’elle veut accueillir sur son territoire ?

L.M.O. : La France est la patrie des droits de l’Homme. Sa devise est Patrie-Fraternité-Liberté. Le Burkina est libre d’avoir une politique intérieure et extérieure conforme aux intérêts des quinze millions d’habitants qui peuplent le territoire. Concernant la France, un homme sérieux écrivait que dans 10 ans, les Français redemanderont l’immigration. La France a le droit d’avoir la politique d’immigration propre à elle. Mais, nous avons atteint une étape où je pense qu’il faut d’autres modes de régulation de l’immigration. Quels modes cela sera ?

Je ne suis pas un spécialiste de ces questions. Je constate seulement que la mondialisation ne doit pas nous conduire à affamer des hommes, des femmes pour enrichir d’autres. Tout simplement, parce qu’on veut protéger les uns et empêcher les autres d’évoluer. Quant on dit par exemple, de vendre l’Etat, si nous le faisons, c’est notre problème ! Car on peut refuser. Si nous décidons de consommer ce que nous produisons, les produits qui nous inondent vont disparaître.

S. : On s’attendait à vous voir de nouveau à la tête de la mairie de Gaoua, pourquoi n’avez vous pas été réélu maire de Gaoua ?

L.M.O. : Une analyse de Sidwaya, édition spéciale du 24 avril 2006 écrivait que “des partis enterrés ou agonisants se sont réveillés pour bénéficier de la manne de l’Etat pour battre campagne. Le pays grouille, surtout de partis dealers, de partis mercenaires”, etc. Une brillante analyse. Jusqu’en 2011, le Rassemblement pour le développement du Burkina a 62 conseillers à Gaoua. Pour être concret, cela signifie que j’ai 61 conseillers de plus que l’UNIR/MS, 58 de plus que le PAI, 51 de plus que l’ADF/RDA et 11 de plus que le CDP. Donc, pour que le deuxième parti qui est le CDP arrive à mon niveau, il faut que Dieu rappelle à lui 11 de mes conseillers. “Allah ka an kissi ô man !” (NDLR : en langue bambara “Que Dieu nous épargne de ce malheur” (rires).

La Bible de la décentralisation est le code général des collectivités territoriales. L’ancien testament de cette Bible, ce sont les textes d’orientation de la décentralisation. Ce sont trois textes d’orientation et un texte de programmation. C’est cela qui constitue la nouvelle Bible de la décentralisation. De ce fait pour mieux cerner les contours de la décentralisation, il faut lire l’ancien testament, les TOD et le nouveau testament qui est le CGCT-BF. Avec 62 conseillers, la majorité absolue de 129 conseillers, l’on voit aisément le manque à gagner en nombre de conseillers.

Mais ce qu’on m’a demandé de faire est criminel alors que je ne suis pas un criminel. Des hommes et des femmes, et pire, l’un d’eux a eu le culot de venir à mon domicile m’implorer de le corrompre afin qu’il vote pour moi. Je lui ai répondu que c’est plutôt à eux de me corrompre. Pourquoi, me demande-t-il ? Je lui réponds que si je suis élu maire et du fait qu’il est conseiller d’un village qui n’a pas de forage, je lui donne un forage en 2006 s’il me corrompt, sinon, il pourra l’avoir en 2009.

Mais je lui ai précisé qu’il est un criminel pour être plus sérieux avec lui. Puisque, si au moment où je me bats pour l’émergence d’une nouvelle citoyenneté, pour l’émergence d’une citoyenneté nouvelle (cela dépend de l’appréhension de tout un chacun), j’entre dans un système de corruption, je deviens un criminel comme lui. Que Dieu m’en garde, je ne suis pas un criminel. Il a essayé de me faire comprendre que cela n’est pas de la corruption. J’ai rétorqué que c’est cela la corruption.

Il a été mené contre moi une campagne régionaliste, ethniciste, bassiste. Mais elle m’a laissé d’un froid olympien, stoïque. Je suis comme le sphinx qui veille sur les pyramides depuis 5 000 ans.

Je les ai regardés avec mépris car je suis premier dans la commune urbaine de Gaoua avec ses 8 secteurs. J’ai 9 conseillers, le CDP en a 7 et le RDA 1. Je suis encore premier sur les 56 villages où j’ai 53 conseillers et le parti qui me suit en a 45. Qu’allons-nous demander de plus à Dieu ?

Nous avions demandé à Dieu par une banderole où nous avons écrit “premier au dépôt des listes, premier à la validation des listes, le Rassemblement pour le développement du Burkina sera premier grâce à vous et à Dieu, le 23 avril 2006”. Et nous avons été premier.

En plus, Dieu m’a donné trois choses que je n’avais pas demandées. J’avais demandé à être élu dans mon secteur parce que des plaisantins politiques se sont déportés dans mon secteur pour selon eux, se coaliser afin de me battre pour que je ne sois conseiller à plus forte raison postuler à la mairie. Je les ai écrasés, 250 suffrages exprimés en ma faveur, moins de 160 pour le deuxième qui a été élu du nom de Moussa Ouattara du programme de développement de l’agriculture, la GTZ. Tous ceux qui se sont coalisés, je les ai écrasés et ils ont disparu. Je l’ai dit lors de mon meeting du 1er avril 2006, nous avons chassé le diable de la politique et ramené Dieu. La politique n’est rien d’autre que la gestion de la cité. A cet effet, si vous êtes spectateur de votre propre personne, de votre propre drame, si vous laissez des brigands, des crapules politiques s’emparer de l’affaire, cela est votre tort.

Moi, je refuse d’être spectateur de mon propre drame. Je me bats avec mes moyens. Si j’avais eu 2 millions de francs CFA, j’aurais eu 80 conseillers. Je n’ai pas cherché 2 millions, j’ai cherché à convaincre par des idées, à contribuer à l’ancrage de la communalisation intégrale. La deuxième chose que Dieu m’a donnée et que je n’ai demandée est que j’avais deux candidats au secteur n° 3 de Gaoua. Ce secteur symbolique.

Il l’est parce que l’ancien maire de Gaoua de 1995 à 2000 qui n’a pas été élu simple conseiller en 2000 se représentait en 2006 avec beaucoup de tapage. Votre consœur Nathalie Somé, s’est également présentée au secteur n° 3. J’avais deux candidats. L’un est évangéliste. Sa femme et son fils tombent malades et on les évacue au Ghana pour les soigner. Il ne bat pas campagne. Le deuxième, Rachelle Bini Poda, sa fille fait un accident à Bobo et il va pour l’assister. Lui aussi ne bat pas campagne. Une semaine avant la fin de la campagne, des jeunes s’organisent pour dire non à ce qui se passait.

Ces jeunes diront que leur maire et frère Louis Myemba Ouali n’est pas venu dans leur secteur mais il va gagner dans ce secteur. C’est l’occasion pour moi de rendre hommage à ces jeunes. Je leur rends hommage parce que j’ai eu 169 voix qui ont fait élire Bèbè Kambou. Votre consœur Nathalie Somé qui battait campagne à cor et à cri contre moi, a été élue avec moins de voix que moi sans que je n’ai battu campagne. La troisième chose que Dieu nous a donnée est que l’ancien maire de Gaoua, mon aîné et grand frère, Sansan Louis Honoré Hien, a été encore battu comme en 2000. Il n’a pas été simple conseiller à plus forte raison espérer être élu maire.

Quand vous parlez ainsi, on dit que vous parlez mal. Ce monsieur, il faut l’enlever. Si vous êtes un homme, n’appelez pas le bois du fer parce qu’on va vous tuer. Les chemins de l’honneur et ceux des facilités ne se croisent qu’exceptionnellement, pour ne pas dire jamais. Babemba le disait à ses généraux lors de la prise de Sikasso. Il a dit “Moi vivant, les Français ne mettront jamais les pieds à Sikasso” . Et comme le dit les Maliens “Saya qua fissa ni maloya yé” (NDLR : en bambara “la mort vaut mieux que la honte”). Mieux vaux mourir que de subir la honte et l’humiliation.

Mais, nous sommes dans un pays où les gens boivent la honte à pleines dents. Ousmane Sembène l’a dit il y a plus de 20 ans dans son film “Le mandat” : “l’honnêteté est devenue un délit au Sénégal”. Donc, je suis premier à Gaoua jusqu’en 2011. A tout moment, si je le veux, je serai maire de Gaoua. Cependant, du fait que je suis un chaud partisan de la décentralisation, je ne ferai rien pour entraver la bonne marche de la commune de Gaoua. En cinq ans, ce sont un milliard 200 millions de F CFA que la coopération allemande a investis à Gaoua.

S. : Vous avez eu à passer par plusieurs partis politiques, est-ce à dire que vous êtes un mutant politique ?

L.M.O. : Je n’ai rien d’un libéral. J’ai été élu en 2000 sous la bannière de l’Union des libéraux pour la démocratie (ULD). Ni par mon parcours scolaire en tant que militant puis président de l’Association des scolaires en vacances à Gaoua, section de l’Association des scolaires du Lobi de la grande époque, je n’ai rien d’un libéral. Je suis un communiste, entendu au sens de quelqu’un qui pense que si chacun de nous concède un peu de son confort, si chacun de nous se met au service des populations, nous pouvons faire avancer les choses. Je suis profondément croyant sans être un rat d’église. Je suis un catholique croyant, enraciné dans ses traditions.

En 2000, je me suis présenté, conformément à ma vision du monde, sous la bannière des Verts en réalité. Mon grand frère Yacouba Touré est vivant, il peut en témoigner. A l’époque, il était ministre délégué à l’Environnement et faisait partie des Verts dirigés par Ram Ouédraogo dont il était le représentant dans le gouvernement au poste précité. Cela n’a pas marché durant plus de 8 heures pour 3 ou 4 audiences.

Il m’a renvoyé à la base. Beaucoup de mes camarades voulaient que nous nous présentions en tant que candidat indépendant. Même la présidente de l’Association pour la promotion féminine de Gaoua, la seule association de Gaoua qui a un siège et des activités génératrices de revenus, la seule association qui a changé les conditions de vie des femmes. Je l’ai créée avec une amie Suisse, Mireille Lada. Elle est aujourd’hui, retournée en Suisse après 15 ans passés au Burkina. Elles m’ont dit que si c’est ainsi on laisse tomber. Alors j’ai laissé tomber. Trois jours avant la clôture des listes, on m’appelle et on me fait savoir qu’ils ont trouvé un parti que personne ne connaît, l’Union des Libéraux pour la Démocratie (ULD).

C’était le parti de Sébastien Ouédraogo avec qui j’ai fait l’Université de Lomé avant d’aller en France. Il me propose de prendre tous les 24 postes. Je leur dis de prendre deux places au moins mais ils ont refusé. Et c’est Simphoria Somda, journaliste à Radio Gaoua qui a pris une place. Alors, je l’ai fait tête de liste au secteur n° 4 de Gaoua. Le minimum de conseillers que j’aurai dans ce secteur, c’est 18 sur 24.

Simphoria Somda a refusé d’être tête de liste, il a préféré la deuxième place. Voilà comment Césaire Poda, ancien journaliste de Sidwaya, aujourd’hui à Naïrobi est passé tête de liste et Simphoria Somda deuxième.

Le dimanche 24 septembre 2000, nous avons gagné les élections. A 20 heures ce jour, nous avions 16 conseillers sur 24. Notre bien-aimée mère, la belle mère de la première adjointe actuelle, est décédée après 23 heures ce dimanche. Je l’ai vue à 23 heures à l’hôpital. Elle m’a dit “mon fils, vous avez travaillé, vous allez gagner”. Je repars me coucher et à 3 heures du matin, son second fils vient me dire que sa mère est décédée. Personne n’a voté dans mon secteur sinon on aurait eu les 18 conseillers.

Par ailleurs, j’ai été membre fondateur du CDP. Beaucoup parlent du CDP sans le connaître véritablement. J’ai été militant de deux partis et pas plus : le Parti africain de l’indépendance (PAI) de Amirou Thiombiano, je m’incline devant sa mémoire car tout ce que je fais c’est pour rendre hommage à cet homme.

C’est aussi pour rendre hommage au professeur Kamandini Sylvestre Ouali et à un troisième compagnon de Amirou, Hien Mamadou appelé affectueusement “Encart”. J’ai une admiration propre pour ces hommes que je viens de citer. Ce sont des hommes qui ont tracé des sillons que nous ne pourrons pas suivre. Nous avons fusionné avec le CDP. J’ai été membre du bureau politique du CDP. Si le professeur Kamandini est décédé, si Don Barnabé Hien, mon grand frère est décédé, Pierre Toé, ex-maire de Toma est vivant, Daouda Bayili est vivant, ils sont témoins que j’ai été membre du bureau politique national du CDP nouvellement créé en février 1996. J’ai refusé et je suis retourné à la base.

En 2006, je suis revenu avec un parti que personne ne connaissait, le Rassemblement pour le développement du Burkina. Le Parti pour la démocratie et le rassemblement a été le dernier parti dans lequel j’ai été membre fondateur et militant.

A l’occasion du dépôt des listes, le CDP a été rejeté pour vice de forme et de fond dans le dossier. Mon parti a validé toutes ses listes sans difficulté. Nous avons déposé les premières. La validation des candidatures a enregistré le même théâtre.

En entendant, les candidatures indépendantes qui ne sont pas pour moi une panacée, l’expérience du Mali est révélateur en ce sens, car elle est une bonne idée. Elles nous permettront de connaître la représentativité réelle des individus. Il y a trop de gens à Ouagadougou qui parlent beaucoup mais ne savent pas d’où ils viennent ni où ils partent. La décentralisation permet à chacun de prouver ce qu’il est véritablement. C’est à l’école des collectivités locales, la constitution dit collectivités territoriales locales comme les communes, des collectivités intermédiaires comme la région que les femmes et les hommes qui aspirent à être membres de l’élite nationale doivent faire la preuve de leur représentativité.

S. : Quel bilan faites-vous de votre passage à la tête de la mairie de Gaoua ?

L.M.O. : Me Kéré Barthélemy, bâtonnier de l’Ordre des avocats disait que c’est aux autres de faire son bilan. Mon bilan, c’est la population qui le fait. Etre élu maire de Gaoua est une réalité que personne ne connaît. Les huit secteurs de Gaoua font 25 000 âmes. Ce sont elles qui doivent faire mon bilan en entendant le bilan supérieur fait par Dieu. Cependant, et très modestement, en 5 ans, nous avons obtenu de la coopération allemande qui n’intervient plus sur le territoire du Burkina Faso, un financement du fonds d’investissement communal de plus d’un milliard 100 millions.

En retour, nous avons payé 50 millions de francs CFA en reconnaissance du fait que nous sommes la seule commune à jour. Nous ne devons rien à la coopération allemande. En reconnaissance de cet acte, la coopération allemande a fait un réinvestissement pour assainir les secteurs n° 2 et 5 de Gaoua. Les études ont coûté 30 millions de F CFA et les travaux plus de 170 millions. Donc, 200 millions donnés gratuitement pour saluer le partenariat exemplaire que nous avons établi avec la KfW. Nous ne devons rien à l’ONEA et à la SONABEL. Nous leur devons simplement les factures qu’ils nous ont envoyées après le 25 mai.

Mais, plus que le bilan physique, les routes, les pistes à haute intensité de main d’œuvre, les phases, une et deux du marché de Gaoua, le lycée municipal à étage de Gaoua. C’est le seul établissement public de la région du Sud-Ouest à étage. Le premier étage a été construit par l’Eglise catholique, le deuxième par M. Daniel Michaël. Le troisième étage appartient à un commerçant du nom de Emmanuel Napon. Le quatrième étage est inachevé. La FIB y est logée.

Au delà de ces réalisations, je perçois le changement des mentalités. C’est à ce niveau que nous avons fait les progrès les plus importants. En 2001-2002, nous avons travaillé sous les yeux de la coopération allemande sans assistance. Nous avons refait toute la mairie. Il n’y avait pas plus de 4 arbres à la mairie mais aujourd’hui toute la mairie est fleurie.

Devant nos efforts, l’un de nos frères, un brillant généticien des plantes, le docteur K. Sansan à Bobo-Dioulasso, nous a aidé avec 400 000 F CFA de plantes offerts gratuitement. Au vu de tous ces efforts déployés, la coopération allemande, la GTZ nous a donnés en 2002, 500 000 F CFA.

En 2002, nous avons curé gratuitement les caniveaux. Il n’y a pas de peuple difficile, il suffit de trouver les mots qu’il faut. Le président Félix Houphouët-Boigny aimait dire que chaque homme a un prix. C’est ce prix qui est difficile à identifier.

Pour le mandat en cours, je prendrai part à toutes les sessions du conseil municipal car je ne permettrais à personne de porter atteinte à l’équilibre budgétaire fragile que nous avons créé. Je ne permettrais à personne de porter atteinte à la qualité du partenariat que nous avons établi avec la coopération allemande. Avec la ville jumelle française de Fontiny et compte qui est en train d’achever à 22 millions, la normalisation d’une école. Je n’oublie pas la FODECOM qui nous a construit la gare routière de Gaoua à 94 millions hors taxe, hors douane. Ceux qui sont là aujourd’hui ont le droit et le devoir de faire mieux par rapport à ces partenariats exemplaires.

Sinon, ils trouveront sur leur route les 62 conseillers du Rassemblement pour le développement du Burkina avec à leur tête l’ancien maire de Gaoua. Je n’ai pas d’argent mais je sais réfléchir. Je suis quelqu’un qui pense que le développement, ce n’est pas des milliards, c’est d’abord des idées. Je prendrai pour exemple, Assita Nagbila. Elle n’a aucun diplôme d’aucune université mais elle a eu un prix prestigieux. Ce sont les idées qui transforment le monde.

S. : Quels souvenirs voudriez-vous que les habitants de Gaoua gardent de vous ?

L.M.O. : Ma philosophie tient en quatre mots : être utile aux autres. Mes frères, mes sœurs, si à trois heures du matin vous rentrez à votre domicile en ayant le sentiment d’avoir été utile à quelqu’un durant les heures écoulées, dormez la conscience tranquille, l’âme en paix même si vous n’avez pas d’argent. Il y a plein d’individus qui sont riches mais ne peuvent pas dormir la nuit. Parce que s’ils dorment et que le K40 à Paris, le Down Johns à New York, le Nickey à Tokyo tombent, ils sont morts.

Vous avez plein d’hommes et de femmes qui sont riches mais ne peuvent pas avoir d’enfants.

Si au terme de cet entretien, vous avez eu le sentiment que je vous ai apporté quelque chose, je repars satisfait avec ma cravate en soie (ce sont les derniers restes de conseiller à New York), mon boubou dagara, ma chemise blanche “défraîchie” et mon pantalon jean. Mais si au bout de 2 heures, vous estimez que je ne vous ai rien apporté, cela est très grave.

S. : Comment appréhendez-vous la bagarre au sein du PAI avec les tendances Soumane Touré et Philippe Ouédraogo ?

L.M.O. : Aux législatives de 1992, une commission avait été mise en place. Des témoins sont là et peuvent témoigner. Il y a Bayili Daouda, Mathias Balé, etc. Je ne fais pas de théorie car ce sont des faits écrits. Il faut être féroce avec les médiocres, puisque nous sommes dans le monde de l’excellence.

Les médiocres n’ont pas leur place au haut niveau, ils doivent rester à la base et nous réfléchirons pour eux.

Je ne peux pas porter de jugement sur les deux tendances. Seulement je sais qu’un avait le papier et l’autre non.

Mais le papier même n’existe plus car il semble que les hommes en robes noires, les juges, ont dit que le papier n’est pas légal.

Je suis un héritier d’Amirou Thiombiano et je n’ai rien à avoir avec ceux qui ne sont pas ses héritiers. Mon souhait est que le jour vienne afin que tous les héritiers d’Amirou Thiombiano se mettent ensemble.

S. : Qu’est-ce qui a été à l’origine de la séparation du PAI d’avec le CNR en 1984 ?

L.M.O. : Je voudrais que vous interrogiez les responsables du PAI, ils en savent mieux que moi. A l’époque je suis entré au gouvernement grâce à “Encart” car j’étais un militant de base. Mais c’était en 1991 dans le gouvernement de transition. Donc vous parlez d’une époque dont je ne peux parler de manière précise. Je refuse de parler de ce que je ne sais pas. Mais il y a les acteurs vivants de cette période que vous pourrez approcher.

S. : A votre avis, le CNR a-t-il implosé ou a-t-il été victime des révolutionnaires ?

L.M.O. : Beaucoup de ceux qui se sont embarqués sur le bateau de la Révolution n’avaient rien de révolutionnaire. Ils ne croyaient ni en Dieu, ni au diable. Ils n’avaient jamais lu une seule ligne de Max à fortiori de Vladimir O. Ilianov dit Lénine. Ils n’ont jamais été pendant leur cursus universitaire dans une cellule quelconque d’un quelconque parti communiste. Nous sommes aujourd’hui, ce que nous sommes parce que des fondations ont été posées par la Révolution démocratique et populaire.

Nous sommes différents des autres. Lorsqu’on disait que la délégation du Burkina va prendre la parole, ceux qui dorment se réveillent. Ils se réveillent parce que des bombes seront dites. Des médiocres se sont trompés et sont allés dans des conférences. Lorsqu’on leur a donné la parole, ils ont bégayé et cafouillé. Des Africains leur ont dit “vous n’êtes pas des Burkinabè, vous êtes des pauvres types”. Le chef de l’Etat vient d’entrer de l’Assemblée générale de la CEDEAO. Il est un des leaders de la Révolution. Nous avons obtenu la vice-présidence de la Commission de la CEDEAO qui sera créée en janvier 2007.

Ce sont des résultats extraordinaires, et dans cinq ans nous pourrons être président de la Commission du fait que nous avons apporté une contribution hors du commun dans la résolution des conflits en Afrique. Malgré tout ce que des gens qui n’aiment pas notre pays racontent. Je n’accepte pas qu’on porte des jugements erronés sur mon pays. Les fondations de la renaissance de l’homme nouveau au Burkina datent de la Révolution. Une amie sénégalaise interprétant “Burkina Faso : la patrie des hommes intègres” a dit “vous allez un peu fort”.

C’est un nom que nous portons avec beaucoup de difficultés. Nous ne sommes pas héritiers de n’importe quelle histoire. Nous devons savoir. Nous sommes héritiers de la Haute-Volta, du Burkina Faso. Ce n’est pas parce que nous avons quelques compatriotes médiocres que les excellents vont se laisser faire. Mes frères, mes sœurs, ne laissez jamais le terrain libre aux médiocres. Le monde de compétition dans lequel nous vivons est un monde féroce. Dans ce monde- là, seuls les meilleurs vont s’imposer, les médiocres n’ont pas de place.

S : Le fait d’être ministre puis maire est-il une régression dans votre cursus politique ?

L.M.O. : La fonction de maire est la meilleure fonction. Et le meilleur hommage qui a été rendu aux élus locaux est Hama Arba Diallo, un brillant diplomate. Il a dit, il y a 7 ans qu’il quitte un poste “juteux” pour être maire de Dori. La mairie est la meilleure fonction pour contribuer puissamment à la réduction de la paupérisation croissante de la population. Contribuer par des idées au changement des conditions de vie des populations.

Le chef de l’Etat, dans Sidwaya du 24 avril 2006, disait et je cite, “la décentralisation autorise une plus grande participation des citoyens, dans la gestion des affaires locales, ce qui suppose également les affaires internationales”. Donc, les maires qui ne savent pas d’où ils viennent, ne sauront pas où ils iront. Ils changeront en 5 ans les mentalités. Au plan matériel, ils changeront les conditions de vie des populations. Il y a des maires sur qui je compte beaucoup.

Le maire de Yaho (UNIR/MS), un architecte de haut niveau, il a fait beaucoup avec les Suédois sans être maire. A Ouagadougou, il y a un projet très important pour les quartiers périphériques. Là, si Dieu donne longue vie et la santé à Simon Compaoré (NDLR maire de Ouagadougou), il permettra aux quartiers périphériques de n’être non pas Ouaga 2000 mais de changer les conditions d’hygiène et d’assainissement des populations des quartiers périphériques. Au-delà de toute considération partisane, ce sont des maires qui feront beaucoup pour leurs populations.

S : Quelle expérience gardez-vous de votre passage au gouvernement de transition ?

L.M.O. : Je garde de ce passage une expérience passionnante. J’ai eu une chance historique d’avoir contribué à établir les bases du système que nous vivons aujourd’hui. Ce système, malgré ses imperfections nous permet de faire des thèses, des antithèses et des synthèses à l’invité de la rédaction des Editions Sidwaya. Cela n’est déjà pas mal. Dans des pays voisins vous ne pouvez pas vous asseoir pour vous exprimer librement sur des questions brûlantes de la vie sociopolitique de votre pays. Pour arriver à cette étape, il y eut la transition. Et j’ai contribué en tant que ministre du PAI de Amirou Thiombiano à l’âge de 38 ans à la marche du gouvernement de transition.

Cependant je ne sais pas si j’ai fidèlement et valablement accompli la mission qui m’avait été confiée mais en tant qu’individu, j’ai contribué à signer des conventions sur la biodiversité qui ont participé au changement du destin des hommes et des femmes de pays sahéliens comme le nôtre. Même si la convention sur la désertification est intervenue plus tard. Là aussi, j’ai été consultant pour les Allemands. Mon contrat devait durer 10 mois, ils l’ont prolongé jusqu’à 22 mois. Cela est significatif de ce que j’avais appris quelque chose aux Nations unies. J’ai participé en appuyant les 9 Etats membres du CILSS aux négociations de la convention sur la désertification.

En tout état de cause, après tous ces avantages, j’ai voulu descendre des armons pour être au contact de mon peuple. D’où mon installation à Gaoua durant cinq ans. Une pensée dit “il ne sert à rien d’être bon en équitation, en mutation si on ne se connaît pas soi-même”. La sagesse des Mossi dit “le père de l’orphelin, c’est Dieu et sa mère c’est le travail”.

Mon père est mort alors que j’avais 10 ans. La mère est décédé il y a quatre ans.

S : Plus de deux heures, M. le maire, vous avez passé votre temps à nous parler de probité morale, de capacité d’analyse, d’honnêteté intellectuelle, de vision prospective... Pour finir qui est Louis Mihyemba Ouali qui roule en P50 alors qu’il est un haut cadre de l’administration burkinabè ?

L.M.O. : Effectivement, je suis un haut fonctionnaire de ce pays. Mon salaire mensuel net est de 212 752 F CFA. Avec ce salaire, si vous n’avez pas l’aide d’un ami vous ne pourrez pas posséder de voiture. Le litre d’essence coûte 700 F CFA. Très honnêtement si un ami me donne un véhicule je serai tenté de le prendre mais je ne le ferai pas parce que je n’ai pas d’argent pour mettre le carburant. Avec mon salaire je m’occupe de mon frère qui a perdu son emploi de cadre des chemins de fer, j’ai sa famille à ma charge. J’ai aussi ma propre famille, la sœur de ma mère, mes frères et mes sœurs. Et, j’ai en plus, dans la maison de Gaoua où repose ma mère, des parents à ma charge. Pour couronner le tout, j’habite en location à Ouagadougou.

Je ne suis pas un populiste. Certains me critiquaient d’être un communiste, un avare parce que des plantons avaient des Yamaha et moi pas. J’avais un vélo peugeot. Aujourd’hui, vous avez des douaniers de rang qui ont des étages alors que Amirou a été directeur général des douanes sans avoir achevé sa maison, est décédé en 1973. L’exemple de Philippe Ouédraogo est éloquent. Il a fait Polytechnique. C’est de cette école que sortent les savants du monde. Cependant, au lieu de rester en France, ou d’aller dans un pays où il aurait pu gagner le quintuple de son salaire, il est venu au Burkina Faso. J’ai du respect pour ce monsieur.

Du Burkina, il y a des archéologues de la politique qui, lorsqu’ils écrivent je les lis attentivement. Je citerai trois exemples. Il y a un qui n’écrit plus. Et je lui demande solennellement de reprendre sa plume. Il s’agit de Ernest Nongma Ouédraogo. Le deuxième est Basile L. Guissou et le troisième est Laurent Bado. J’ai du respect pour ce dernier. Il est l’Africain qui, ni l’Est ni l’Ouest ne pourront contredire son tercérisme. J’ai été heureux qu’il soit dans le trio gagnant lors de l’élection présidentielle de 2005.

Je ne suis pas un populiste. On ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps. J’ai eu à utiliser des véhicules de fonction mais après je les ai rendus. Lorsque j’étais maire de Gaoua, j’avais une voiture fond rouge. Quand il y avait le carburant je l’utilisais. Dans le cas contraire, j’empruntais TSR comme tout le monde. Mais si on me donne une voiture et des bons d’essence, je roule, sinon je n’ai pas les moyens pour m’en offrir.

S. : Entre le birifor, la langue maternelle et le gulmachéma, la langue paternelle, laquelle maîtrisez-vous le plus ?

L.M.O. : Le Dioula. Elle est la langue par laquelle je touche le maximum d’interlocuteurs. Mais mieux que le dioula, je parle le Birifor.

S. : Seriez-vous députable en 2007 ?

L.M.O. : 2007 est encore loin. Que Dieu nous donne longue vie. Avant 2007, nous assisterons à beaucoup de choses. A chaque chose, son temps. Je suis par excellence un élu résident. Et à ce propos, je suis contre ceux qui ont fait la loi et écrit que le maire n’a pas obligation de résidence. Le maire et le premier adjoint doivent avoir obligation de résidence. Cela leur permet de prendre les dispositions utiles en vue de résoudre les problèmes et les cas de force majeure assez rapidement.

S. : A quand remonte votre dernier passage à Fada ?

L.M.O. : J’y étais il n’y a pas longtemps. C’était à l’occasion d’un événement malheureux. Celui du décès de l’épouse de mon grand frère.

S. : Que faites-vous après vos occupations de conseiller municipal ?

L.M.O. : Un acteur politique est sollicité 24 h/24. Lorsque j’étais maire de Gaoua, chaque 5 heures du matin, les vieux, de retour de la prière, font une halte pour saluer le maire de Gaoua. Lorsqu’on leur dit que le maire dort, ils se posent toutes sortes de questions sur son état de santé. Dans nos traditions, un homme de 53 ans ne se lève pas après le lever du soleil. Il se lève toujours avant.

Donc, nous sommes tout le temps interpellé. Mes occupations cependant, consistent à disséquer les écrits. Malheureusement, n’étant plus un diplomate, je n’ai plus les moyens de m’acheter des livres. Alors, j’aime la lecture passionnément. J’aime “L’aventure ambiguë” et je lis “L’enfant noir” pour me reposer. J’écoute la musique et je préfère Alpha Blondy, Aïcha Koné, Francis Médah. J’essaie de comprendre le monde à travers le regard des hommes et des femmes du peuple.

S. : Que pensez-vous de la presse burkinabè ?

L.M.O. : Je trouve particulièrement que le titre “Sidwaya” qui signifie “la vérité est là” est très fort. La vérité se trouve en Dieu et dans la Bible, la Torah et le Coran. Mais même dans la Bible, les quatre évangélistes ne rapportent pas les mêmes faits de la même manière. Mais en réalité, nous avons un devoir de vérité. Les habitants de ce territoire de 274 000 km2 doivent toujours être à cheval sur la recherche de la vérité. La presse du Burkina a beaucoup évolué. Alors que Dieu nous garde de ce qui est arrivé au Burundi, au Rwanda, etc. Que Dieu continue à donner aux journalistes la capacité de discernement nécessaire pour interroger sans fioritures, sans circonvolution les vrais questions de l’heure.

Posez les questions délicates à n’importe quel responsable pour éclairer notre peuple. Contribuez puissamment à l’émergence d’une citoyenneté nouvelle où des hommes et des femmes sont conscients de leur devoir. Je suis contre le fait que des responsables fassent de la rétention de l’information. Celui qui fait une heure de gestion doit rendre compte de cette heure de gestion.

Le président Félix Houphouët-Boigny disait que la vérité est belle quand elle est nue. Il faut dire la vérité aux journalistes. C’est dans Sidwaya, média de service public qu’on doit trouver la vérité des gouvernants.

De ce fait, je rends hommage à tous ceux qui m’ont précédé à la rubrique “l’Invité de la Rédaction”. Entre autres, Odile Nacoulma, l’ambassadeur de France, le Premier ministre, le président de l’Assemblée nationale, etc.

Les journaux ont beaucoup évolué. Mais beaucoup de décideurs ne comprennent pas le sens du combat des journalistes. Et j’ai été heureux de voir ce jeune magistrat imposer que l’on laisse les journalistes faire leur travail (NDLR : Suite à l’effondrement d’un immeuble sur la route de Fada) .

Nous avons le droit de savoir et le devoir de réagir. Courage mes frères et que Dieu vous aide. Je termine en disant que de par mon éducation familiale, religieuse, académique, j’aime dire les choses sans circonvolution.

Alors, si j’ai pu dire des choses qui vous ont blessé, je vous prie de m’excuser. Je n’ai fait que contribuer à l’éveil des consciences.

Sidwaya

P.-S.

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Municipales 2006

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Vos commentaires

  • Le 21 juillet 2006 à 17:31, par Sidnoma En réponse à : > Louis Mihyemba Armand Ouali, ancien maire de Gaoua : “Je suis un fantassin du développement”

    j’admire ce monsieur sans le connaitre personnellement, je suis séduit par la beauté de sa plume et la profondeur de ces idées, la force de ces convictions et sa probité et modestie. Que Dieu le protège.
    Au journaliste , retenez que parlant de bourse de Paris c ’est le CAC 40 et non K40.

    • Le 23 juillet 2006 à 14:26, par Sabari San En réponse à : > Louis Mihyemba Armand Ouali, ancien maire de Gaoua : “Je suis un fantassin du développement”

      Quelques remarques :

      1. Sur les indices boursiers toujours : on dit Dow Jones (et non Down Johns) et Nikkei (et non Nickey).
      2. Beauté de la plume, d’après la réaction précédente ? Ce n’est pas lui qui écrit, mais Sidwaya. Brillant orateur, alors ? Avoir !... Parce qu’à lire certains extraits de l’article, ou bien Sidwaya n’a pas bien rapporté les propos ou bien l’invité s’est pris les plumes dans l’émotion. Morceau choisi : ...“je suis fondamentalement d’accord” avec ma grande sœur, Mme Odile Nacoulma, présidente de l’Université de Ouagadougou sur le jugement qu’elle a porté à la même place dont je suis assis.... A LA MEME PLACE DONT JE SUIS ASSIS !!! Je ne fais même pas de commentaire !
      3. Modestie, d’après toujours la réaction précédente ? Je vous sers quelques morceaux choisis et vous me dites si votre avis demeure, ok ?
      - "Par ma formation universitaire, je suis un général".
      - " Enfin, il y a les acteurs politiques du développement. Moi, je suis de ceux-là. Des femmes et des hommes, peut-être pas très intelligents, qui font l’effort de réfléchir et qui ont surtout un passé sur le terrain"
      - "Moi je suis d’abord responsable de la citoyenneté d’ignorance (au plan politique) dans laquelle se trouve mon pays"
      - "Et avec moi, j’engage la responsabilité des autres intellectuels. En réalité, beaucoup d’entre eux ont des diplômes dont ils n’ont pas quelque fois les connaissances"
      Etc.
      Par ailleurs, j’ai lu le droit de réponse de l’ancien maire de Gaoua dans Sidwaya (version papier). Et j’ai été outré du droit que se donne Sidwaya pour répondre... au droit de réponse. Extraordinaire ! Vraiment bouleverasant ! Alors que M. Ouali développe des thèses quasi assassines ou appels au suicide quand parlant du maire auquel il a succédé il dit : "Quand vous parlez ainsi, on dit que vous parlez mal. Ce monsieur, il faut l’enlever. Si vous êtes un homme, n’appelez pas le bois du fer parce qu’on va vous tuer. Les chemins de l’honneur et ceux des facilités ne se croisent qu’exceptionnellement, pour ne pas dire jamais. Babemba le disait à ses généraux lors de la prise de Sikasso. Il a dit “Moi vivant, les Français ne mettront jamais les pieds à Sikasso” . Et comme le dit les Maliens “Saya qua fissa ni maloya yé” (NDLR : en bambara “la mort vaut mieux que la honte”). Mieux vaux mourir que de subir la honte et l’humiliation".
      Pleure, mon petit pays !

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