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Cinéma : la lumière de la lucidité pour les salles obscures

Publié le samedi 24 juin 2006 à 09h36min

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Depuis un certain temps, les salles obscures burkinabè portent vraiment cette appellation courante. Le cinéma grand écran s’est éteint au pays du FESPACO avec la fermeture des salles. De cette issue navrante et désolante, la lucidité nous commande de voir qu’elle était inéluctable. Analyse d’une réalité triste qui colle à la peau de presque chaque recoin du continent.

Déjà au milieu des années quatre-vingt, le cinéma en salle avait annoncé sa pente déclinante en Afrique. Il ne faisait plus recette et les exploitants partant, devenaient rares, arguant alors que de la chaîne de production, le métier de tenanciers de salles ne nourrissent plus son homme. Petit à petit, les pays, les uns après les autres voyaient se rétrécir comme peau de chagrin, le parc des salles pour raison simple que la fréquentation ne cessait de marcher décrescendo.

Un phénomène qui a certes tardé à toucher le Faso, mais qui a fini par être lancinant au milieu des années quatre-vingt-dix, lorsque les déficits chroniques de la SONACIB, chargeaient la table du ministre commis à la culture et aux arts.

Certains vont naturellement parler de mauvaises gestions, d’autres de gabégie et de malversations dans la société. De telles assertions et interprétations peuvent être avérées, mais elles ne sauraient être la cause première du divorce centre le public et le cinéma de salles.

Sérieusement qui peut nier qu’aujourd’hui la fascination qu’exerçait la salle de cinéma sur les Africains que nous sommes au début des années soixante-dix, lorsque le président Lamizana nationalisait les salles, n’a plus prise.

Mis à part, la période du FESPACO, somme toute exceptionnelle, les westerns spaghettis, le genres vampire, policier ou karaté dont les jeunes raffolaient, ressemblent de nos jours à des navets qui laissent les éventuels cinéphiles de marbre.

Le diktat des autres marchés

Le cinéma de salle est essoufflé parce que le marché de l’exploitation a évolué, voire changé de tout au tout. Cela, parce que la question qui a toujours taraudé le métier est de savoir si le cinéma était de l’art ou était une industrie commerciale, donc une activité à générer de l’argent.

Apparemment, la machine a tout emporté sur son passage, le cinéma hollywoodien a tranché : le cinéma est d’abord et surtout économique. Dès lors où il devient une affaire d’argent, les pays moins nantis n’y ont plus leur place. Car comment concilier vendre du rêve et faire en même temps du bénéfice ?

C’est alors que la télévision, autrement plus nantie entre dans la danse et ne cesse de prendre une place prépondérante au point de rendre, le déplacement en salle, une activité peu rentable. Pourquoi aller chercher loin, ce qu’on nous livre à domicile.

Le second et le troisième marché ont ainsi pris le dessus ; à savoir, la télévision et la vidéo, cassettes tous supports combinés.

Le cas burkinabè à l’instar de nombre de pays africains, devient insoluble avec la nouvelle donne qui est l’érection dans toutes les villes et tous les villages de multiples cours de vidéo projection. Elle offre deux avantages que sont la proximité et le coût.

Ainsi se retrouve piégé le cinéma de salle, surtout que l’offre de films est limitée et trop tardive pour susciter l’engouement nécessaire à générer de la rentabilité.

Le maillon faible

Le métier d’exploitant est en question, même en Occident où la production se maintient encore à un niveau acceptable. L’Afrique ne produit pratiquement pas ou très peu. Mieux lorsqu’elle y parvient, la distribution est quasi nulle.

Aussi, les exploitants pour vivre se tournent vers la production hollywoodienne, bollywoodienne (Inde) et européenne. Le problème de l’Afrique, c’est qu’elle n’achète que des films déjà amortis, autrement dit qui sont passés en salle ailleurs depuis plus d’un an, deux ans déjà.

Comment, ces " vieux " films peuvent-ils faire recette, alors qu’ils ont été déjà diffusés par les chaînes de télévision, mondialisation de l’image oblige, et que le support vidéo, pilulent depuis les rayons des magasins et même les rues de nos capitales.

En Occident, les salles font recette parce qu’elles sont conçues sous forme de véritables complexes, car intégrées dans les projets où le cinéphile en plus du film qu’il vient voir, a sous ses yeux plusieurs autres offres, en service, loisir et divertissement. Lorsqu’il se rend au cinéma, il peut se raviser une fois sur place et se tourner vers autre chose. En somme, on l’incite à aller au cinéma en lui proposant par ailleurs, le choix du shopping, de la restauration, du sport et de la relaxation, du jeu...

Le Burkina Faso, du moins ses opérateurs économiques sont-ils assez nantis pour aller vers ce type de complexes ? Ont-ils les moyens pour faire projeter en salle, les films nouvellement sortis en Occident ? Existe-t-il un cinéma africain, vers lequel se tourner si l’achat des films occidentaux n’est pas à leur portée et ces films ne sont pas à leur portée.

Autant d’interrogations à solutionner, d’obstacles à lever avant d’espérer une réouverture des salles. On a beau être philanthrope, si l’investissement s’avère être un sac troué, même les meilleures intentions du monde se perdent.

Le cinéma, affaire des pouvoirs publics ne tient plus la route parce que cette activité est devenue un vrai "business". Qui ne l’a pas compris se fourvoie et agit tel un prêcheur dans le désert.

Souleymane KONE

L’Hebdo

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